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Entretien avec le Poète et Peintre Aissa Ikken

par
Abdelhak Najib

Question 1-
Pourquoi avoir choisi de baser votre approche artistique sur le signe ?

Toute mon approche artistique est basée sur le signe.
Quel signe ? Le signe narrateur, le signe décoratif, le signe sociologique, le signe métaphysique, le signe symbolique, le signe alphabétique ?
C’est tout cela.
Peut-être serait-il intéressant de préciser  l’environnement de cette approche pour mieux la saisir.
Pourquoi n’ai-je pas développé cette approche dans d’autres directions ?
Pourquoi le signe m ‘ a-t-il habité dès mon enfance ?
Le mot est prononcé, l‘enfance.
Une journaliste avait écrit après sa visite à mon exposition :

« Les toiles d’Ikken semblent dégager des contes appartenant à la tradition orale  qu’il traduit en signes et en couleurs étincelants. Hiéroglyphes ? Tatouages ? Pièces de puzzle ? Alphabets méconnaissables ? Serait-ce un langage onirique ou un langage d’une autre dimension ? Les symboles énigmatiques dans les toiles d’Ikken stimulent l’imagination et la poétique, ouvrent une voie intimement liée à l’inconscient »   

Aussi loin que ma mémoire permet de remonter, je me retrouve toujours au milieu des trois éléments qui ont marqué mon enfance et qui constituent le substratum de mon activité artistique.

          *Les contes de mon grand-père, la lecture des livres sur Antara, Séif elyezel, les mille et une nuits  etc… ainsi que les légendes orales qui se transmettaient de père en fils.

          *Les tatouages de ma grand-mère dont le mystère m’intriguait. Je ne comprenais    pas la signification. A l’époque je ne savais même pas que certains signes sur le visage ou sur les avants bras représentaient des lettres d’alphabet.

           *Le tissage des hanbals. En hiver, ma grand-mère installait un métier à tisser dans ce que nous appelions le salon et durant les longues veillées d’hiver tissait ce genre de couverture. Les traits en couleurs, les signes apparaissaient au son des chants que reprenaient les femmes ou au rythme des contes où les mythes et l ‘amour créaient  une ambiance émotionnelle riche en sentiments.

 C’est cette ambiance qui avait influencé  ma première formation artistique. Ces éléments s’harmonisaient certainement avec ma mémoire collective qui avait  déclenché en moi un besoin d’expression qui ne s’est manifesté que bien tard même si certains indices pouvaient être relevés à cette époque comme, par exemple, ma tendance à aimer le dessin à l’école. Cette expression  s’est donc formée dans le terroir, dans cet environnement culturel, pouvant paraître comme brut, mais qui est chargé d’un grand héritage de plusieurs siècles, amputé parfois ou sauvegardé, mais profondément lié à notre personnalité.Bien entendu, tout héritage est évolutif. Il cumule les apports des autres cultures, de l‘expérience, de la découverte, de l’ouverture sur l ‘autre.
Les interrogations aussi.
Pourquoi telle forme ou tel signe, sont-ils  utilisé dans telle aire culturelle et ne le sont pas dans    l’autre ?
J’ai commencé à m’intéresser à ces signes : tatouages, alphabet tifinagh, signes des tapis, des murailles du Sud, les zélliges, les arabesques, les bijoux …

Dans une première étape, j’ai transfiguré ces signes en les reprenant sur des supports picturaux. Ils suivaient la fantaisie de la créativité. Ils étaient, cependant, miniaturisés, englobés dans un ensemble.

Ce fut une époque assez particulière, mes travaux étaient de petite dimension et j’appréhendais les grandes surfaces.
Les tableaux de cette période étaient sous forme d’un conglomérat où la couleur et la composition se diluaient dans ces ensembles.
Puis le signe prenait de plus en plus des formes dans sa petite dimension. On retrouvait des formes humaines, zoologiques, cosmogoniques….
Dans ma mémoire collective, ces signes semblaient déclencher les formes premières de leur origine, la plate forme de leur expression initiale.
A ce stade de mon approche, et jusqu’à maintenant d’ailleurs, certains visiteurs retrouvent des rappels ou des rapprochements avec certains hiéroglyphes ou avec les signes de la civilisation aztèque. Ce qui est normal, surtout lorsqu’on sait que l’expression humaine est la même à  l ‘origine et que sa segmentation s’est faite avec l’évolution du temps.
Progressivement, le signe s’est affirmé par son expressivité en prenant son indépendance par rapport aux signes trop identitaires du passé.
Il déclenche au niveau de l’imagination des rappels d’images qui intriguent  le regard,  l’interpellent ou le transportent dans des lieux qui lui sont familiers mais qu’il n’arrive pas à décrypter.
Ainsi, le signe immigre de son contexte local à un contexte universel, en ouvrant d’autres horizons au rapprochement  des cultures, à la connaissance humaine.
Lors d’une de mes expositions, j’ai voulu marquer ce rapprochement en l’intitulant « de Volubilis à Delphes  » Je voulais signifier que la culture humaine est la même et qu’elle se retrouve à travers ses différentes expressions malgré le temps et l’espace.

Cette dernière exposition s’est caractérisée aussi par deux  éléments importants : la représentation du signe dans son unicité et son enchevêtrement avec d’autres signes dans une composition horizontale. L’unicité du signe démontrait la force de son expression par son intensité intérieure sans se référer à la composition ou à la couleur. Il se suffisait à lui-même. L’enchevêtrement des signes a, à mon sens, une signification : celle du  rattachement des hommes et des choses entre eux par un lien horizontal qui les ramène au même point.
Cette interprétation pose le problème de la consciente de l’acte pictural. En commençant une œuvre ai-je déjà pensé à ce que je ferai ? Dans de rares cas, je répondrais oui, mais dans la majorité des cas, non !
Le signe (la forme) surgit généralement d’une manière spontanée, il est déclenché  par un phénomène relationnel entre le présent et l’inconscient. Un mot, une émotion, un geste, le plus souvent imperceptibles déclenchent un signe.

 Comment s’effectue cette relation ?
Je ne peux l’expliquer mais  je pourrais la décrire par les observations que j’ai pu relever lors  des réunions de travail. Généralement, mon attention se relâche assez facilement, je ne peux la soutenir longtemps sans éprouver le besoin de me libérer. Cependant, j’ai remarqué que le fait de dessiner dans ces réunions me permettait   de soutenir mon attention et de suivre parfaitement les débats. Le plus important, c’est cette faculté de maintenir l’attention en éveil par le dessin en donnant la liberté à l’inconscient de     s’exprimer comme si je le séparais du conscient.
D’une manière générale, le  schéma de ma création et de l’élaboration de mon œuvre se présente en deux phases :

-Dans un premier stade la forme apparaît dans son aspect brut. Son expression est suggestible simplement.
-Dans la seconde phase, je complète son expressivité par la composition et la couleur en procédant  d’une manière intuitive et à partir de l’aspect général de l’œuvre. Selon la forme, j’utilise des couleurs fortes ou pastels. La composition tient compte, bien entendu, de la surface de la toile et de l’objectif que je voudrais atteindre.
                    
En développant cette  approche artistique orientée sur le signe, par intuition et curiosité intellectuelle, comme il a été précisé plus haut, je ne pouvais imaginer la double métamorphose qui s’est opérée dans mes travaux et les profonds sentiments qu’elle imprime.  La structuration du signe s’est libérée de sa micro dimension. Une floraison de nouvelles formes   établissent une emprise sur ma créativité. Le signe puisé dans son  environnement esthétique s’est progressivement dégagé de son contexte, générant un phénomène de rupture avec l’espace et  le temps. Il s’est  libéré  de la paternité de toute pensée plastique pour affirmer  sa propre expression. Il se pose aussitôt des questions : le signe, la forme dans son sens le plus large, l’écriture, l’idéogramme ne sont-ils pas le fruit d’une longue mutation à travers les siècles ? Ne déclenchent-ils pas non plus, dans l’imagination fertile de l’artiste, des images, des contes, des légendes ? Une histoire dont les fragments sont bien ancrés dans la mémoire.
L’apparition de personnages, individuels ou collectifs constitue la première manifestation de la  mutation du signe après avoir immigré dans différents continents par ses rapprochements avec d’autres signes tels les hiéroglyphes ou les formes aztèques. Ces personnages à la limite du surréalisme suggèrent des sentiments divers.

Première lecture.
Au premier regard, le personnage semble sortir de l’ordinaire, il se  remarque par l’originalité de son attitude à l’allure poétique, implorant dans la plupart des cas un brin d’amour, en posant la main sur la poitrine, à l’endroit du cœur ou par un geste détaché comme pour signifier sa déception ou sa révolte de n’avoir pu obtenir ce dont à quoi il aspirait. L’absence des traits de visage ne renseigne pas sur l’âge du personnage. Il pourrait s’agir d’un jeune dans la force de l’âge cruellement frappé par un destin qui l’a privé de celle, qui durant un laps de temps, a préoccupé son esprit malgré ses nombreuses déclarations d’amour à l’ombre de ce grand figuier qui le couvrait de ses feuillages. Ne serait-il pas plutôt  un homme au crépuscule de l’âge qui recherche dans sa profonde solitude une petite lueur d’espoir. Une femme pour remplacer celle qui a disparu par une fin d’après-midi d’hiver ? Dans tel tableau, une forme, suggérant un corps sans l’être cependant, étendu sur le dos, protégé par un trait sous forme d’un cercueil. Présence de la mort visible par sa couleur, impitoyable, inéluctable mais réconfortante, quelque part, par son issue fatale. Elle ne semble pas trop éloignée du personnage. Elle est aux aguets, son souffle lui est insufflé par le vol d’un oiseau.

Seconde lecture.
Cette quête n’est-elle pas symbolique, ne  représente-t-elle pas la partie de la mémoire refoulée qui refuse l’effacement ou simplement l’ignorance ? L’accomplissement de la personnalité ne peut se faire dans le parcellaire. Elle a besoin de la globalité de la mémoire. La mémoire réduite entraîne la nostalgie  silencieuse, la perte du mot.  Elle enfante des fragments d’images altérés par le temps pour compenser sa douleur lancinante. L’intégration ne réduit pas l’exil, elle n’aboutit pas à l’oubli malgré le simulacre, la substitution. Demeure la liberté, notion éphémère liée aux conjonctures, à la dénonciation de l’établi, aux sources qui engorgent les événements. La mémoire est capable de profondes mutilations de la pensée, du vécu, des relations. Le personnage graphique tente de déchiffrer cet amalgame. Il troque sa douleur contre le signe. Une manière de camoufler son mal, de l’exprimer par cette infinité de traits à la neutralité apaisante. Prenons une tombe, partie de la mémoire, elle représente le passé, mais son existence explique le présent. A condition qu’elle fasse l’objet d’un recueillement de la part de la descendance Elle est une continuité mais aussi une fin en soi. Une personne ou une population qui quitte le lieu de résidence de ses ancêtres ou arrête, par la mort, sa lignée ne met-t-elle pas la tombe et elle-même dans un exil silencieux. Ce personnage aux allures clandestines est une invention d’un imaginaire truffé de fantasmes. Il ressent le besoin de reconstruire sa mémoire, fardeau qu’il n’a pas cessé de traîner. Il refuse la ligne de partage entre deux parties de la mémoire situées dans deux époques, deux  espaces différents, ce qui altère l’enchaînement historique. La partie de la mémoire située dans le premier espace perd sa voix dans le second espace et réciproquement, la deuxième partie devient aphone dans le premier  espace. Comment concilier alors  les deux parties de la mémoire ? Par la répudiation de l’une d’elle ou par le silence ?

La répudiation est le reniement d’un pan de sa personnalité, d’une étape de la  vie qui, au lieu d’enrichir son intellectuel, altère son épanouissement par un certain éparpillement ou isolement. L’absence de la continuité dans la mémoire favorise incontestablement telle partie sur l’autre. L’absence d’une harmonie entre les deux parties  aboutit à une dichotomie. 
Le  silence, dans ce cas, traduit  une forme de frustration, à la limite de la lâcheté. Taire une partie de sa mémoire par intérêt égoïste, crainte ou simplement par désir de bien faire ou de mieux se sentir ne peut contribuer à résoudre le conflit de la division de la mémoire. 

La mémoire est présente à tout instant lorsque je peins. Elle m’intrigue. Dois-je établir une relation avec les images, les signes, les traits, les souvenirs qui me dominent à ces moments ?
Une forme appuyée par une ou plusieurs couleurs  guide mon  pinceau. Dans ma mémoire surgissent des images d’un espace, d’un événement qui ne semble avoir, apparemment, aucun lien avec l’œuvre. Pourtant l’impression ressentie est si forte qu’elle m’obsède. Je tente de déchiffrer ou de comprendre ce mystère. Je n’y arrive point. Est-ce là le mystère de l’expression artistique qui ne s’attache à aucune explication rationnelle ?

 J’entreprends une autre tentative de compréhension en reprenant le tableau le lendemain après diverses activités et lectures qui n’ont aucun  rapport avec la peinture.  Aux premières touches de pinceau, les mêmes images m’envahissent et enchaînent un désir de découvrir le pourquoi de la résurgence de ce souvenir tenace et obstiné qui refuse de quitter mon espace conscient. Peut être pourrais-je donner l’exemple du tableau que je peins actuellement. Il s’agit d’une suite de silhouettes alignées sur toute la surface de la toile. (90 cm x70 cm)
Les silhouettes en forme humaine pour la plupart sont au nombre de 85. (De dimension 15 cm x5 cm approximativement)

 Les images de la ville de Figuig où j’ai séjourné à l’occasion d’un festival reviennent par intermittence. Je reprends la feuille de papier sur laquelle j’avais tracé l’esquisse. Je compte 47 silhouettes Ce qui peut-être un détail puisque la dimension de la toile et du papier n’est pas la même. J’étudie la feuille de papier, je remarque trois numéros de téléphone  en plus des dessins. Ces numéros de téléphone  concernent mes contacts à l’étranger et au Maroc durant la préparation des  festivals de : Volubilis, Figuig et Laâyoune. Bien entendu, l’esquisse existait avant la réalisation de la toile qui a commencé après mon retour de Laâyoune.

Pourtant, j’étais persuadé qu’elle avait un rapport direct avec cette dernière ville où j’avais vécu un séjour enchanteur. Je vivais donc une contradiction entre le  conscient et l’inconscient. Ne serait ce pas un message ? Effectivement, après mon retour de Figuig, j’étais bouleversé par cette ville enclavée à la frontière algérienne et qui semblait végéter. Les ksours, un véritable patrimoine architectural d’une beauté attachante, sont désertés par leurs habitants. Naguère, espace de tolérance, de cohabitation entre les arabes, les  amazighues, et les juifs, ils étaient en pleine expansion.
 Aujourd’hui, ils gardent humblement leur beauté pour l’offrir seulement à quelques habitants et aux exilés nostalgiques qui viennent, de temps à autre, revoir leurs lieux de naissance ou les demeures de leurs parents, défunts ou vivants.
Je reviens à moi-même. Tout mon intellectuel a été marqué par l’exil


1-Qui est Aissa Ikken ...

Qui est Aissa Ikken ? Une bonne question à laquelle  je n’avais jamais  réfléchi. Cela se résume à « qui suis-je ?” Il m’est difficile de me définir. Il serait prétentieux, de ma part, de me taxer de certaines qualités ou de la fausse modestie si je dois énumérer uniquement mes défauts.
Je peux, cependant, dire que je vis dans un univers de sensibilité réceptif à toute émotion, comme tout artiste. Je suis heureux lorsque je sens qu’une personne vibre devant une de mes toiles ou s’intéresse à ma peinture, comme je souffre lorsque je constate que son regard glisse le long de la toile pour s’évaporer au-delà de son cadre. Dans ce dernier cas, je me culpabilise de n’avoir pas su retenir son attention.
La mission de l’artiste dépasse souvent sa propre vision. On est peintre, musicien, poète non seulement par son expression esthétique, mais bien au-delà. Chaque œuvre véhicule une idée, un message, engendre parfois un dialogue. Dans tous les cas, elle n’est jamais construite gratuitement, même si son auteur se trouve dans l’incapacité de lui donner directement  une signification.

2-La Villa des Arts de Rabat….

Permettez-moi, tout d’abord,  de remercier la Fondation de L’ONA en la personne de son Président et l’équipe qui l’accompagne dont la compétence et le dévouement méritent  tous les éloges. Je trouve que leur nouvelle orientation  marquée par le souci de diversifier les expositions  est une ouverture intéressante et un encouragement réel pour la promotion des artistes.
Cette  exposition me donne l’opportunité de faire une rétrospective de ma vie artistique. Elle
permet de présenter quelques travaux anciens, des œuvres graphiques et récentes, quelques travaux sur d’autres supports. Elle donnera ainsi une idée de la globalité de mes œuvres et tracera mon itinéraire artistique. Les périodes par lesquelles je suis passé, mes préoccupations ou ma vision esthétique.

3-Parlez- nous un peu de votre parcours...

J’ai dessiné depuis ma plus tendre enfance mais toujours fasciné par les signes qui meublaient mon environnement, c’est-à-dire les tatouages, les motifs des tapis, l’architecture, les zélligs  Plus tard, je fus  recruté par le Ministère de la Jeunesse. Ma pensée culturelle se développa alors  par la culture populaire qui fut à l’aube de l’indépendance, le principal cadre des orientations de ce Ministère. La notion de culture populaire doit être définie, il ne faut pas lui donner son sens traditionnel, c’est une doctrine universelle qui s’était développée en Europe après la deuxième guerre mondiale. Des militants progressistes et idéalistes s’étaient engagés à favoriser l’accès au plus grand nombre de personnes à l’éducation et à la culture. Elle partait de l’idée qu’un homme n’est pas cultivé parce qu’il aura  passé des années dans les écoles et lu une quantité de livres. L’homme cultivé est celui qui cherche passionnément à se comprendre lui-même et à comprendre ce qui l’entoure, pour le transformer. Dans le cadre de mes fonctions, j’ai suivi ou animé des stages de formation, j’ai dirigé  la troupe théâtrale de Mâmoura durant plusieurs années, j’ai animé le théâtre amateur par des festivals durant plus de 25 ans, ainsi que des ateliers d’art plastique, de musique etc… J’ai été également directeur de la Cérémonie d’ouverture et du graphisme des Jeux Méditerranéens, de jeux Panarabes, de la Franconie …
Mes activités artistiques sur le plan pictural ont été nombreuses par des expositions nationales et internationales, en plus de mes fonctions de secrétaire général et vice-président de l’Association Marocaine des Arts plastiques et membre du comité exécutif de l’Association International des Arts Plastiques.

4- Vous êtes peintre et poète …

J’écrivais  de tout temps de la poésie comme je peignais. Cependant, j’avais exposé avant de publier. Pourquoi ? Si dans le domaine pictural, je me sentais dans mon élément par les formes, les signes et les symboles que véhiculait ma démarche artistique, mon expression poétique créait en moi une contradiction dans la mesure où j’utilisais une langue étrangère même si elle a été celle de ma formation. Ce n’est que lorsque je compris que les deux expressions sont complémentaires et nullement antinomiques que j’ai publié mes premiers recueils. La peinture, chez moi est plus profonde, elle semble liée à ma mémoire collective ou à mon inconscient collectif. La poésie est plus émotionnelle, elle traduit certaines situations ou souffrances qui m’ont marqué, elle est plus en rapport avec l’apparent, le visible. Selon l’état d’âme, j’écris ou je peins, avec une prédominance picturale.

5- A côté de la peinture,  vous faites …

La créativité est multiple, même lorsqu’on demeure dans la même activité artistique. J’ai tenté une expérience à partir du support. J’ai ciselé les signes sur la pierre que j’ai ramené de l’Oukaimeden, où il existe de nombreuses gravures rupestres. Le même motif je l’ai exploité sur une toile et comme bijou. Selon le support, sur la pierre, le signe nous replonge bien dans le passé, sur la toile il démontre son aspect esthétique et comme bijou, il atteste d’une grande modernité. Ce sont de simples expériences dans un même cadre, même si elles sont diversifiées.

6- Des signes berbères identifiables …

Le signe a effectivement évolué, de sa forme identitaire et de sa micro dimension, il est passé à un état d’expressivité par lui-même  puis s’est métamorphosé en signes qui prennent une dimension universaliste. Il remonte à son origine première de l’expression de l’homme, dépassant toutes les frontières, ce qui permet à tout individu quelle que soit sa culture de se retrouver, d’entrevoir l’univers de l’autre à travers cette fenêtre. Certaines personnes relèvent  des appartenances de mes formes avec les signes d’autres continents. Le signe n’est pas tellement hermétique, il faut savoir l’observer. Les sentiments, les émotions, les messages, les dialogues internes bien enfouis dans mon tréfonds se trouvent étalés dans ma nudité picturale et poétique. Ils sont  à la portée de celui qui sait les déceler. 

7-En général …

Un simple mot, un regard, un geste, un rayon de soleil, un sourire, une couleur qui se détache d’une fleur, d’une plaine ou d’une montagne, une dune tout ce qui peut provoquer une émotion me jette dans les bras de mon expression.

8- Que symbolise le signe pour Aissa Ikken …

Le signe représente pour moi un rapport avec l’angoisse humaine. L’angoisse, manifestation de la peur, du malaise, de la souffrance, la mienne, celle des autres. C’est une main tendue à l’autre.

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Question -2
Quelles sont les expositions dont vous êtes fier ?

Bien entendu, ma première exposition individuelle, même si ma peinture était à ses premiers balbutiements. S’exposer pour la première fois devant un public qu’il ne vous connaît pas est une dure épreuve, accepter les critiques qui peuvent créer un doute ou les compliments réels ou de complaisance etc… C’est pour l’artiste toute une nouvelle psychologie qu’il devrait assimiler.
Il faut signaler comme autres expositions intéressantes pour moi, l’exposition de Bab Rouah en 1993, l’exposition collective en Chine et à Libourne en France. Dans ces deux pays ; j’ai pu mesurer l’importance du signe comme  moyen d’échange, de contact humain capable de déclencher un dialogue par son originalité et également par la sensibilité qu’il est capable de créer.
Enfin, je suis content de la rétrospective de mon exposition à la Villa des arts qui me donne l’opportunité  de présenter globalement les différentes étapes et supports de mes œuvres. Je dois remercier pour cet égard, la Fondation de l’O.N.A.

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Question -3
Peinture, poésie, sculpture, bijoux, quelle est votre discipline de prédilection ?

J’écrivais  de tout temps de la poésie comme je peignais. Cependant, j’avais exposé avant de publier. Pourquoi ? Si dans le domaine pictural, je me sentais dans mon élément par les formes, les signes et les symboles que véhiculait ma démarche artistique, mon expression poétique créait en moi une contradiction dans la mesure où j’utilisais une langue étrangère même si elle a été celle de ma formation. Ce n’est que lorsque je compris que les deux expressions sont complémentaires et nullement antinomiques que j’ai publié mes premiers recueils. La peinture, chez moi est plus profonde, elle semble liée à ma mémoire collective ou à mon inconscient collectif. La poésie est plus émotionnelle, elle traduit certaines situations ou souffrances qui m’ont marqué, elle est plus en rapport avec l’apparent, le visible. Selon l’état d’âme, j’écris ou je peins, avec une prédominance picturale.

La créativité est multiple, même lorsqu’on demeure dans la même activité artistique. J’ai tenté une expérience à partir du support. J’ai ciselé les signes sur la pierre que j’ai ramené de l’Oukaimeden, où il existe de nombreuses gravures rupestres. Le même motif je l’ai exploité sur une toile et comme bijou. Selon le support, sur la pierre, le signe nous replonge bien dans le passé, sur la toile il démontre son aspect esthétique et comme bijou, il atteste d’une grande modernité. Ce sont de simples expériences dans un même cadre, même si elles sont diversifiées.

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Abdelhak Najib
Francopolis juin 2008
recherche Ali Ikken


* voir aussi l'article dans Vie-Poète

Créé le 1 mars 2002

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