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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

 

Septembre-Octobre 2021

 

 

 

Les paréidolies de Kathleen Hyden-David.

 

 

« … les visions étranges et surprenantes que les arbres et leurs écorces m'ont révélées, en forêt de Fontainebleau… »

 

Photos et poèmes

 

(*)

 

 

Python

 

Ironique

son regard

me tétanise

 

Il vient du ventre

de la terre

s’est glissé

dans ses failles

 

Que me veut-il

le fils de Gaïa

ce rebelle

à l’autorité divine ?

 

Pirater mon inconscient

me livrer aux tentations

m’abandonner à la passion

 

Inutile

c’est déjà fait

me murmure

son sourire

 

Et d’une glissade

il s’éloigne

indifférent aux fantasmes

des humains.

 

 

Envol

 

Regard captif

ailes déployées

au-dessus de l’écorce

 

Pieds enracinés

mais immensité

offerte

 

Plongée

vertigineuse

au cœur du paysage

 

Aplomb

de la roche

tourments lascifs

des eaux

rougeoiements

des sables

 

Cri de plaisir

 

Réalité murmurée

au souffle du vent

reprendre le chemin

regard détaché

 

Cœur chaviré

 

Gargouille

 

Notre-Dame brûle

 

Des branchages en folie

surgit une gargouille

animal fantastique

régurgitant ses eaux

sur la cour des miracles

 

Une voix, un cri

sous la canopée

c’est Le temps des cathédrales

 

Taillée dans la pierre

notre Histoire

résonne au cœur

de la nef végétale

 

Nef d’écorce et de résine

d’architectures

et de chlorophylles

 

Je frissonne

Quasimodo me tend la main

 

 

L’étranger

 

Sur l’écorce nue

 

les morsures

du temps

 

Pour moi seule

ces traces

d’un ailleurs ?

 

Projection du regard

hantée

par les éclats

de mon enfance

 

Une Amérique et son cinéma

dessinent leurs chevauchées

dans l’immensité des plaines

 

Pourquoi

tuer le rêve ?

 

Laisser en paix

le bison égaré

 

 

Caïn

 

L’œil scarifié

intensément me regarde

 

Conscience et mémoire

 

Intense, il est là

dans la peau de l’arbre

 

Il me suit

me capte

me fige

 

Je suis statue de sel

 

Un œil impassible

toujours ouvert

et qui me regarde

 

 

Migration

 

Fuir

dangers et misère

chercher refuge

loin de leurs terres

 

Escalader

la montagne

frontière d’un pays rêvé

 

Pieds et mains nus

s’agripper

ramper

entre les failles

 

Se blottir ensemble

dans la faim

et le sommeil

aux creux de la roche

 

Interminables efforts

épuisant les corps

que seules portent

les ailes de l’espoir

 

L’homme

juste un insecte

sur son écorce

 

 

Mort vivant

 

Refusant l’inexorable

une main remonte

des profondeurs

 

Épuisée

par le combat à nu

en une terre insaisissable

 

Ouverte au désespoir

comme un appel

au secours

 

La racine

presque humaine

quête la lumière

 

Tête dans les étoiles

la griffe en vain

s’épuise aux sources

du monde arboricole

 

 

(*)

On appelle paréidolie – du grec para-, « à côté de », et eidôlon, « image, apparence (d’où : « idole ») – « le processus survenant sous l'effet de stimuli visuels ou auditifs, portant à trouver une forme familière dans un paysage, un nuage, de la fumée, une tache d'encre, etc., une voix humaine dans un bruit, ou des paroles (généralement dans sa langue) dans une chanson ou un discours, prononcés dans une langue qu'on ne comprend pas » (selon Wikipedia). Bref, c’est le sensorium des artistes ! Comme Monsieur Jourdain, on parlait cette « prose » depuis toujours sans savoir qu’elle portait ce nom… savant !

Encore faut-il avoir les moyens d’expression en plusieurs « langages » qu’appelle par définition cette capacité associative et synesthésique qui nous fait voir, entendre, toucher des formes, sons et signes dans les objets les plus insignifiants pour le commun des mortels, ou qui tout simplement sont faits pour servir, non pour exprimer, quand il ne s’agit de créatures ou phénomènes de la nature… Mais il se trouve justement que, pour l’artiste, ils expriment… ils parlent… ils chantent… ils portent des visages et des formes vivantes et intelligentes, et surtout, hautement signifiantes.

Kathleen Hyden-David a justement cette capacité à transcrire ce qu’ils expriment de plusieurs manières : visuellement – par les prises photographiques dont elle les surprend, de son œil attentif – et textuellement, dans l’écriture poétique. Le démontre amplement son récent recueil Écorce, paru en juin 2021, dont sont extraits les « duos » ci-dessus (éd. France Libris, 91 p., 23 € : commander sur le site Librairie Fontainebleau ou auprès de l’auteure).

Comme le remarque très pertinemment le préfacier – le poète et écrivain Claude Luezior – il y a ici une « alchimie subtile (…), spontanée et homogène, comme si les images verbales du poète se mêlaient tout naturellement à la capacité créatrice d'une lentille attentive aux choses qui ne se voient guère. Kathleen Hyden-David, dans sa démarche émerveillée, croque un bestiaire végétal invisible pour certains : sur d'humbles écorces se révèlent la peau des saisons, un caléidoscope de formes tout à la fois concrètes et oniriques, un monde secret de confettis et de déchirures, la tendresse des mousses et la colère des moisissures, l’hallali d'une clairière et l'attente sacrée d'une salamandre qui attend son heure au bord du chemin. »

Le secret, c’est donc le sens de l’émerveillement. Émerveillons-nous, à notre tour, en toute reconnaissance pour ces belles découvertes, images et mots poétiques !

Lire aussi deux belles chroniques à ce recueil : de Nicole Hardouin sur le site : couleurs-poésie, et de Jeanne Champel Grenier dans la revue Traversées numéro 8/2021.

(D.S.)

 

 

 

 

 

Créaphonie : Kathleen Hyden-David

Francopolis, septembre-octobre 2021

Recherche Dana Shishmanian

 

 

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