Une traversée de mots au goût de Noël... |
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Quelques douceurs 2023 : Invitée Guenane Cade |
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2023 L’Histoire qui en nous trébuche Les assassinats d’écrivains roumains(*) me ramènent à ma
jeunesse outrée par les emprisonnements d’écrivains russes, années 60,
d’autant que les jeunes profs de la Fac des Lettres étaient encartés au PC.
Je me souviens de l’un m’annonçant qu’il partait passer l’été en Roumanie, «
un pays de vrais camarades ! » Cela a rameuté mes années-dictatures
sud-américaines, les mises en scène des arrestations, les maquillages de
l’hypocrisie assassine, tous ces Humains cloués sur des croix invisibles. Il m’arrive de ressentir ce
point-poing stomacal qui surgit quand les mots se nouent en moi. Et de cercle
en cercle, oui, tout continue, jusqu’où irons-nous dans la déshumanisation,
de quel néant chaque jour veut-il nous rapprocher ? Toujours les mêmes manœuvres pour
justifier les crimes et toujours les mêmes Majestés lésées. Les mots n’en
peuvent plus de dégueuler tant de boue. Et pourtant les psychopathes plus que
jamais continuent de sévir, de séduire, de prendre le pouvoir et la droite
extrême partout se redresse, lisse ses ailes. Russie-Ukraine, Israël-Gaza, les
mêmes mots usés de la guerre n’en finissent pas de réveiller mon urticaire.
J’ai l’âge de la destruction de Lorient. Cette ville portuaire au nom de
navire cinglant vers les épices et les moussons fut anéantie par les Alliés.
Sur mon extrait de naissance est écrit : « Parents domiciliés à Lorient,
réfugiés à…» Exode, exil… j’ai appris à marcher dans
les ruines avec une mère détruite. Je vis face à l’indestructible Base du
IIIe Reich et, caustique, je la regarde comme un possible abri à venir. J'ai côtoyé les Indiens Guaraní. Leur
Paradis s'appelle La Terre Sans Mal. Pour savoir si c'est une illusion, il
nous faut avoir les tripes d'affronter le chemin jusqu'au bout. L’oiseau à bec de rubis, le rubis
étoilé du sang de l’Histoire. Faut-il toujours tout détruire avant
que ne s’éclaircisse la voie ? Depuis la guerre de
Troie, elle est longue la litanie des villes au cœur détruit et cette étrange
ligne de sépultures s'allonge toujours ! Mais écrire, c'est construire. Toute écriture masque un, des
secrets. En écho, je vous offre quelques
fleurs mauves des décombres que je porte en moi : Dans les ruines, les grappes mauves attirent les papillons. Elles ont un nom compliqué pour l'enfant un parfum
errant qui attache, agrafe les traces. Buddleias. ©Guenane Cade (*) Ce texte est issu d’un échange privé autour
des « enquêtes » sur les assassinats d’écrivains menées par Ara
Alexandre Shishmanian (sur son
site). |
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Créé le 1 mars 2002