Krzysztof
Kamil BACZYNSKI,
ou le sacrifice d’un poète
(22/01/1921 - 04 /08/1944)
par Mary TELUS
marytelus@yahoo.fr
«
Moi, le chercheur de vrais hommes
Moi, charmeur de serpents s’enroulant au-dessus de moi
Je me suis transformé en statue avec une épée levée
Trancherai-je l’homme ou les ténèbres ? »
SOMMAIRE
:
Ø Un jeune poète polonais…
Ø Une œuvre toujours plus vivante…
Ø Choix de 19 traductions originales par Mary
Telus
Un
jeune poète polonais…
« Le mot est LOURD
pourtant
plus léger que la lèvre
qui le pèse longuement
ainsi nous surchargeons l’air
en cherchant dans l’écho nos visages
Pourtant
ce monde est seulement
un monde à nous
la tornade des noms et des ombres identitaires
où
nous brûlons comme la lumière cheminante
chargée de nos futurs pas
Oh! Vie! Vie!
Eternelle inquiétude pour l'exactitude de nos pas !
(et non pas pour les noms de nos chemins)
même quand sonne la plénitude d’un chant trompeur
combien d'images
comme la pluie ruisselle sur nous ? »
Un
homme et une légende, un génie qui choisit une mort certaine.

Un parmi toute une
génération d’artistes qui, surpris par la guerre,
devinrent précocement mûrs. Krzysztof est pressé
d’écrire : il a écrit son premier poème en
1936 à l’âge de quinze ans «L’accident
du travail» et le dernier le 13 juillet 1944 avec un titre terriblement
évocateur : « Penché sur la mort serre les doigts
sur l’arme ».

Depuis son plus
jeune âge il a une passion qu’il cultive : les dessins et
en particulier les graphiques. L’école n’était
pas son endroit favori et sur le seul bulletin de notes que l’on
a retrouvé, il affiche fièrement la moyenne, même
en polonais. Dans sa première jeunesse nombreux sont, bien sûr,
ses poèmes d’amour liés à ses expériences
et à ses déceptions amoureuses. Plus tard il consacrera
une grande partie de son œuvre aux deux femmes qu’il a aimé
: sa mère et sa femme Bassïa. Krzysztof a aussi aimé
ses deux chiens Fred et Dan !
Sa destinée est liée à son second prénom,
relativement rare en Pologne - Kamil. Il s’agit d’un grand
poète du Romantisme polonais : Cyprian Kamil Norwid (1821-1883).
Curieusement cet héritage laisse une forte empreinte sur l’écriture
de K.K. Baczynski. Comme son prédécesseur, il va être
très exigeant vis à vis de son lecteur. Ses poèmes
seront des masques, des allusions, des métaphores qui se poursuivent
à l’infini.
L’occupation
allemande ainsi que sa propre personnalité l’obligent à
se cacher. Il cherche la vérité et invite le lecteur à
participer à sa recherche. Il pressent la mort et elle prend
une place très importante dans son écriture. La mort le
guette et il la provoque.
Il étudie la philologie polonaise dans une Université
« volante » (clandestine et changeant souvent de lieu d’enseignement).
Son écriture est secrète dans tous les sens du terme,
seuls ses proches connaissent ses œuvres, qu’il a l’habitude
d’offrir (grâce à cela on a retrouvé 400 des
ses poèmes, ce qui est miraculeux dans une ville complètement
rasée).
Lors de l’insurrection de Varsovie, supplié par ses amis
de quitter la ville, il refuse. « Pourquoi dois-je partir, s’il
y aura lutte. Celui qui connaît et comprend mes œuvres, doit
me comprendre ». Sa femme, bien qu’elle soit enceinte, participe
au combat et mourra également.
Une
œuvre toujours plus vivante
« Ah, je meurs, je me meurs
Je sais :
Le grand temps hurle derrière moi. »
Krzysztof Kamil Baczynski essaie de vivre vite, d’une façon
fébrile, tout en faisant le deuil de ce monde. Chaque instant
est important dans sa vie. Il en profite et se dépêche
pour laisser une trace de ses sentiments, des ses idées et de
son existence. Ses poèmes sur l’amour sont une tentative
pour le rendre immortel.
L’allusion à la mort est présente pratiquement dans
chacun de ses poèmes. Il faut dire qu’avec la destruction
du ghetto de Varsovie et l’insurrection en pleine préparation,
une mort prochaine était plus que probable. Certains, comme «La
ballade de pendus », sont une sorte de testament, une façon
de dire au revoir à ce monde et à la femme qu’il
aime. « La Berceuse pour dormir » est en fait une berceuse
pour mourir.
La religion catholique intervient fortement dans ses poèmes,
peuplés d’une grande imagerie céleste. La Pologne
était avant la guerre un pays fortement catholique et les événements
historiques ont incité les gens à chercher l’espoir
quelque part. Pourquoi pas alors dans une autre vie ?
Les bouleaux, qui reviennent relativement souvent sont tout simplement
un symbole du paysage polonais. La nature est d’ailleurs omniprésente
et ceci est très certainement lié au désir de liberté
et à l’impression d’oppression que donne la vie dans
une grande capitale occupée par les nazis. Elle lui permet de
s’évader et donne l’impression d’une continuité
de la vie.
Krzysztof est un poète dessinateur. Il dessine les images, il
joue avec la lumière, les couleurs et les contrastes. Ses poèmes
sont aussi imprégnés de musique, d’onomatopées
et de différents bruits.
On peut reprocher à Baczy_ski ses nombreuses répétitions.
Elles s’expliquent par la précipitation et la brève
période pendant laquelle ses poèmes ont été
créés et un manque de temps pour se ressourcer.
Tous ses éléments ont contribué à l’originalité
de l’œuvre et à sa grande force.
Les émotions de la jeunesse, l’angoisse devant la mort,
l’amour, l’héroïsme, le désir de vivre
sont exprimés dans ses écrits grâce à sa
sensibilité artistique. Les images puissantes qu’il évoque
et la musicalité de ses textes ont contribué à
donner une œuvre unique.

Krzysztof n’est pas mort pour les futures générations
qui continuent leur vie dans la folie. Le régime les ont obligés
à adopter les mêmes attitudes. Ses écrits, son héroïsme,
son désespoir étaient singulièrement proches de
la jeunesse polonaise sous le communisme. Nombreuses étaient
les valeurs qu’elle prit pour sienne dans leur époque difficile.
Cette philosophie lui a permit de croire en une vie pleine malgré
tout. Une vie qui n’exige pas pour autant de se résigner
à la passivité. Il lui a transmit la foi dans la puissance
de la parole, dans l’amour et dans la nécessité
de résister aux oppresseurs. Il reste le symbole de celui qui
ose vivre dans un temps invivable. En regardant tous les événements
actuels de ce monde à l’envers, son écriture est
plus que jamais d’actualité.

Ø Choix de 19 traductions originales par
Mary Telus
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