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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

 

Mai-Juin 2019

 

 

Sept fois le nom de Conques

(*)

Poèmes de Mireille Diaz-Florian

encres de Gilbert Conan

 

 

 

 

 

Le nom de Conques

 

I

 

Sur la pierre tendue

La vibration de l'arc nu

Mon regard s'est levé

 

Ombre du vallon

Conques belle embrumée sonore

Des pas sous les voûtes

 

Le regard des pierres

Où la lumière s'abandonne

Éperdue d'éclat

 

Conques le soir tombé

Sur les paupières des vitraux

Où s'étanche le jour

 

Conques syllabe juste

Et la phrase peut mourir

Enfin sur le seuil

 

Absides rotondes

A la pierre mise à nu

Lisse et sans question

 

L'aube dessinée

Conques appesantie encore

Dans sa pierre grisée

 

Souffle vertical

La marche lente s'y épuise

Brisée de lumière

 

Conques de pierre vive

Qu'entaille le jour oblique

Des cycles de l'aube.

 

 

 

Le nom de Conques

 

II

 

La courbe assombrie

Qui délimite le ciel

Au-dessus de Conques

 

La marche lente

Du passeur du sens juste

A l'entrée des voûtes

 

Le Christ au tympan

Fixe l'infini du jour

Sans peur du néant

 

Le cloître est béant

Et nue la roche première

frangée de silence

 

La lumière hésite

Au vitrail opalescent

Qu'elle veut pénétrer

 

On pourrait chanter

Précisément ce combat

D'ombre traversée.

 

 

 

Le nom de Conques

 

III

 

Ce serait la nuit

Sur les arbres du vallon

Nuit d'exactitude

 

Moment de silence

Aux souffles enténébrés

Tempo régulé

 

Conques l'endormie

Sur la margelle du temps

Tramée de patience

 

La pierre est bleuie

À la jointure des granits

Veinés de lumière

 

Silence entoilé

Sur la plénitude des nefs

Derrière le vitrail

 

La main du sculpteur

à même le sol à pétrir

Un sable inutile

 

Pourtant au vitrail

La grisaille du jour

Signe l'éternité

 

 

 

Le nom de Conques

 

IV

 

Conques de mémoire

Parcours sans halte ni retour

Sans oubli pourtant

 

Avancée des hordes

Leur épuisante traversée

De la nuit au jour

 

Hurlement des vents

Jusqu'aux souches déracinées

Étouffées d'humus

 

La prière muette

Aux visages des chapiteaux

Alourdis dans l'ombre

 

Enfouis dans la crypte

La source les cendres et de l'or

A fouiller toujours

 

 

 

 

 

 

Le nom de Conques

 

V

 

Le bois reste nu

Dans l'hiver aux ombres mates

Et la pierre triomphe

 

Alors c'est un chant

Jaillissement du granit

Sous la voûte glacée

 

Fines courbes de brume

Au grand portail resté clos

Sur la nef noyée

 

La brèche des ruines

Où pénètrent de toutes parts

Les oiseaux nocturnes

 

Là vient le silence

Dans la percussion du jour

Aux rayons d'opale

 

Là un homme écoute

L'onde vrillée de la lumière

Il cherche la couleur

 

Il regarde l'ardoise

Qui fait luire jusqu'au noir

Et puis donne le bleu

 

Sous la haute charpente

Reste à glisser la lumière

Avec ses bruits d'ailes

 

 

 

 

 

Le nom de Conques

 

VI

 

Traversée marine

Du nom de Conques prononcé

Hauts bois et hauts vents

 

Houle forte et pleine

Dans les labours de terre noire

En bordure des bois

 

Voilures empêtrées

Des nuits sans lune ni repos

Pour qui sait marcher

 

Mâts dressés de Conques

À la verticale des pas

Pour l'avancée sûre

 

Et les nuits de neige

Frôlement d'oiseaux chasseurs

Juste avant le jour

 

Éblouissement

Nervure de l'ombre au vitrail

De blancheur saline

 

Là-bas le lointain

Est certitude d'océan

Mirage du nom

 

 

 

 

Le nom de Conques

 

VII

 

 

Le cloître est à nu

Ouvert sur les brumes et les vents

Broyé dans le temps

 

Le village regarde

Etonné du nom de Conques

Aux belles pierres sonores

 

Des groupes d'hommes marchent

Sur les pentes jusqu'au parvis

Vibrant de rumeur

 

Ils s'arrêtent là

Quels qu'ils soient sur le seuil d'ombre

La nuque fléchie

 

A ne rien savoir

Du portail aux lourds piliers

Telle est l'exigence

 

Conques de pierre ancrée

Qui renouvelle le silence

Entre les paroles

 

Les yeux de la sainte

Aux orbites de gemme figées

Au bel horizon

 

 

 

 

 

 

 

(*) Extraits de Carnet de l’Obscur,

poèmes de Mireille Diaz-Florian, encres de Gilbert Conan,

Editions du Bretteur, 2015

 

  MireilleDiazFlorian-CarnetObscur

Ce recueil a fait l’objet d’une petite étude de Dominique Zinenberg dans notre revue de mars 2017. En voici un extrait :

« Contemplation, méditation, passage d’une impression à une énergie solaire, lunaire et cosmique qu’il s’agisse du dessin en noir et blanc ou en couleurs ou des phrases sculptées dans les paysages et qui saisissent le temps et l’espace, la force des éléments et celle du destin dans le recueillement des mots qui recèlent silence et lumière.

Chacune des pages est un pas, une trace, une solitude consentis. Tout se fait écho de façon sensible et délicate comme si un lien secret reliait chacun des moments textuels ou picturaux à tous les autres, l’ensemble formant un chœur méditatif, pleinement humain, grandement spirituel sans pour autant que soient absents ou négligés les sensations ou les sentiments qui ricochent quel que soit le lieu ou les temporalités évoqués (lointains ou récents). (…)

Résonne alors "Sept fois le nom de Conques". Deux syllabes claires, Conques, comme le son de la cloche de l’église abbatiale, dans l’air pur de l’Aveyron. Sept fois, le nom (comme un hommage en retrait, en secret à Proust avec ses « Noms de pays, le nom ») et il fallait qu’il y eût sept chants pour que la magie du lieu opère pleinement… »

 

 

 

 

 

 

Créaphonie : Mireille Diaz-Florian

Francopolis, mai-juin 2019

 

 

 

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Créé le 1 mars 2002