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Le poète et linguiste Henri Meschonnic

par Joë Ferami


Quelques œuvres commentées de Henri Meschonnic

 


" Célébration de la poésie " (272 pages ; 19,10 €)


Il s'agit de montrer que la poésie, contrairement à l'idée reçue qu'elle n'intéresse que les poètes ou très peu de lecteurs, concerne chacun, même s'il ne le sait pas, parce qu'elle met en jeu tout ce qu'on fait et tout ce qu'on sait du langage, donc tout ce que la société fait de chacun de nous, et que chacun fait des autres. Et il faut voir comment. C'est pourquoi la poésie est un poste d'observation privilégié sur le langage en général, sur la pensée et sur la société, et d'autant plus qu'on n'en a pas conscience. Il s'agit de réfléchir sur les choses très différentes qu'on met indistinctement dans le mot poésie.
Cette réflexion mène à une critique généralisée de ce qu'on fait et de ce qu'on dit de la poésie. Cette critique de la poésie mène à son tour à une critique de la philosophie, ou d'une certaine philosophie : réfléchir sur ce qu'est un problème poétique, et montrer que ce n'est plus une affaire d'esthétique, seulement pour amateurs de poèmes, mais une affaire d'éthique et de politique. À travers ce qu'on dit et ce qu'on fait de la poésie en France au XXe siècle, spécialement dans les quarante dernières années.
Il ne s'agit pas de faire aimer la poésie, mais de cesser d'être dupe des clichés et des falsifications qui se font passer pour de la poésie. C'est par là peut-être que la poésie retrouvera en France une place qu'elle n'a plus. Contribution au feu de joie qu'il y a à faire avec les langues de bois.

 

" Poétique du traduire " (480 pages, 30,18 €)

Ce livre est une théorie d'ensemble de la traduction. Par son point de vue et son ampleur, il n'a pas d'équivalent parmi les ouvrages qui traitent du traduire.
Il propose une critique, c'est-à-dire une fondation, des principes qui relient l'acte de traduire à la littérature. Il commence par l'examen des idées reçues, et l'histoire de la traduction en Europe, continent culturel bâti sur des traductions, à l'inverse d'autres, et bâti sur l'effacement de leurs effacements. L'objet est de fonder la nécessité de tenir l'acte de traduire, et ses résultats, par le fonctionnement des œuvres littéraires. D'où une critique de l'étude des traductions comme discipline autonome, qui revient à la remettre à l'herméneutique, aux seules questions de sens, en méconnaissant que le langage fait autant et plus qu'il ne dit.
La question de la poétique est comment. Seule une théorie d'ensemble du langage et de la littérature peut situer la spécificité du traduire. Car on ne traduit pas seulement des langues, mais des textes. Si on l'oublie, cet oubli se voit. C'est ce qu'il faut montrer. L'élément déterminant est ici le rythme, et le continu.
Une première partie établit la poétique du traduire comme éthique et politique des rapports entre identité et altérité, dans les transformations du traduire. Une seconde partie met des traductions à l'épreuve d'une poétique des textes. La théorie et la pratique sont inséparables. Les textes traduits vont du sacré à la poésie, au roman, au théâtre et à la philosophie. Ils passent par l'hébreu biblique, le grec ancien, le chinois classique, l'italien, l'anglais, l'allemand et le russe.

 

" Politique du rythme Politique du sujet " (624 pages ; 30,18 €)

L'ouvrage de Meschonnic se présente d'abord comme un bilan critique de tous les modes de pensée qui ont façonné le paysage intellectuel français, européen, et même américain, depuis les années soixante. Un des grands mérites de Meschonnic est d'avoir eu le courage de déboulonner les maîtres de vérité transformés en gourous, tels Heidegger, Lévi-Strauss, Lacan, Barthes, Foucault, Ricœur, Derrida, etc., dont l'enseignement continu d'être ressassé par les disciples et leurs épigones qui ont remplacé la recherche de la vérité par le culte du maître.
Toutes ces théories pourfendues par Meschonnic ont marginalisé la poésie, rejetée du côté de l'écart et de la folie, et ont mené à des aberrations comme la mort du sujet, la déhistoricisation du poème et du discours, l'auto-contemplation du langage, le binarisme conflictuel et l'esthétisation. Ainsi au nom de cette esthétisation, les thuriféraires de Heidegger et de Céline ne cessent de dissocier l'homme de son œuvre pour excuser l'engagement pro-nazi de Heidegger et déresponsabiliser Céline de ses écrits antisémites haineux qu'on sépare, au nom du génie du style, de ses romans. À toutes ces perversions, Meschonnic oppose sa théorie du sujet, fondée sur l'union indissociable de la poétique, de l'éthique et du politique. Pour Meschonnic, l'éthique n'est ni la science des mœurs, ni la morale abstraite et anti-historique de Lévinas. Elle consiste dans la reconnaissance d'autrui comme sujet historique car ce n'est que de cette manière que le moi devient lui-même sujet-acteur de sa propre histoire. Quant au politique, ce n'est ni la stratégie du pouvoir, ni l'art de dominer les masses par la violence d'État, mais c'est la science du Bien collectif. Ce renouvellement des notions de l'éthique et du politique est le résultat des recherches originales menées par Meschonnic depuis près d'un quart de siècle sur la théorie du rythme. [...]
Ce livre iconoclaste et très stimulant contribue à l'assainissement de l'atmosphère intellectuelle trouble dans laquelle nous baignons depuis trois décennies et dont les relents ont infecté même certains penseurs juifs qui ont fini par confondre le mot et l'idée et ont remplacé la pensée par l'étymologie et les jeux verbaux. En ce sens, Politique du rythme est une belle œuvre qui appelle à la vigilance permanente contre ce charlatanisme et le confusionnisme qui obstruent notre horizon théorique.

Jacques Éladan, (L'Arche, septembre 1995)

 

" La Rime et la vie " (368 pages ; 22,71 €)

Ce livre est l'exercice d'une écoute du langage et, à travers de nombreux exemples, d'une écoute de la modernité. La mise en rapport de deux termes, la rime, la vie, montre dans les représentations communes du langage un modèle culturel poétiquement et politiquement néfaste. Contre cette vieillerie du monde, la réflexion à partir du poème pose une relation interne entre le langage, le poème, l'éthique et l'histoire. C'est pourquoi le rythme y joue un rôle théorique majeur. Pas seulement pour comprendre des poèmes. Mais, par la redéfinition de l'oralité comme une part de la nécessaire distinction entre l'individu et le sujet, pour le parti du sujet, la politique du rythme, une poétique de la société. Par là, l'utopie est le devoir de lucidité le plus urgent, la recherche de critères d'intelligibilité pour aujourd'hui. L'écoute du langage a l'oreille sur l'avenir.

 

" Critique du rythme - Anthropologie historique du langage " (732 pages ; 28,20 €)

On ne peut rien contre ce fait que Meschonnic a l'air d'un nom de prophète, et Henri Meschonnic n'y peut rien non plus. Il se tient désormais en haut d'un véritable Mont Sinaï de volumes, d'où il fait tomber l'anathème sur les têtes qui ne pensent pas comme lui. Assez souvent, il a raison du reste, et c'est une grande part de sa séduction. Car aucun prophète n'a comme Meschonnic brandi le glaive du Dieu des Armées : en souriant. La certitude d'avoir raison le rend à la fois charmant et impitoyable. Mais de quoi s'agit-il à présent ? - Du rythme. C'est-à-dire de cet élément instable qui donne vie et sens à tous les " discours", qu'ils soient en vers, en prose, ou insoucieux d'être l'un ou l'autre quand on discute du dernier match.
Monsieur Jourdain s'extasiait d'apprendre qu'il s'exprimait en prose ; en lisant Meschonnic, vous comprendrez que vous produisiez des rythmes et du rythme sans le savoir. Est-ce à dire que vous êtes poète ? Pas forcement. Mais la réflexion de Meschonnic repose sur ce syllogisme implicite : X est un poète, or X est un homme, donc un homme est un poète, et cette conclusion a quelque chose qui - tant du point de vue de l'ontologie que de la démocratie - nous satisfait. Cependant, tous les poètes ne font pas de bons poèmes et (selon Meschonnic) le tort de la plupart d'entre eux est de confondre le rythme avec sa mise en système (et en système métrique surtout). Si l'on suit toujours Meschonnic, on se demande si la poésie française, depuis les origines, ne s'est pas fourrée dans l'œil un doigt long comme un alexandrin. Meschonnic n'a d'égards que pour ceux qui ont un tant soit peu bousculé le système (à commencer par Hugo) et il étrille aussi les prétendus novateurs modernes qui s'imaginent lui avoir échappé. Si poète en effet est celui qui rend sensible à tous le rythme singulier de son être et de son histoire, la vieille distinction de vers et de prose ne tient pas debout, et encore moins ce qui soumet le rythme à des règlements. Il ne saurait y avoir qu'une pluralité de rythmes, disant chacun la vérité et la liberté de chacun. En ce sens le poétique n'est pas séparable du politique : toute versification codifiée décèle l'autorité de l'État. Mais il faut quand même s'entendre et, à défaut de code, montrer quelles directions offrent aux poètes une chance de rester libres sans être arbitraires ou obscurs.
C'est là que Meschonnic devient complètement prophète puisqu'il n'a en dehors de la Bible qu'un exemple à nous proposer. Cet exemple, bien sûr, il ne le cite pas expressément mais on le voit apparaître en filigrane de ces 700 pages remplies d'exécutions : ce sont les poèmes de Meschonnic lui-même, d'ailleurs d'une grande délicatesse de rythme et d'émotion, et où s'adoucit sa sévérité prophétique. Ainsi, Critique du Rythme, cette montagne aux nombreux filons, accouche-t-elle aussi de ces sourires.

Jacques Réda, (Libération, 7 juin 1982.)

 

" Nous le passage " (96 pages ; 14,94 €)

" aujourd'hui nous sommes plus jeunes que nous-mêmes
parce que nous sommes l'un l'autre
le regard avec l'instant "


La voix de Meschonnic

À force de considérer la poésie comme " un langage dans le langage " (Valéry dixit), les poètes contemporains ont fini par créer une rupture profonde entre les poètes et le grand public. Ennemi des modes formalistes fondées sur le dualisme du signe comme de toutes les vieilleries poétiques, Henri Meschonnic pratique depuis vingt ans une poésie vivante basée essentiellement sur le rythme et qui revivifie le langage quotidien, par les échanges nouveaux créés entre les mots, les êtres et les choses comme on le voit dans son sixième recueil : Nous le passage, publié récemment par les Éditions Verdier. Pour Meschonnic, la poésie est une " voix dans la voix ", car fidèle à l'esprit de la Bible, dont il a traduit certains livres avec une originalité remarquable, il oppose à l'écriture poétique élitiste, l'oralité-socialité qui fait du champ poétique un lieu privilégié de communication, ouvert à tous et une fête quotidienne par tous les échanges et les déplacements que cela entraîne :

" Nous le chant silencieusement passe en nous c'est lui que nous entendons ensemble et qui nous déplace d'un lieu à un autre lieu ce chant est notre voyage. "

Jacques Eladan (L'Arche, septembre 1990)



 

Introduction

Manifeste pour un parti du rythme

Quelques œuvres commentées de Henri Meschonnic

L'œuvre de Meschonnic

Textes mis en scène

Liens sur Meschonnic


Créé le 1 mars 2002

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