Pourquoi le Poète ?
« ... Qu'il soit
d'hier ou d'aujourd'hui, le poète est celui qui n'est aliéné à aucun
système, pourtant il clôt celui de la poésie car il sollicite autant qu'il
suggère ; c'est à dire qu'il attire et provoque l'attention aussi bien
qu'il inspire l'esprit, l'invitant à la réflexion.
Pour que sa raison d'être ne soit pas remise en cause, il
précise – à qui veut bien l'écouter – que jamais on ne limitera aux
barreaux de la cage, le chant de l'oiseau.
La question reste donc posée, bien qu'elle contienne la
réponse.
Pourquoi la poésie ? Parce que le poète ! Pourquoi le
poète ?
Parce que la vie... »
©Gérard OLIVIER
* * *

Le pays triste
Il est un pays triste
Où l'on dessine sur le mur du soleil
Des injures qui n'ont pas d'ombre.
…
Pays triste.
…
Le naturel
Se vêt d'étrange,
La mer
Se farde de rafales,
Le vent
Se charge de navires
Aux équipages de songe
Et d'oubli ;
Les roses
Refusent la rosée,
La rosée
Refuse de penser,
Et les oiseaux
Pensent pour les ruisseaux
Qui désirent ce que défend la peur.
…
Pays triste.
…
Les cendres
Réchauffent les souvenirs glacés,
Et la glace
Craque
Au passage de la mort
Qui verrouille
Les sillons de l'automne…
…
Pays triste.

Divinement diabolique
L'ange de l'amour à ma gauche, l'ange de la mort à ma
droite, avec ça je suis bien gardé !
En face de moi le présent, le passé et
l'avenir judicieusement rassemblés dans l'immuable et unique œil de Dieu ;
œil terrible sans cil ni paupière, qui regarde le Diable tiré par la queue.
...
Et bien
Monsieur, tout cela n'est pas sérieux ! Deux choses l'une : ou bien le
Diable est divinement malin ou bien Dieu est diabolique !

Les inconscients
Ils ont fait pleurer les oiseaux,
Ils ont dévêtu la planète
Pour l'habiller d'une aigre fête,
De duvet mort et triste peau.
...
Il n'y a plus de jours nouveaux,
Beaux souvenirs que l'on regrette,
Ils ont fait pleurer les oiseaux,
Ils ont dévêtu la planète.
...
Il ne subsiste qu'un roseau
Témoin d'une forêt déserte,
Qui pleure et baisse la tête
Car dans l'eau douce des ruisseaux,
Ils ont fait pleurer les oiseaux.

Blessure
Pour une science divine
Dont les hommes seraient le fond,
Dans un brouillard des plus
profonds
Depuis le temps où je chemine,
Il est des étoiles qui sont
Plus que tout ce que l'on devine,
Et si leurs rêves se confinent,
Et si leur âme se morfond,
En voyant l'horrible morsure
Que le temps fait qu'envenimer :
…
Ah ! Je suis bien cette blessure
D'où saigne la douleur d'aimer.
…
Les heures vont comme elles vont,
Chacune étant une orpheline.
Allant par-delà les collines
Elles s'en vont, elles s'en vont
Semblables aux jours qui déclinent
Quand le soleil à l'horizon
Des soirs emportent le poison
De ce bonheur que j'imagine ;
Alors se fait la déchirure
Qu'il m'est interdit
de nommer :
…
Ah ! Je suis bien cette blessure
D'où saigne la douleur d'aimer.
…
Pareil au temps que l'on dessine
J'en ai tant vu qui de leur nom
Griffaient le bronze des canons
Tachaient de sang d'autres poitrines.
J'en ai tant vu dans l'abandon,
Sous le poids d'une discipline
Lorsque la misère assassine
Ceux qui de leur Foi, font le don ;
J'en ai tant vu de ces injures
Qui ne tenaient à rien rimer :
…
Ah ! Je suis bien cette blessure
D'où saigne à la douleur d'aimer
….
La colère enfante des sons
Et le silence sa routine,
L'une à du sang dans la rétine
Et l'autre songe à des chansons ;
Suivant ainsi une doctrine
Dont il ne tirera leçon
Chacun s'en va vers le frisson
Qui lui donnera triste mine.
Chacun regarde ses brûlures
Qu'aux quatre vents il a semé :
…
Ah ! je suis bien cette blessure
D'où saigne la douleur d'aimer.

Les enfants du malheur d’aimer
Ils s'en vont par milliers, en
recherchant leur nom,
Ces enfants de la nuit qui n'ont pas de
patrie ;
Ils s'en vont par milliers, ces enfants
du démon
Que l'homme a dessinés en repos des
tueries.
...
Si leurs pieds sont petits pour marcher
sur le monde ;
Ils ont un cœur si grand qu'il y fait
souvent froid
Et la main de l'ami n'est pas assez
profonde
Pour tenir un soleil face à leur
désarroi.
...
Ils ont des yeux si beaux que l'on y
voit toujours
La réponse aux questions qu'ils ne se
posent plus,
Mais leurs chansons n'ont pas, comme au
déclin du jour,
Les longs refrains soumis, des musiques
vaincues.
...
Entre deux coups de feu et quelques
grains de riz,
Leurs petits doigts tendus vers une
identité,
Sur le sable poudreux ils déposent leurs
cris
Puis s'en vont au hasard, vers la
réalité.
...
Ils portent dans leur cœur le secret des
étoiles
Qui résulte d'un soir et d'un très court
baiser
Pour un peu de tendresse où deux corps
se dévoilent
En se parlant d'amour dans un monde
brisé.
...
Ils s'en vont par milliers en
recherchant leur nom
Ces enfants de la nuit qui n'ont pas de
patrie ;
Ils s’en vont par milliers ces enfants
du démon
Que l'homme a dessinés en repos des
tueries...

Sous un soleil fourbu
Sous un soleil fourbu, je me suis
promené
Dans l'immense jardin où fleurissent les
rides.
J'y ai vu des vieillards aux corps longs
et voûtés
Qui ramassaient les pleurs de leur
malheur livide ;
J'y ai vu un enfant – qui bien avant son
âge –
Pour faire l'important, le regard se
couvrait
De soucis, de tourments, d'orages en
voyage
Et marchait comme un vieux vers un grand
bol de lait.
…
Un vieillard attendri s'approcha de
l'enfant.
De son front tourmenté une ride tomba.
Il venait d'accrocher en un très court
instant
Un sourire à son cœur que le vent
emporta…

Aucun doute
L'hiver revient à pas de loup.
Comme chaque année
Sur le muret du verger,
Le rouge gorge chante à gorge déployée ;
Oui, mais pas n'importe comment !
Il chante en français
Et surtout, il ne fait jamais de faute
de syntaxe.
Quel bonheur !

La vie et la forge
La vie est une forge
Où l'on y voit que du feu.
...
Dès qu'il vient au monde,
Qu'il entre dans cet espace
Incontournable
Qu'est le temps,
L'homme
Est aussitôt pris
Entre
Le marteau
Et
L'enclume.
...
Dès lors,
S'il tient à survivre,
Il ne lui reste plus
Qu'à battre le fer
Pendant qu'il est chaud,
Et
Faire des
étincelles...
© Cerise
Alexandra - peintures
© Gérard
Olivier – poèmes
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