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poètes et la poésie francophones
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La Roumanie

On fait tout : élever le moutons, les tondre, carder et filer puis teindre et tisser.  On prépare des tapis pour décorer les murs de la chambre des mariés. Chaque village a ses couleurs et ses motifs.
 


                                                     photo/Hélène Soris


Etape 1
avec Constantin 
Frosin
Poète et traducteur de plusieurs poètes roumains

L’ÉPHÉMÈRE RETOUR
(ON NE FAIT QU’ALLER ET VENIR)


on ne fait qu’allées
dans le sable

on ne fait que venir
de nulle part

on prend un billet
(de) par terre

mais on resquille
pour le grand (sic !)
départ


***


les seuls poètes
les seuls poèmes
(peau aiment)
en sont à composer
avec les vers

serait-ce donc vrai
qu’ils défient la mort ?

serait-ce donc vrai
qu’ils montent à l’assaut
de l’éternité ?

ou bien sont-ils
les seuls
à accepter
l’éphémère
de la vie ?


***


on en fait qu’aller
et venir
parfois devenir
mais jamais revenir

au même point d’origine
toujours au point de départ
car la vie en
est bien un

un grand voyage
initiatique sur les bords
(de quoi donc ?)
vers la mort

d’aucuns prennent leur temps
d’autres le nôtre
à nous autres

il y en a qui prennent
leurs jambes à leur cou
ou leurs cliques et leurs claques
enfin, peu importe

s’ils y arrivent avant nous
à quoi bon
puisque ça ne leur sert plus à rien

bandes de nihilistes !


***



serait-ce vrai
que bon à tout faire
équivaut à bon à rien

d’où la prédominance
des vauriens

qui s’acharnent à nous
en faire accroire
que rien ne vaut plus la peine
de peiner

le cas échéant
qui sème le rien
récoltera quoi
après

et puis quoi après ? !


***


On dérive de l’Un
puis on fait tant et si bien
qu’on se multiplie
au hasard
du néant

béant

on pullule
on fait le Jules
on se retrouve mûle
à force de faire l’émule
à tout ce qui fait la pige au nul


***


Je me dirige vers le Nord par toi perdu
Et retrouve la boussole par toi égarée.
A force de te perdre, ton absence disparue
Me revient sous la forme d’un aimable décès…

Je me tourne vers ton incontournable présence
Et te découvre au-delà de ciels épars.
D’un coup, j’entreprends d’aimer ta chère absence
Et je donne la chasse à mes propres avatars…

Où es-tu, Toi, dont l’évanescence nous tue ? !


***


AGORAPHOBIE


J’ai pris hier un bain de foule
Et l’on m’a foulé aux pieds.

J’ai pris donc un bain de foule,
La baignoire était crottée…

Et, après ce bain de foule,
Me voilà plus maculé.

A mon avis, le mot foule
Le féminin de fou est !


***


RAPPEL

Ces grosses pierres en bordure du chemin faisant
Vers Nulle Part, à un obsédant train d’enfer,
Quel ciseau peut les polir suffisamment
Tant que, de nos efforts, elles n’ont que faire ? !

Même si ce sont des restes d’un astre fracturé,
Qui a perdu tout éclat et importance.
Elles restent là, immobiles, comme de simples dés
Que Dieu enfile pour tramer notre existence.

Ces tombeaux pétrifiés, de vrais éléphants
Dépourvus d’ivoire, ne font plus notre affaire,
Car à l’inverse de l’envol enrichissant.

Apprentis, compagnons et chers Maîtres, venez
Donc et oeuvrez, car il reste beaucoup à faire :
A quoi bon l’Infini et l’Eternité ? !


***


(L’) ASCENSION (NELLE)


Je viens de comprendre l’effort des grands grimpeurs
Qui font des ascensions en haute montagne.
Ils sont de l’Idéal les véritables chercheurs
Et préfèrent de loin la Lumière au bagne


Que sont nos villes puantes, ces endroits pollueurs
Où l’on a l’air de vivre en pays de cocagne.
A les voir, on cesse de faire de naïfs rêveurs
Et nous-mêmes, vers l’Inconnu on se magne…

***

LA FIN DE TOUT


La solitude fourmille déjà dans nos villes,
dont les rues sont tentées/hantées par l’Oubli.
Tout déborde de riens qui se rangent en double file
au nez de mecs parfaitement inaccomplis…
A la barbe des glabres, passe l’ombre blanche d’un espoir
raté, criblé des rayons nocturnes, qu’une fée
mauvaise tisse pour nous et brode de désespoir.
Elle se fracture et s’émiette, l’Eternité…

Dans nos veines tarissent la Seine et le serein
du feu ciel de Naples, que l’on descend en berne
pour fêter les illusions des écrivains.

L’armée des anges a eu beau se mettre à l’œuvre,
car notre rutilant optimisme se fit terne :
là-haut, dans le ciel, Dieu avale des couleuvres

***



On reprend la route vers le jardin poétique de Lucian Blaga

Créé le 1 mars 2002

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