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RENTRÉE LITTÉRAIRE 2006
(hors collection)

par Teri Alves


« 683 romans, de l'actualité brute à la crise d'identité »

« 683 romans, soit vingt de plus qu'en 2005 »

« Sur les 683 romans de la rentrée, 475 sont des romans français (449 l'année dernière). Les 15 éditeurs les plus productifs de la rentrée annoncent un total de 197 nouveautés, soit sensiblement le même nombre qu'en 2005 (195). Le nombre de premiers romans reste stable: 97, contre 96 l'an dernier. »


Vous ne pouvez l'ignorer, ni le feindre sans vous retrouver élu employé du mois chez Tu te fous de moi et fils, le taux de fécondité du septembre littéraire est encore en hausse, et de même les formidablement inintéressantes spéculations sur les décrocheurs potentiels de Prix Goncourt, Prix Médicis, Prix des lectrices de Modes et Travaux (promis selon les dernières estimations à Best of Sudoku [1]) et long et cætera… Des articles, partout, d'une ressemblance pour le moins intrigante, des kilomètres de Nothomb, d'Angot, et pour faire dans le semblant de crédible quelques noms méconnus, tous à peu près les mêmes d'un canard à l'autre.

Au risque insuffisamment calculé de vous décevoir, il n'en sera pas question ici. Il ne sera pas non plus question de statistiques précises, de pourcentages à virgule et deux décimales, de stratégies éditoriales (cette simple expression est déjà bien assez ridicule en soi) ni de quoi que ce soit ayant un rapport avec l'incitation à la fréquentation des têtes de gondole de la Fnac. Non. Il sera plutôt question de, attention l'expression pourrait provoquer chez les plus vulnérables d'entre vous quelques réactions désagréables (démangeaisons, vomissements, pertes de connaissances, sentiments de persécution), il sera donc question de nouveautés poétiques et à la marge du bon vouloir des pages littéraires de votre journal favori.

Commençons par l'un des poètes les plus en vue de cette rentrée « parallèle », comment ils disent tous ? Ah oui un poids lourd, car rien ne ressemble plus à l'écriture qu'un 33 tonnes, c'est bien connu, et inutile d'essayer d'écrire sans au moins un calendrier cochon à proximité immédiate, vous perdriez votre temps. Avec deux livres déjà parus cette année et un troisième sur le feu (Un paradis de poussière, éd. André Dimanche), mon voisin montpelliérain James Sacré (et déjà publié chez nous, dois-je le rappeler ?) pourrait presque prétendre à un siège à côté d'Amélie, avec stupeur (du public) et tremblements (d'Amélie elle-même) certes, mais avec un mérite que je défie quiconque de nier.

Les amateurs de poèmes brefs et profonds de sens ne manqueront pas de s'intéresser au nouveau recueil de Patricia Castex Menier (X fois la nuit), qui après des passages au Dé bleu, à la Dragonne etc, pose ses valises du côté des éditions du Cheyne.

Plus connu par ses textes sur divers artistes comme Jimi Hendrix [2], Tomas Tranströmer [3] ou Matthieu Messagier [4] (j'ai encore réussi à le placer, et je suis très admiratif de mon comportement, je songe m'inviter à dîner), Renaud Ego a fait paraître en juillet son deuxième recueil, La réalité n'a rien à voir, l'occasion de découvrir une écriture au lyrisme brut toute en contrastes et bien campée, malgré le titre du livre, dans la réalité.

Autre auteur talentueux trop méconnu en France mais considéré comme l'un des plus grands poètes américains d'aujourd'hui, Ray Di Palma publie 4 poèmes aux éditions Comp'act (et je veux souligner l'excellent travail effectué par cette maison). Les friands d'écritures originales, ambitieuses et incisives sauront là trouver le bonheur auquel ils aspirent.

Dans la célèbre collection Poésie / Gallimard, septembre nous réserve une anthologie, Les poètes du tango. L'éditeur répond ainsi, affirmativement, à la question que Cécile Guivarch posait en décembre 2004 sur ce même site (il était quand même bien temps) : les paroles de tango peuvent-elles être considérées comme de la poésie ?

Enfin, impossible de passer à côté de deux poètes majeurs français, Henri Deluy avec Le jour la nuit chez Flammarion, et Franck Venaille avec Chaos, aux éditions Mercure de France. Deux recueils à paraître en octobre.

Mais il n'y a pas que de la poésie dans la vie (murmure ostentatoire de soulagement dans l'assistance), des livres dont vous n'entendrez (ou trop peu) parler méritent également de s'attarder un instant.
Enfin si, il y en a un dont on parle quand même beaucoup, J'habite dans la télévision de Chloé Delaume, éditions Verticales (classement Amazon.fr : 763). Certains se souviennent peut-être de la petite phrase du boss de TF1 (ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible), et bien ceci est le point de départ, le prétexte du livre. Il existe même une bande originale, née de diverses performances autour de ce livre, et disponible sur le site de l'auteur.

Autre livre ayant pour toile de fond la télé, Scream test de Grégoire Hervier, un thriller dans l'univers de la télé-réalité aux Etats-Unis, aux éditions du Diable Vauvert. Peut-être une surprise de la rentrée, qui sait ?

Dans un tout autre genre, Les lettres de la guerre d'Antonio Lobo Antunes (éd. Christian Bourgois) rassemble une sélection de lettres (donc) écrites par l'auteur, alors âgé de 28 ans, à sa femme lors de ses deux ans passés en Angola durant la guerre coloniale. Evocations de l'Afrique, journal de bord, confessions… et finalement presque un roman plus qu'un recueil de lettres choisies.

Vous aimez Kafka, vous aimerez Thomas Lélu. Dans Perdu de vue (éd. Léo Scheer), le narrateur se voit contraint de prouver sa propre identité au commissariat, et va tenter de prouver qu'il est lui-même, avec les moyens du bord. Et avec de l'humour en prime.

J'ai gardé pour la presque fin l'Eric Chevillard nouveau, Démolir Nisard, aux éditions de Minuit. Jean-Marie-Napoléon-Désiré Nisard [5], critique littéraire du 19e siècle, doit disparaître une bonne fois pour toutes des dernières consciences dans lesquelles il s'agite encore. Et c'est Chevillard qui prend les armes, dans un roman où le sérieux se mêle à un humour et une mauvaise foi irrésistibles.

Pour terminer, voici mon petit conseil personnel, et je m'adresse ici à ceux qui ont des facultés notoires en anglais, j'ai peur que l'on soit contraint de sacrifier les autres. En octobre paraît The Gonzo Way d'Anita Thompson, un hommage au « sans autre égal » Dr. Hunter S. Thompson [6]. C'est mon coup de cœur de la rentrée. Il y a peu de chances qu'une traduction française voit le jour, à moins que je m'y colle, il y a donc très peu de chances. Méthode Assimil pour tout le monde, édition revue septembre 2006, pour rester dans le ton, comme il se doit. C'est moi qui régale*

* offre valable jusqu'au 30 septembre 2006, dans la limite de 1 par planète

 

[1] : Best of Sudoku, éd. De Vecchi

[2] : Jimi Hendrix, par Renaud Ego, éd. Castor Astral
        
http://www.castorastral.com/collection.php?id_livre=308

[3] : Baltiques. Œuvres complètes 1954-2004, de Tomas Tranströmer, éd. Poésie / Gallimard. Postface de Renaud Ego.
        
http://www.gallimard.fr/Gallimard-cgi/Appli_catal/vers_detail.pl?numero_titre=010051398

[4] : Matthieu Messagier - L'arpent du poème dépasse l'année-lumière, par Renaud Ego, éd. JM Place
        
http://www.jmplace.com/fr/livres/detail.cfm?ProduitID=959

[5] : http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=394

[6] : Las Vegas Parano ; Hell's Angels, éd. 10/18.
        
http://www.yodawork.com/websp/SW2_consult_reg?F_auteurid=4713&F_ent_diff_id=14

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Par Teri Alves
pour francopolis
Septembre  2006 




Créé le 1 mars 2002

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