Manuel du parfait
émeutier ? Ou bien parodie de la révolte ?
Chaque page de « ce petit
livre jaune » (pourrait-on dire) peut servir de présentation sur le
vif, capable de provoquer l'envie immédiate de dévorer l'écrit encore
tout croustillant de vitalité.
L'auteur, en bon Suisse
« neutre » en marge des conflits, nous révèle son credo (ou son
anti-credo ?), dès le liminaire : « Je déteste
l'émeute. Peut-être est-elle libératrice ? »
Ici ? Sans aucun
doute ! Répondrait un acteur comique ! Libératrice d'autant
plus que les vérités apparaissent comme des exagérations sans limite,
générant sourires entendus et rires débridés.
Inutile alors de chercher à
chaque page le graal qui va attirer le lecteur, car TOUT, ici, vous
expose au rire (ou explose de rire, quoique...), à commencer par la page
1(je crois indispensable de rapporter, selon l'auteur, la panoplie du bon
gréviste qui se respecte, et sachez que je ne note que
l'essentiel) :
«Pour une bonne manif, il vous faudra
dans votre sac à pain :
-du personnel qualifié avec une
moustache à la Staline,
-un cabas de
revendications : pas besoin qu'elles soient fraîches,
-quelques tambours,
trompettes... et autres casseroles,
-une confrérie de brailleurs à
défaut des pleureuses en grève,
-beaucoup de rouge qui tache,
-un p'tit
gars pour compter (juste qu'il sache multiplier les chiffres des flics
par deux ou par dix...
-une bande de gilets jaunes : ne
pas prendre ceux qui sont en train de griller des saucisses... Au fond,
prenez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » (pages
9-10)
Un véritable « pavé y en
a marre » en lieu de « pavé dans la mare » !
OUI, je l'avoue, on s'amuse, on
rit beaucoup grâce à l'esprit vif et précis de Claude Luezior ; il
n'empêche que le cœur et le cerveau de l'auteur restent aux commandes
car, dit-il, même si « la déroute est en marche » (page
40), « tous fredonnent un hymne où l'on parle de
fraternité » (page 41). Tout
est discutable, acceptable... à condition que « le
sens du partage et de la bienveillance ne fasse pas place à la grammaire
de la violence » (page 42).
Et pourquoi ne pas conclure
cette présentation par ce qui pourrait et semble d'ailleurs être
l'illustration de couverture : « Avec ses pognes en
battoirs, il sort d'une poche, un tout petit sandwich qu'il partage puis
s'en va avec son Esmeralda de passage » (page 50).
En ces moments de folie
mondiale, il n'est pas interdit de réécrire l'Internationale qui battrait
le pavé avec des mots d'humour et surtout de ne pas oublier de chausser
ses besicles car Claude Luezior nous avertit : « Toute
dissemblance avec la réalité doit être vue comme une grave illusion
d'optique » (page 68).
Vite, amadouer ce livre
Gavroche-bon-enfant où « Marianne en prend pour son bonnet ».
Humour-manifeste sans danger, d'autant que « le coup de feu n'est
pas pour ce soir »...
©Jeanne Champel
Grenier
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