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"Commencer par le soir"
de Françoise Lison Leroy

par Florence Noël

 

Françoise Lison-Leroy, " Commencer par le soir " ; Esperluète éditions, 2002.

Photographies de Sylvie Derumier.

 

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" Et si l'on commençait par le soir ? "

Une ouverture de recueil comme une invitation. Ca ne se refuse pas. On le voit dans les rayons où fourmillent d'autres mots, d'autres auteurs. On s'interroge : à cette question ? Des tas de réponses possibles. La première : " Pourquoi pas ? ".. Et l'on tient déjà le livre en main.

Françoise Lison-Leroy... une figure belge de la poésie. Vous le savez, vous avez dû lire un texte ou l'autre dans une revue ou sur son site.. ou même ailleurs, en collaboration avec un autre personnage, chignon bien rangé de gris et voix introduisant l'incertitude là où il n'y avait qu'indifférence, questionnement là où l'on avait fermé les portes du désir ou de la foi... sa comparse : Colette Nys-Mazure.

Vous vous souvenez, oui, cette poétesse aime les rencontres, les échos, les voix en accordailles… Justement, vous feuilletez ce recueil et vous le découvrez serti de photographies, en noir et blanc, de Sylvie Derumier. Inspiration de la croisée des mondes. Vous franchissez le portail du soir. Vous avez accepté l'invitation.

*

Ce regard par l'envers, ce constat du " contre courant ", " ce fleuve qui rêve de ruisseaux prometteurs ", " ce pas en arrière " nous invite plus à un basculement de notre vision au monde, qu'à une promenade passéiste. " Commencer " par le soir. Le mot qui dit toutes les renaissances. Car " dans les maisons, les photos éclairent l'avenir. Ce n'est pas vrai qu'elles veillent ".

Alors, on se prend au jeu, on s'avoue secrètement aimer, parfois, délicieuse gourmandise, aller guigner la dernière page du livre quand il ose nous nouer les entrailles de suspens ; on admet, surpris, saliver devant ces tables des matières nous promettant " des beaux jours et des échappées franches " ; on se remémore, en si lucide enfance, la " géographie en fuite " d'un paysage égrainé, lorsque, assis à l'arrière de la voiture, on faisait " reculer l'horizon "

Tout y passe, sorte de catalogue de nos déroutes, nos dérives, nos rêveries auquel elle propose un sens, d'une voix qui nous apprivoise. Nous mène par la main, négatifs développés en blanc et noir, qui nous révèle par la lumière. " nuit des déroutes, nuit du pollen : quelqu'un viendra, porteur de toute énigme ".

C'est évident soudain… L'énigme est une bonne nouvelle. Sinon, bien sûr nous ne serions pas férus de poésie… nous, auteurs autant que lecteur, peuple des vivants. Nous n'avancerions pas dans ce monde, étouffant presque sous sa beauté, car son mystère nous réjouit autant qu'il nous trouble.

Mais nous progressons aussi, porteur de sentences, de phrases parasites, de poèmes par cœur " un quatrain pour la route, un autre pour l'averse " que nous portons jusqu'à la mort et dont finalement nous serons le tombeau. Mais ce dont nous nous détachons, alors, cela, par delà notre temps, " fera fortune ".

Une invite, toujours, à commencer par le soir, peut-être aussi, par le chemin le plus difficile, à l'image de ces vers, défiant notre concrétude, plus que notre imagination :

"L'abîme nous tient la main. Il hurle à l'oubli, aux corbeaux, à cette part manquante qui délivre.
Un pas de plus, et il nous prend. Bouche griffue, pattes toilées. Nous restons sur la berge, attelés à nos songes.
Il nous faudra affranchir nos bottines "


Cinq perspectives s'ouvrent, rideaux écartant leurs pans, semblables et pourtant indiciblement autres : " Commencer par le soir ", " Train de nuit ", " D'écorce ", " La guetteuse ", " Pierre du seuil ". Une constante : le temps, sa fuite, notre fuite, nos départs, nos retrouvailles le tout par l'inversion de nos perspectives. Cet autre regard c'est aussi celui, souvent, de la note d'espoir en guise d'avertissement à tous les signes contraires :

" Vous ne m'attendez pas. Si loin de mon errance, vous cueillez les gerbes d'oubli. Votre jardin s'enfièvre en ocre. Vous en savez le miel. Un jour je viendrai vous surprendre. Les sentiers crisseront sous l'automne. "


Florence Noël.

 

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Créé le 1 mars 2002

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