Marie-Laure Bigand nous propose un beau recueil, Secrets d’images,
associant à parts égales les mots et les photos. Il y a la volonté affichée
d’établir un lien entre les deux : à un texte répond ou correspond une
photo, ou inversement suivant les cas.
Marie-Laure a commencé sa vie d’auteure par le roman puis les livres
jeunesse. (Voir la bibliographie, en fin d’article). Plus récemment, elle
s’est mise à écrire de la poésie. Gardée un peu secrète, jusqu’à ce qu’elle
découvre la photographie. Non pas sous les aspects techniques de la prise
de vue, du cadrage ou de l’exposition, puisqu’elle « faisait » de
la photo comme l’on dit, mais parce qu’elle y a perçu, senti, ou deviné, un
lien entre les mots du poème et l’image délivrée par l’appareil.
Il lui a fallu bosser un peu. Acquérir la maîtrise d’un langage
poétique qui lui soit personnel. Et la maîtrise, là aussi, de la
photographie d’un point de vue artistique. L’inspiration pour les mots afin
de mettre le poème en forme et le point de vue pris par l’œil, soumis à
l’émotion de ce qui est vu, pour diriger l’objectif de l’appareil photo et
trouver le cadrage original.
D’ailleurs, dans son bref avant-propos, Marie-Laure écrit : J’ai
toujours observé la vie à travers le filtre de mes émotions, et c’est ce
que je cherche, inlassablement, dans ce que je photographie : une
émotion. (…) À ce moment-là, une histoire se crée.
Pourtant, il faut faire mieux encore : associer et conduire en
justes noces, l’esprit et le cœur, le poème et l’image. Ainsi, dans cet
ouvrage, l’auteure a exploité l’association possible et l’entremêlement
potentiel, des poèmes et des photos.
Marie-Laure choisit diverses formules d’associations en relation
avec les chapitres :
1) En première partie d’ouvrage, la photo occupe l’espace majeur des
deux pages et le texte vient en contrepoint. Ce premier chapitre est
constitué de textes de quelques vers et intitulé : INSTANTANÉS
Un exemple : p 72/73

Le
poème :
Les
gouttes de rosée, / en équilibre sur l’automne, / ensoleillent le matin.
Autre exemple : P 18 /19

Le poème :
Il y a si / longtemps / que tu n’es pas / venu. / Le temps /
s’abîme dans / l’attente.
2) En deuxième chapitre du recueil, la photo
occupe, le plus souvent, une très large partie des deux premières pages, le
poème, plus long, se développe sur toute la troisième page avec en
quatrième page, en rappel, la photo placée en petit médaillon en bas à
droite. Ce deuxième chapitre est intitulé : TEXTES COURTS
Un exemple : P 122 /123 / 124 / 125


Le poème : Entre deux rives
Tu es parti de l’autre côté,
Je n’ai pas pu te retenir.
Je n’ai pas eu les mots pour te sauver de toi-même …
Je t’imagine souvent dans ce monde que tu as choisi.
Je sais que tu veilles sur moi.
Une lumière éclatante dans un matin d’automne,
j’y vois ton sourire.
Des nuages qui se transforment en visage,
j’y vois un signe de toi.
Le ciel est devenu mon ami,
La terre l’asile de nos souvenirs.
Entre nous, une passerelle invisible,
Entre deux rives
3) L’auteure achève son ouvrage par un très court chapitre de
quelques brefs textes, présentés sur deux pages, en écho au premier
chapitre, et intitulé : JUSTE UNE IMPRESSION
Exemple : p 206 / 207

Poème : Je t’espère / À la croisée de nos chemins.
Secrets d’images est donc
le premier ouvrage de poésie de Marie-Laure BIGAND, travail directement
associé à la photographie dans ce livre à la couverture cartonnée rigide,
comme en bande dessinée ou pour un dictionnaire. C’est donc un travail à
deux voix, mots et photos n’ayant rien à mutuellement s’envier. Ce sont de
belles photographies et le livre en prend encore plus de valeur esthétique.
Émotion et sentiment, mélancolie et douceur, peur du temps qui passe
et appel à l’autre pour avancer, sont les mots-clés de ce livre porté,
entre autres valeurs humaines, par une certaine forme de délicatesse.
Un petit exemple :
Un matin, j’ai cueilli / un moment de bonheur. / Oh ! Il ne
faisait pas de bruit, / simplement,
il était là, / posé tout en délicatesse, / dans l’attente de son envol…
Autre exemple :
J’ai perdu ta trace / à
l’horizon du ciel / là où les lignes se rejoignent / et se perdent
dans l’infini, / dissimulant le paysage dans / un voile de brume. /
J’ai eu beau scruter le lointain, / à m’en faire mal aux yeux, / il ne
restait de toi / que tes pas vides.
Voici un texte plus long, évoquant l’absence et le silence :
EN VIVANT…
En vivant dans tes absences
Je renoue avec mon être profond
Je cherche, tel l’explorateur,
Une terre d’accueil
Pour y déposer mes tourments
Et regarder par-dessus ton épaule.
En vivant dans tes silences
J’apprends à écouter
J’avance, tel le funambule,
Sur une corde sensible
Qui nous lie l’un à l’autre
Et nous rattrape lorsque nous perdons pied.
En vivant dans ton manque
Je me construis
Je tisse, telle l’araignée,
Des fils de protection
Qui rident le temps
Et apaisent les cœurs …
C’est un premier recueil de poésie, et j’y remarque deux petites
choses à améliorer (Oh ! le sagouin, comment peut-il se permettre,
comment ose-t-il ?). Tout d’abord, l’usage de la virgule est parfois
hésitant et surtout, inégal dans un même texte. Ensuite, il faut
homogénéiser l’usage, ou pas, de la majuscule à gauche en tête de vers, en
dehors d’un début de phrase, d’un poème à l’autre, dans le même ouvrage. Ce
sont des fautes de jeunesse, même si Marie-Laure, en tant que romancière,
n’est plus une gamine. Ses écrits plaident pour elle.
C’est un bien beau livre, porteur de belles valeurs personnelles, et
bien écrit. J’ai déjà hâte de voir le prochain.
©Patrice PERRON.
Septembre 2023
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