Les trois Corbeaux et le
Bousier
Mes trois Corbeaux avaient le gésier
Qui criait famine
Quand l’un d’eux aperçut un Bousier :
«Pas cette vermine !
Protesta l’un des deux autres, avec horreur.
Il est de ces espèces
Qui se nourrissent chaque jour de fèces !
N’y a-t-il pas mieux comme choix de saveur ?»
Mes trois Corbeaux se remirent en chasse
Pour, disons-le, trouver repas moins dégueulasse.
Après quelque temps, les Corbins
Dénichèrent des cadavres de Colombins,
Putrides et grouillant de centaine d’asticots :
Chacun y mangea son écot.
On voit le mal partout,
Sauf en nous !
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Le Perroquet
Un Perroquet en cage
Avait pour tout ramage
Appris des hommes le langage,
Et tenait long discours
Les nuits comme les jours.
Excédé par son radotage,
On lâchait tel ou tel juron,
On maudissait ce don
En couvrant sa loge d’un voile !
Tombé alors en léthargie,
On lui redonnait vie,
On relevait la toile,
Pour amuser la galerie.
Mais voilà que le Perroquet
Laissait clos son caquet,
Refusant même sous l’injure,
Les coups et le chantage,
De reprendre son bavardage :
Pour l’animal et sa nature,
C’était une gageure…
Pourtant, en un instant soudain,
L’oiseau reprit sa voix d’humain :
«Pour qui me prenez-vous ?
Pour un naïf, un doux ?
C’est mal me connaître !
Fit-il à son maître.
Vous êtes girouette
Et je ne suis primate
Qui fait au sifflet pirouette !
Vous voulez que j’épate
Tout votre voisinage,
Comme c’est dommage !
Je n’en ferai pas davantage !
Montrez à tous votre courage,
Battez-moi avec rage,
J’accepte vos sévices !
Mais il n’est écrit nulle part
– Moi qui ai déjà fait ma part –,
Il faut que tu obéisses
À toute heure et partout.
Pour être obéi en tout,
Achetez-vous un chien :
Assis, couché, debout,
Il ne discutera sur rien !
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