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ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Novembre-décembre 2022

 

 

 

Christian Boeswillwald :

« Quand tout se fait pesant… »

 

Poèmes

(avec les photographies de l’auteur)

 

Une image contenant arbre, ciel, extérieur, silhouette

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(*)

 

 

 

J’ai fatigue du monde et m’en éloigne tant

que j’en appelle au ciel pour supposer le bleu,

et le chant de l’oiseau et le goût du printemps

mais la Nuit se prépare…

 

                                         alors même qu’il pleut

sur chaque solitude un parfum de l’avant

nous supposons le Mal alimentant les jeux

des hommes au hasard que disperse le vent…

 

Nécessité peut-être, ivresse de l’ivrogne,

notre monde a laissé la justesse des fautes

se répandre partout sur nos basses besognes

jusqu’à la finitude…

 

                                         et l’âme la plus haute

ne pourra rien y faire à part peut-être rire

tant nous fûmes petits, c’est si peu de le dire !!

 

 

* * *

 

 

À la maigreur du ciel

j’ai compris que j’avais

si faim d’un vieux soleil

qu’en mille ans je n’aurais

 

ni la force ou l’envie

de changer notre monde,

alors rendre à celui

qui tourne à la seconde

 

dans ma tête malade

l’Amour qui n’a plus sens

et l’esprit camarade

qui frisent l’indécence

 

mais qui n’est que la Vie

dans le ventre du ciel

avec ses bleus ses pluies

et ses saisons de miel.

 

 

* * *

 

 

Quand tout se fait pesant et lourd comme un chagrin

Que chaque temps de vie appelle à ce qui meurt

Je ris et je m’allège au souffle du Destin

Car je suis pour la joie et que la Joie demeure.

 

Quand bien même la Nuit se cache dans le noir

Sans étoiles, sans lune, et qu’il n’est rien au monde

De plus triste parfois qu’un regard au miroir

Je suis pour le bonheur, et à chaque seconde

 

Je me dis sois heureux de ce que la vie t’offre,

Sois heureux du soleil, de la pluie ou du vent,

Et de tes souvenirs qui dorment dans un coffre.

 

Demain tu seras mort et vous que j’ai croisés,

Aimés, chéris, brûlés, sachez qu’il faut oser

Sourire à chaque instant lorsque l’on est Vivant !

 

 

Une image contenant arbre, herbe, extérieur, plante

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* * *

 

 

J’aime la Solitude et son ennui voulu

Tant les hommes sans Loi m’indisposent, pourtant

Que n’ai-je fait pour croire et puis que n’ai-je lu

Pour changer notre monde.

 

Et dans la nuit profonde

Où mes rêves d’enfance oublient d’être à la fête

Avec leurs chevaux blancs des manèges d’antan

Qui tournent dans ma tête

 

J’essaye de comprendre à quoi sert de combattre

Si nous sommes l’oiseau devant tant de chasseurs !

Et si tout devant nous n’était qu’un vieux théâtre

Avec tant de voyeurs !

 

Mais nous sommes dedans et jouons dans la pièce,

Une pièce pourtant qui nous a tant séduit,

Alors vivons avec (sachant dite la Messe !!)

Le monde que l’on s’est construit !

 

 

* * *

 

 

Ce soir sur les plateaux télé

Les experts changent de costume,

Car on est vite écartelé

Entre guerre, virus et rhume !

 

Plus un mot sur nos petits masques

Et le danger de l’Omicron,

La dictature est bien fantasque

A nous livrer d’autres frissons !!

 

Au revoir petit pangolin

On va jouer à d’autres peurs

Car la vie russe est au Kremlin

Nous accordant son Grand « Saigneur » !

 

Mes bons experts expliquez-nous :

Le nucléaire avec sa bombe

C’est écolo ou pas du tout ?

Comment bien faire une hécatombe ?

 

L’Homme est si fou que pour un peu

C’est de lui-même qu’il s’éclipse !

Pas de vaccins contre le feu

De la prochaine Apocalypse !

 

Car à tout prendre il n’est d’effroi

Lorsque nos yeux sont grands ouverts

Que le miroir où l’on se voit

S’être noyé dans nos travers…

 

Au lendemain de tous nos morts

La Terre redeviendra ce fruit

Sans repentance ni remords

Dans le silence de sa Nuit !

 

 

* * *

 

 

Au demeurant que savons-nous

de ce comment c’est arrivé,

de tous ces peuples à genoux

qui d’un seul coup se sont levés !

 

Et d’aussi loin qu’est son histoire

l’Homme n’apprend rien de lui-même

en habillant de provisoire

son beau drapeau comme un emblème !

 

A chaque guerre son cimetière

et ses cadavres par milliers

redessinant quelques frontières

en se faisant d’autres alliés !

 

Si c’est pour ça que l’Homme vit

alors pourquoi sommes-nous là

quand le miroir avec mépris

renvoie l’image du Soldat !

 

Au demeurant nous aurions pu

Mettre l’Amour dans nos besaces,

Mais c’est ainsi que bienvenue

La Vie est là, et l’Homme passe…

 

 

Une image contenant extérieur, vieux, pierre

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* * *

 

 

C’est l’oubli des soleils

des saisons de blés mûrs

dans l’Ukraine noyée

 

c’est l’hiver dans son âme

dans le froid et la neige

la Nuit mange la Vie…

 

C’est l’oubli des chemins

à l’ombre des feuillages

et des ruisseaux chantant,

 

des oiseaux dans les arbres

des fleurs aux rires roses

et des cris d’enfants sages…

 

La Nuit brûle sa terre

dans le froid et la neige…

 

C’est l’hiver dans nos âmes.

 

 

* * *

 

 

Parle-moi d’un soleil

à l’aube de l’enfance

tu deviens jadis

dans l’écume des mers...

Nos morts sont des enfants

d’étoile et je me sers

de leurs ciels éreintés

pour dire le silence...

 

Souviens-toi du jamais

car lorsqu’il reviendra

il sera bien trop tard

pour pouvoir le confondre,

la Bête est toujours là

qui revient pour se fondre

à l’Amour qui n’est plus...

 

la Bête est toujours là !...

 

 

* * *

 

 

Tant que l’âme se perd

au chevet du miroir

quand le vent souffle noir

le chaos de la guerre

 

dans l’odeur du soleil

en devenir d’été

quand la Mort se mélange

dans la haine et la rage

 

que la pierre éreintée

berce de son sommeil

sans savoir les visages

des démons et des anges

 

épuisé d’être humain

sans ne pouvoir rien faire

j’écris à qui veut croire

dans le chant d’un oiseau

 

à supposer l’Enfer

au détour du chemin

la Beauté de savoir

l’impuissance des mots.

 

 

* * *

 

 

Vouloir ne plus vivre de nous

dans ce monde de sang, de guerre,

et ne plus me mettre à genoux

pour prier le Ciel ou le Père,

 

car je ne vois que cris et cendres

pour un désir de Territoire

comme un souffle qui vient se pendre

aux girouettes de l’Histoire.

 

Aussi maigre qu’un rêve fou

l’Homme se croit libre et obèse

de posséder l’or et le sou

et l’origine et la Genèse !

 

Alors dans le couchant du jour

quand le soleil fond dans la mer

et que l’oiseau fait son retour

sous le ciel bleu de l’univers

 

demandez-vous parfois combien

la soif est plus riche que l’eau

que le bonheur c’est d’être en lien

avec sa terre et son hameau…

 

 

Une image contenant arbre, extérieur, plante, forêt

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* * *

 

 

J’ai rêvé d’être un dieu, de pouvoir tout changer,

D’avoir le ciel pour dire et la langue du vent

Pour écrire la Nuit des Hommes sans danger,

Mais je n’ai rien pu faire et ma vie comme avant

 

Traîne ces mots en laisse en laissant mon chagrin

Devenir un poème inutile, perdu

Dans la jungle du Temps comme un tout petit grain

De sable ou de soleil que mon âme a pondu !

 

Je voulais tellement fabriquer des enfances

Mutines d’océan sous des fleurs de voyelles

Et des chansons à boire au printemps sans souffrance

Mais le monde est ainsi, débile et sans cervelle !

 

Alors me reste l’Autre, un voisin, un ami,

Un amour disparu, qui sait, un étranger,

Juste celui qui vient à ma porte et me dit

J’ai besoin d’être là sans vouloir déranger…

 

Et cet Autre à aimer, n’est-ce pas notre double,

Celui par qui tout change à hauteur de nos yeux,

Car donner sans retour n’est-ce pas ce qui trouble

L’homme de guerre toujours quand il nous voit heureux !

 

 

* * *

 

 

Le hasard ne connaît rien de ce que pensent les hommes, et les hommes se servent de la nécessité de ce même hasard pour nous manipuler, mais l’Histoire ne repasse jamais les mêmes plats… Nous serons juste mangés différemment…

Vivre dans l’ombre tant la lumière artificielle du monde m’indispose, entre pandémies, escalades de propos alarmistes, dérèglement climatique, échos des guerres en cours ou à venir… Jeu de dupes ou jeu d’échecs entre Puissants… Moi j’ai choisi la nuit, le retirement, envisager la lumière des villes m’est insupportable tant elle ressemble aux hommes !! Je me laisse aller au silence en me glissant dans la peau des étoiles… Donner à voir les mots pour explorer le rêve… Entrer dans le secret de la création par l’écume des sentiments et l’intime des émotions… ou quelquefois rien de tout cela, juste les parfums des absinthes qui libèrent l’âme… Demain sera ce que nous voulons qu’il soit, et peu importe ce qu’on nous livre, l’essentiel est dans notre profonde solitude…

Je déjeune avec le vent pour ne pas mourir de vivre… Inventer le ciel bleu n’est pas à portée de tout le monde, c’est la puissance de l’écriture et du rêve… Le vrai est dans l’imaginaire… Rire me semble être possiblement le seul moyen de se sentir heureux…

 

(extrait de la Chronique « Les Mots sont des îles »)

 

© Christian Boeswillwald

 

 

(*)

 

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Christian Boeswillwald né en 1950 à Rouen est de cette génération qu’on a appelée « soixante-huitarde », a bourlingué sac à dos sur les routes népalaises, péruviennes, thaïlandaises et bien d’autres… Dès l’adolescence, la poésie s’est littéralement emparée de lui et fut une époque où il s’astreignait à écrire un sonnet par jour, où il rédigeait ses devoirs d’économie et de philosophie en alexandrins, où tout était prétexte à poème, à chanson…

Puis le temps de la maturité est venu et avec lui celui de l’écriture solitaire, dans l’antre de sa chambre, où le verbe se révélait à lui comme une respiration intérieure… Ainsi a-t-il composé des milliers d’œuvres, classiques ou non, publié une quinzaine de recueils, conquis plus de 300 prix et distinctions… dont le Prix Michel Ange 2010 décerné par Le Cénacle Européen des Arts et Lettres pour « Juste une vie qui passe… », ouvrage de photos d’art et de poèmes.

Écrire, peindre, photographier en un mot créer est son seul devenir… Poète jusqu’au bout des doigts, il n’en est pas moins homme parmi les hommes et sait ce que le monde porte de misère, d’horreur, ainsi en témoigne-t-il avec ses maux d’encre, ses instantanés de vie…

 

Nathalie Lescop-Boeswillwald

 

 

Pour percevoir d’autres échos de cette voix poétique singulière voir aussi la chronique de Jeanne Champel Grenier à son recueil Je suis d’un pays bleu de l’âme, Éditions Les Amis de Thalie, 2020, dans la revue Traversées (7 octobre 2020).

 

 

 

Christian Boeswillwald

Francosemailles, Novembre-décembre 2022

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