Entretien avec Laurence Bouvet
par Michel Ostertag
MO
: Le goût de la poésie vous est-il venu au moment de
l’adolescence, comme la plupart des gens ou plus tard, à
l’âge adulte ?
LB : C’est vrai, comme beaucoup de
gens, la poésie s’est imposée à moi au moment de
l’adolescence, à l’âge de 18 ans.
MO : Il y a-t-il un poète qui vous a
influencé au départ ? Lequel ?
LB : Victor Hugo. Mais par la suite et
encore aujourd’hui, c’est René Char qui a été et
qui reste cette sorte de lumière et d’idéal vers lequel
je tends sans jamais l’atteindre. Yves Bonnefoy également, au
niveau de la forme, alors que pour René Char, il s’agit de
l’inspiration profonde et lucide qui était la sienne et qui me
fascine. Poète le plus « éclairé »
à mon goût.
MO : La forme a-t-elle été, pour
vous, une priorité ou c’est seulement après avoir
écrit de nombreux poèmes que vous vous êtes
attachée à la forme la plus appropriée à
votre sensibilité ?
LB : La forme et le fond sont
pour moi indissociables. Ils disent « l’intention » du
poème.
MO
: La place de la poésie dans votre vie personnelle, d‘abord au
moment des études, puis dans la vie professionnelle a-t-elle
été difficile à trouver ?
LB : La poésie était en
rivalité avec la psychanalyse (je suis par ailleurs psychologue
clinicienne et psychanalyste) en ce qui me concernait. Devais-je
choisir définitivement l’une ou l’autre ; l’une
n’était-elle pas incompatible avec l’autre ? La psychanalyse
n’allait-elle pas « tuer » l’inspiration en moi….Non, au
contraire, elle m’a libérée d’une certaine
inhibition par rapport à l’écriture. Je ne doute
plus de pouvoir écrire et que la poésie me «
revienne » même quand elle me quitte…
MO : Autrement dit, y a-t-il eu des moments
où vous avez cessé d’écrire de la
poésie car elle n’avait plus de place dans votre vie ou
qu’elle ne répondait plus à vos préoccupations du
moment ?
LB : Non, jamais.
MO : Et comment, aujourd’hui, voyez-vous votre
avenir en poésie ?
LB : Comme une recherche…
Écrire, c’est apprendre à écrire…
MO : Voyez-vous une grande
différence entre le moment où est apparu le Net et ce qui
se passait avant cette apparition, je parle des possibilités
pour un poète de se faire connaître, d’avoir de l’audience
?
LB : Sincèrement, je
souhaite moins me faire « connaître » que de me faire
« entendre »…Le Net permet d’être « en lien
», avec plus ou moins de bonheur mais on peut choisir «
l’autre » du « lien » en question. Pour cette
possibilité offerte d’être en relation, je trouve le Net
formidable. Quand on vous cherche, on vous trouve, on vous rend visite,
la communication est facilitée.
MO
: Pour vous, la poésie doit être totalement libre,
dans la forme et dans le fond, ou se mouler, dans des cadres
pré-établis de rimes, d’assonances, de formats ?
LB : Pas totalement libre. Elle
ne doit pas l’être. Pas libre des exigences que s’impose le
poète. Pas libre de la vérité qui détermine
l’acte d’écrire. Comme une sorte « d’éthique
» nécessaire, une rigueur sans relâche, mises au
service de la beauté et de la vérité. Un
poème ne ment jamais. Autrement oui, libre et inventive, vivante
et en marche !!
MO
: La poésie, celle qui est la vôtre, fait-elle partie
intégrante de votre personnalité où n’est-ce qu’un
moyen parmi d’autres de vous exprimer. Est-elle vitale ?
LB : Oui, elle fait partie de
ma vie absolument. Elle est cette part de rêve et de
liberté dont j’ai besoin. Elle est un cri. Elle est vitale. Ou
inévitable si vous voulez.
MO
: Avez-vous écrit autre chose (au plan littéraire)
que de la poésie, je pense aux nouvelles, romans ou
envisagez-vous de le faire dans un avenir proche ?
LB : Non. La poésie
seule correspond aux états de mon âme. Elle m’y rejoint.
MO
: Merci pour cet entretien, pour cet éclairage personnel sur
votre poésie et la façon que vous avez de la vivre au
quotidien.
***
Laurence Bouvet vient de sortir Aux
éditions Hélices dans la collection « Poètes
ensemble ! » un recueil intitulé « Melancholia si »
"Ce
serait comme réveiller
Un
puits endormi
Comme
de donner la parole au sable
De
polir d’un seul doigt un galet
Ou de changer la couleur du charbon"
En savoir plus sur ce recueil en lisant la présentation de
Michel Ostertag dans Lectures
Chroniques.
|