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UMAR TIMOL, POETE MAURICIEN

entrevue par Hélène Soris


Umar Timol est né à Réduit, Ile Maurice, le 1er Août 1970. Il a publié des poèmes dans une 'Anthologie de la nouvelle poésie Mauricienne'. Il est l'auteur de ' La Parole Testament suivi de Chimie' ( Harmattan - 2003 - Collection Poètes des Cinq Continents - avec une préface d'Ananda Devi )  et de 'Sang' suivi de Toi' ( Harmattan - 2004 - Collection Poètes des Cinq Continents

Nous le remercions d’avoir bien voulu répondre à nos questions.

Votre profession a-t-elle  influencé votre envie d'écrire ?

Cette question est intéressante dans le sens qu’elle contribue à une réflexion sur les liens entre l’écriture et la profession de celui qui écrit. En ce qui me concerne, j’ai le sentiment d’évoluer dans deux mondes – ou plutôt espaces - parallèles, qui coexistent sans vraiment se rencontrer.
Je gère une petite entreprise et mon souci quotidien et permanent est de veiller à son bon fonctionnement et ainsi je suis confronté à des considérations, somme toute,  pratiques, notamment d’ordre financier. C’est un espace éminemment rationnel et on pourrait dire qu’en mon lieu de travail je désavoue ma sensibilité poétique.

La poésie, par contre, qu’on ne peut bien sûr pas résumer à sa dimension onirique, est un espace plus trouble, plus difficile à cerner, qu’on pourrait qualifier de clair-obscur ou d’entre-deux, c’est un espace ou s’expriment des sentiments violents, des révoltes, de nombreuses interrogations, c’est le lieu même, il me semble, de la quête. Quête sans issue sans réponses mais c’est la matière fondamentale qui régit mon écriture.
Cela peut ressembler a de la schizophrénie et il est certain qu’il y a comme une ligne de démarcation entre le ‘vécu’ et l’écriture, mais l’écriture, paradoxalement, se nourrit, de façon complexe et contradictoire, du vécu.
Le vécu routinier, même si j’ai tendance à l’exclure de mon écriture, s’immisce inéluctablement dans les gestes qui la façonnent.



Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Je crois que dans un  premier temps l'écriture poétique répondait au besoin de transcrire mes émotions - des émotions vives. J'ai commencé a écrire motivé par un sentiment d'incapacité, d'abord pour  parvenir a dire ce que je voulais  vraiment dire  mais aussi d’être incapable de l’écrire. Je n'ai pas encore surmonté mes blocages mais je pense d'une part avoir gagné en  confiance ( mais le chemin est long ) et d'autre part que mon écriture explore désormais une plus large gamme d'expériences et ne se limite plus a l'émotion violente ou excessive.
Et j’écris de la poésie aussi parce qu'il y a ce goût effréné de la lecture, j'ai toujours aimé lire, je lis encore deux à trois livres par semaine, et écrire c'est une facon de recréer la magie et l'incandescence du mot imprimé.  Parce que parfois le monde me révolte, trop de violences, trop de guerres, trop de barbarie, trop d'arrogance et l'écriture est une façon, modeste et dérisoire sans doute de revendiquer, d'affirmer un devenir différent. Parce qu'il y aussi un désir de postérité, laisser une trace, même infime dans la mémoire des autres. Parce que cela exprime aussi le désir d'être reconnu, c'est sans doute dans l'aspect le plus trouble de l'écriture, plus difficile à avouer car très humain mais je sais que les artistes sont soucieux du regard de l'autre.


Ecrivez vous souvent ? Dans des circonstances particulières ou plus impulsivement ?

Je dois reconnaître que l'écriture est un véritable combat pour moi. Je crois que c'est sans doute ma seule vocation mais je n'arrive a écrire qu'au prix d'un réel effort. Le plus déroutant est que je ne parviens toujours pas à maîtriser le processus qui me permet d'écrire un poème. Parfois c'est un déferlement de mots, je suis presque transi, et il me suffit alors de déverser les mots sur la page. Parfois je me sens vide, presque paralysé, pendant plusieurs semaines ou même pendant des mois, et j'ai l'impression que des enclumes sur mes doigts m'empêchent littéralement d'écrire.

Il faut aussi parler de l'obstacle de la langue. J'écris dans une langue qui n'est pas  ma langue maternelle ( qui est le créole)  J'écris depuis peu en français , je maîtrise aussi l'anglais - voir le texte Vagabondages qui évoque ce problème.

Ecrivez vous aussi romans, nouvelles , articles ou autre chose?

J'ai écrit un roman en français intitule «  Muhsin ou celui qui ne savait pas. » Ce roman est plutôt autobiographique et raconte l'histoire d'un jeune homme un peu égaré et en quête de sens.
« Muhsin. » a été grandement influencé par le roman de mon ami Amal Sewtohu, « l 'Histoire d'Ashok. »  qui a été édité chez Gallimard dans la Collection Continents Noirs.
J’ai  proposé mon roman  à quelques éditeurs mais il n'a pas été retenu. Le résultat ne me satisfait pas  pleinement.   Il  mérite d'être peaufiné.
Je travaille, en ce moment, sur une traduction en langue créole de Mushin et j’envisage de le publier, à Maurice, à compte d’auteur.


Pouvez vous me parler un peu des auteurs que vous avez invités sur votre site , et pourriez vous nous donner un ou deux de leurs textes inédits ?

A vrai dire, j' ai plusieurs textes d'auteurs mauriciens mais, pour le moment, je n'arrive pas  à les inclure sur mon site , que je suis incapable de gérer seul .

Dev Virasawmy est notre grand poète créolophone. Il est docteur en linguistique et il se bat depuis bientôt trente ans pour la langue créole. Il a traduit plusieurs pièces de Shakespeare en créole et il a écrit de nombreux poèmes.

 Sedley Assonne est l 'un des meilleurs poètes de la nouvelle génération. Il a remporté plusieurs prix ( dont récemment le prix Jean Fanchette   - autre grand poète mauricien- [sous la présidence de J.M.G Le Clezio ).
Je projette de publier l'année prochaine, si l'Harmattan en veut bien, un recueil en version bilingue intitulé ' Bleu', en collaboration avec Sedley. Il effectuera la traduction en créole.

Rishy Buckoree est un jeune poète prometteur. Il a déjà publié un recueil a compte d'auteur. Il va bientôt publier un recueil en anglais et un autre en français, chez Publibook.
Je compte inclure d'autres poètes bientôt, notamment Sylvestre Lebon ( qui vient de se faire éditer chez Silex en France ), Yousouf Kadel ( voir son site web sur le net ) et Alex Ning ( qui a reçu une mention au concours de Jean Fanchette )

Connaissez vous Malcolm de Chazal? avez vous un avis à son propos?

Je suis loin d'être un expert en ce qui concerne Chazal. Comme tout poète mauricien qui se respecte j'ai lu plusieurs de ses ouvrages et je sais qu'il exerce une certaine fascination sur nombre d'intellectuels mauriciens. Je trouve le personnage assez fascinant, complètement décalé par rapport à son milieu d'origine et par rapport à la société mauriciennne. Un visionnaire sans doute. Mais je ne me retrouve pas dans ses écrits et si le style et la technique sont  impressionnants de même que sa « fabrique ' » a images, les textes Chazaliens ne me parlent pas, ne me touchent pas. Je me sens beaucoup plus proche, par exemple, des textes d'Ananda Devi, qui est présentement, à mes yeux, la plus grande romancière mauricienne.

Y-a-t-il d'autres poètes reconnus en Ile Maurice,  de
ceux qu'on apprend en classe par exemple, La poésie est elle beaucoup pratiquée ?


Difficile de répondre a cette question. Je pense que dans l'ensemble les mauriciens sont indifférents a la poésie. On n'a pas encore a Maurice cette culture de la lecture ( c'est dû a plusieurs raisons - le coût des livres, on n'enseigne que très peu la littérature et encore moins la poésie dans les écoles de l'île, l'invasion de l'image, chaînes télé et internet, etc… )

Je suis membre d'une association poétique, Les Plumitifs Associés, qui organise régulièrement des récitals poétiques.  On parle assez souvent des Plumitifs dans la presse locale mais on n’ arrive que très rarement à attirer plus d'une trentaine de personnes aux récitals. Peut-être que cette  impopularité est nécessaire car une poésie qui se nourrit des
acclamations de la foule ne peut être que conforme ou médiocre ?
La poésie se devrait peut être  de demeurer subversive ?

Le poète mauricien le plus connu actuellement est Edouard Maunick. Il y a  aussi Khal Torabully, Ananda Devi, Sedley. Parmi les anciens sont  Edward Hart, Loys Masson, Chazal etc.


Hélène Soris
pour francopolis avril 2004

Lire quelques poèmes:
Vagabondages  -  Rwanda  -  Voix


Créé le 1 mars 2002

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