Proposez-nous vos créations
graphiques empreintes de poésie

ACCUEIL


ARCHIVES : CRÉAPHONIE

Sabine Peglion - Marie-Claude Rousseau - Sylvie Grégoire... et plus





Jeanne Gerval ARouff – Initiation ou l’essentielle nudité
(5ème station)


Artiste totale, ayant pratiqué toutes les formes d’expression, avec une inextinguible soif d’authenticité, d’immédiateté de la matière plastique et, simultanément, de la forme multi-sensorielle qui s’en dégage pour l’esprit, presque physiologiquement, tant l’art et la vie sont pour elle une et la même expérience, Jeanne Gerval ARouff a pratiqué également une multitude de voies spirituelles. Les références qu’elle parsème dans ses textes et jusque dans les titres des œuvres plastiques sont volontairement syncrétistes (« Tao, Torah, Croix, Shiva, Allah »…) ; mais qui tâcherait de les cataloguer et de décrire cet univers foisonnant, au demeurant, symbolique, dans les termes d’un parcours religieux, se tromperait lourdement. Les multiples voies de pratique et d’Initiation sont comme des formes rituelles et préliminaires de l’expérience réitérée de l’humain, qui s’approfondit vers une racine commune, alliant spiritualité et sexualité, et prenant naturellement la voix de la parole poétique. L’extraordinaire leçon de Jeanne Gerval ARouff est la « soif de l’essentielle nudité » qui l’anime dans une découverte de soi jamais abandonnée : une quête de vérité comme essence de la vie. « Qui que tu sois, sois ce que tu es. »

Dana Shishmanian

 
Partie I
1.    L’Arbre de Purification


L’arbre de purification, 1986, reproduit d’après Signes-Souffle ou Logo d’l’âme suivi de Je t’offre mon arbre,  Espace Multipliants, 1995 (p. 52)

Toi
à Nandyananda
Taureau en Contemplation

« Révélé dans la pierre
quand tu m’ouvrais la terre
OCÉAN EST TON NOM

Nous jouions à rêver
l’univers pour hochet
À l’autel des offrandes
pléiades et hyades officiaient
reflétées dans l’abîme

Exilée de l’enfance
j’écarterai le portail des heures
j’irai forer le puits des avant-sphères
pour boire de ton eau
rejoindre la mémoire

Apatride
je vogue à la lisière de ton absence
saison des insouciances
Sans cesse en partance
vers ta pérenne ramure
je rêve des racines
sur les cendres du temps
ARBRE DU SAVOIR ET DU SILENCE

Je te cherche dans mes songes
solitude des ailleurs
dans le souffle du sud-est
souvenance de ta voix
dans le vol du courlis
vers Gris-Gris les falaises
quand quête du nid crie urgence

Je te cherche et je chante
coquillage habité d’espaces et de vent
Je te cherche et je cours
impatience de la crête
qui chevauche la vague

Que les vagues du voyage
dérivent vers la berge de toi !
ÉTALE INNOCENCE

Je suis source et fleuve
INSONDABLE IMMOBILE

Prends-moi sous ton gîte
royaume des épousailles
VIERGE SAGESSE
Tu es maître du temple
CLÉ DE LA NUIT

Je porte au doigt l’anneau du souvenir
Je viens retrouver l’Ombre
où nous dormions à la manière des eaux
du sommeil immémorial

Je secoue des errances
la poussière de mes pas
Puisses-tu reconnaître
les empreintes de toi !

Émigrée de moi-même
mes voiles appareillent au batelage
Je te rêve mouillage que ma barque aborde
Je te veux ancre où fixer l’amarre.

Sans toi
je suis hiver sans flamme
île prisonnière de la mer
montagne sans mamelles

Je descendrai sous le signe d’Amalthée
vers ton sillage secret
Je descendrai
jusqu’à la cité des mille soleils
 Je plongerai jusqu’aux racines
OCÉAN-RÉDEMPTION
pour renaître de toi

ARBRE-TOI

ARBRE-MOI »


Dans Signes-Souffle ou Logo d’l’âme suivi de Je t’offre mon arbre, 
Espace Multipliants, 1995 (pp. 37-38)


Arbre-lien
« Tu es cet arbre-lien qui lie nos deux âmes.
Vigile de mes pas égarés,
tu élèves mon œil lié à la terre
vers cet horizon vertical
au-delà du temps.

De tes bras ouverts,
gorgés d’énergie lunaire,
tu m’arraches aux lumières rasantes,
me soulèves de terre,
et m’orientes vers la lumière verticale
des octaves infinies. »
Inédit,Curepipe,11 mai 2005

2.    L’apprentissage
Les sept pèlerins ou La quête



L’autel des 7 pèlerins. Assemblage de pierres, 2000. Visible de la route côtière,
Baie-du-Tombeau, Maurice (ancien Espace Totem créé par l’auteure, maintenant privé).
« Les autels et les pèlerins sont récurrents dans mon travail.
Ici utilisable comme banc de jardin. »

« L’île, terre de légende, porte dans ses eaux matricielles pirates, corsaires, boucaniers, flibustiers. Que d’aventuriers partis pour les îles, qui n’en sont jamais revenus ! Ils laissent au fond d’une bouteille, des messages voguant au gré des vagues. Qui alimentent la soif inassouvie de l’homme pour des richesses temporelles, comme pour des trésors mythiques. Mais aussi son goût du rêve et du merveilleux. Messages à l’origine, souvent, de légendes inédites de l’Histoire. Ils recèlent des coffres à trésors pour chercheurs d’eldorado. Pris de court par les pas imprévus de leur épopée, ils engendrent d’autres légendes. Et y laissent parfois la vie.

“Rends-toi, dans la nuit du 31 décembre au premier janvier, près du cimetière. Là, une pierre lissée par le ressac, se distingue des dalles tombales. Noire, elle s’étend entre deux agaves. Elle te guidera. Et tu trouveras.”


Pioche, pique et pelle en mains,  Énigme appareille. Au front, une torche de mineur. Dans la tête les promesses mirifiques, richesses récupérables, puisque répertoriées. Elles renferment des milliards de pièces d’or, des lingots, des bijoux, des trésors du culte, des chandeliers d’or massif… un calice aux mille émeraudes que seul l’initié saura se l’approprier. La nuit passée à rôder autour des tombes qui balisent le ressac, dans l’aube naissante, la mer se retire, restitue le repère. Bloc de basalte lissé noir par les eaux millénaires. Et le pendule oscille.


Un esprit, possède-t-il une voix ?


“Lorsque le trésor nous engloutîmes, le basalte lissé fut placé à angle droit avec la montagne, pour que nul doute ne surgisse. Heureux je suis que preuve tu aies eue du fait indéniable.” Les fouilles s’activent. La pierre lissée quitte ses assises. “A te jurer qu’à l’emplacement repéré, le trésor englouti se trouve. La pierre lissée noire entre les agaves n’est pourtant que repère. La mer millénaire, cyclones et débordements ont bouleversé l’ordre des choses. Mais sur la voie tu es.”


Énigme creuse jour et nuit. Le temps s’y épuise. Un trésor, il le sait, garde jalousement son secret. Le trouve-t-on jamais au lieu indiqué, aussi précis soit-il ?  Que sont devenus le Trésor de l’île Cocos, l’île d’Or, le Trésor des Incas, le Trésor des Templiers, celui d’Olivier le Vasseur, dit la Buse, celui de l’abbé Saumière… ? Que de trésors sans fondement, bâtis pour alimenter l’affabulation de rêveurs ! Laissant dans leur sillage ruine et revers ! Ceux qui participèrent aux opérations n’ont guère de voix. Et pour cause ! Le courage d’Énigme perd ses étais. Au moment d’abandonner, un objet se détache de la pénombre. Une tête de pipe. Le temps bascule. A ses côtés, quelques ossements.


“Sache que pour préserver ce fabuleux trésor contre toute incursion ennemie, qu’elle vienne des hommes ou de la mer, de nombreux esclaves et hommes d’équipage qui se trouvaient à bord furent astreints à une rude tâche. Heureux les persévérants !”

Énigme redouble d’efforts, creuse sans répit, fouille, plonge, de plus en plus profond.  Mais, des abysses, ne remonte que du noir. Quand, sur une paroi, un signe gravé se présente. Une clé. Ce trésor, aux indications sibyllines, serait-il temporel ? “Je suis avec toi dans ton temps et ton espace. Ici, point de temps ni de distances. Décrypte cette clé. Indispensable elle est pour ceux qui peuvent la saisir. Sur la voie tu es. Le trésor est là.”

Énigme ne s’accorde une pause que pour reprendre souffle. Où chaque palier est un périple éreintant, une aventure à lui briser les reins, menant  à d’autres marches, vers d’autres caves. Quels coffres rutilants, quels joyaux, l’éclat de quelles pièces d’or, quel miroitement poursuit-il ? Malgré le doute qui s’insinue au fil des filets d’eaux qui s’infiltrent à chaque coup de pique,  Énigme persiste dans le noir du mystère sous-marin, aux timbres d’un nocturne qui lui renvoie l’écho de son propre souffle. La cité aux mille joyaux recule à l’allure de l’inaccessible. Énigme, pourtant, plonge dans les méandres d’un royaume insondable. »                                                                                  

En quête de la cité aux mille joyaux,
dans l'Express (supplément Culture), lundi 6 janvier 2003.

                                                           

Le grand conseil


Le grand conseil. Ensemble de pierres taillées, 1998-2000. Visible de la plage,
Baie-du-Tombeau, Maurice (ancien Espace Totem créé par l’auteure, maintenant privé).

« Dans mon écriture, en moi, il y a tout, il y a une unité. Par exemple, il m’est arrivé de créer tout un espace que j’appelle le grand conseil. J’allais chercher des pierres que je taillais. Il me fallut deux années pour réaliser cet espace. Un jour, l’écriture est montée en moi. Ça n’avait rien à voir avec le grand conseil mais je sens venir quelque chose qui allait parler de la Messie de l’ère nouvelle. Je laisse venir, je commence à écrire ; je ne sais pas si ce qui va naître est une pièce de théâtre, un poème ou une nouvelle. J’écris et c’est un peu de tout ; le poème jaillit, il y a aussi une manière de scène qui s’éveille et devient une pièce de théâtre. Enfin d’un coup, le lieu et le contenu de cette œuvre, c’est ce parcours qui devient le lieu où se déroule l’histoire de la Messie de l’ère nouvelle, l’endroit où les personnages prennent vie. Tout ce que je fais englobe le théâtre, la poésie, la nouvelle. Je ressens en moi l’unité de l’art. »

Extrait de l’interview 5 Questions pour Île en île
(par Thomas C. Spear, Floréal, Maurice, 22-06-2009).


« De toutes mes îles tu étais l’élue
De toutes mes îles tu étais l’arche.

TU FAXERAS LES ARCHIVES
Code 2450 BC. Tu les étudieras.


- Au Conseil du Nord
tu établiras la dernière descendante de


KU-baba de Kish, en terre sumérienne.
De toute l’Histoire, pionnière
à la tête d’un empire.
La fille de Sâgara l’assistera.

TU FAXERAS LES ARCHIVES
Code 1486 BC. Tu les étudieras.


- Au Conseil du Sud
tu établiras la dernière de la lignée de
HATSHEPSUT, l’éminente souveraine.
Des pharaons, elle transforma
la terre ancienne.

TU FAXERAS LES ARCHIVES
Code 570-632 BC. Tu les étudieras.


- Au Conseil de l’Ouest
tu établiras la dernière descendante d’A’ISHA
la plus jeune des épouses.
L’assistera, la descendante de SUN-BU-ER,
pour sa sagesse sur la Voie du Tao.

- À l’Est
la dernière descendante de
CHRISTINE DE PIZAN
code 1365-1430 AD
pionnière par l’écriture et la parole, assistera NAMMU VII.

<La> démiurge présidera le Grand Conseil. »
 


Extrait de Messie de l’ère nouvelle,
Espace Multipliants, 2000 (pp. 19-20)



Le tabernacle


Tabernacle. Installation, 1990. Teck – calice cuivre – cristal.
Atelier de l’artiste, Floréal, Maurice

« Il rêve, en somme, de rassembler autour de lui tous les Grands Maîtres Spirituels de la Planète. Faire de son sanctuaire une île-point de ralliement planétaire. Il s’agit d’accélérer les vibrations de La Terre, de la sauver des bouleversements pressentis (…). Sans doute croit-il à la vocation de l’île-modèle universel. »

Masterji, dans Histoires incroyables, édition par Rama Poonoosamy,
Collection Maurice, 2007


« Ainsi as-tu reconnu à sa ferveur l’Oint de la Nature, le Poète qui nomme son autel ‘‘tout lieu où l’arbre, la montagne, l’étendue marine ou herbeuse communient devant une présence sacrée qui n’a pas de nom au ciel et ne pourrait en recevoir un du langage humain’’1 . De même, ton souffle au sien mêlé, Lui, t’aura reconnu : ‘‘Enfance et Poésie sont deux sœurs jumelles…’’
Lavé des eaux lustrales originelles, le célébrant de la vie sera nourri aux légendes d’outre-temps. À l’autel antique de la terre matricielle, le Poète accordera son violon d’île à ta polyphonie lémurienne. Ses sens s’interpénétreront.  Il écoutera des yeux, regardera par l’ouïe, accordé à l’exubérance végétale, aux alizés, au ruissellement de la lumière, en phase avec ‘‘les sculpteurs des montagnes, magiciens dont les incantations rustiques, dédaignant l’exiguïté des temples, résonnent aux quatre vents des plaines (…)’’ 2
Nef et Poète liés, telle l’ombre et la lumière, vous renaîtrez UN, vous nourrissant l’un de l’autre, Grand Prêtre du Temple, en cette heure cruciale où le Poète, après avoir fait ‘‘en raphia la maison de’’ sa ‘‘vie, (…) fait de granit’’ sa ‘‘maison pour la mort’’. Des profondeurs abyssales vous voguerez ensemble. Tantôt sur les vastes planes intérieures, arrimeurs des trésors de plages nocturnes, tantôt amarrés à la falaise ; toujours magnifiant d’éternité chaque atome. »

 Extrait de Éternelle Nef, dans L’Express (supplément Culture), 21 juillet 2003,
reproduit d’après Pile/Face, Éditions du Totem, 2005 (pp. 18-19).



L’autel



The altar III ou Initiation. Installation, 1990. Pieds: des tambours de photocopieuses hors d'usage, fixés dans des supports bois ; plateaux: vitres de voitures anciennes ; calice: verre découpé ; petit cercle: perspex découpé ; oiseau: cristal.
Collection privée (Robert Furlong, Rose-Hill, Maurice) ; photo Dr. Norbert Louis.

« L’autel est à l’éloge du cœur. Objet gravé, aux lignes d’une grande pureté, ramenant en mémoire les paroles de Kandinsky. «L’art », pense-t-il, « n’est pas une vaine création d’objets qui se perdent dans le vide, mais une puissance qui a un but et doit servir à l’évolution et à l’affinement de l’âme.» (…) Tout ici est équilibre, amour et pardon. Un leitmotiv surplombe l’autel : ‘‘As we forgive, we are forgiven”. Ne te couche jamais la rancune au cœur, comme le conseille Le Grand Livre. Est pardonné celui qui pardonne. »

Masterji, dans Histoires incroyables, édition par Rama Poonoosamy,
Collection Maurice, 2007



“It all flashes back to my mind:
the chalice, channeling the light from above,
overflowing with elixir for the soul;
the bird-Spirit,
born from Mother-Father God,
radiating its power of love.
I AM empowered to spread The Light of Love,
entrusted with the four-fold mission
to learn,
to grow,
to teach,
to heal,
until we are all transformed into Light.

As I walk forward,
listening to my heart beat
beat with my foot step,
I walk towards the inner Flame,
my heart lit up by The Light
which lights every single heart,
our body a Temple,
the truth disclosed.
At Pentecost, I received of its fullness.”

Extrait du 10ème poème, The Altar, dans Healing,
Éditions du TOTEM, Floréal, Maurice, 2010 (pp. 24-26).


 1. Citation de La Nef. Anthologie poétique de R. E. Hart, éd. K. Hazareesingh, Port Louis, 1976.
 2. Citation de Le Cycle de Pierre Flandre. Respiration de la vie, par R. E. Hart, éd. La Typographie Moderne, Port Louis, 1932.




Biographie


Jeanne Gerval ARouff naît le 4 juillet 1936 à Mahébourg (Île Maurice), entre rivière et mer, là où la Rivière La Chaux se donne à l'océan.
Après une petite enfance mahébourgeoise, sa famille s'installe à Vacoas.

La benjamine (six frères et trois sœurs) se dépense autant dans des activités sportives – tennis, bicyclette, chorégraphie – que dans ses études, particulièrement la philosophie. La pratique des arts martiaux (karaté, judo) comme du yoga lui donne à jamais une discipline et une part de méditation et de contemplation dans sa quête spirituelle.

       


Jeanne Gerval ARouff
L’essentielle androgynie , station 5- Partie1
Revue Francopolis février 2014
recherche  Dana Shishmanian

 
               Vous voulez nous envoyer des créations ?

                 contact@francopolis.net

Créé le 1 mars 2002


visiteurs
depuis le 15 mars 2005

A visionner avec Internet Explorer