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ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Automne 2024

 

Françoise Urban-Menninger :

« le siège de l'âme »

 

Poèmes inédits pour Francopolis

Et quelques extraits de son dernier recueil

(*)

 

Une image contenant Bleu électrique, Bleu Majorelle, bleu, mur

Description générée automatiquement

©L'heure du poème (mespoemes.net)

 

 

l’apesanteur

 

il nous est difficile d’imaginer

l’instant précis où la vie

quittera notre corps

 

notre esprit planera-t-il

notre âme se désincarnera-t-elle

comme le suggèrent certains

qui ont évalué sa masse à 21 gr

 

mais où donc peut bien se situer

le siège de notre âme

sinon dans l’écriture d’un poème

qui allège notre esprit du poids des mots

 

alors dès à présent trempons notre plume

dans l’encre du ciel

pour éprouver cet état d’apesanteur

susceptible de libérer l’âme

 

laissons-la vagabonder sur la feuille blanche

et déborder les marges du silence

pour rejoindre l’infini au bout de notre nuit

 

 

ma mère dans sa cuisine

 

ma mère en a passé du temps

dans sa cuisine à faire tourner le monde

avec une cuillère en bois

dans ses casseroles ses marmites

ses cocottes ses sauteuses

quant au fait-tout

comme son nom l’indique

 

elle y fourrait pêle-mêle

un brin de politique

une pincée de morale

avant de saupoudrer le tout

de sa philosophie personnelle

 

tout en reprenant un air d’Edith Piaf

elle laissait mijoter

sur un coin de la cuisinière

la part belle de sa vie

avant de remettre inlassablement

le couvert sur cette table des jours

  nous ne voyions plus que son sourire

 

flotter dans le rêve indéfini

de cet ailleurs

où elle se rendait parfois

en oubliant sur le feu

le monde qui se consumait en silence

 

 

je suspendais le temps

 

parfois je suspendais le temps

sur la corde des jours

avec deux pinces à linge

dans mon jardin

 

le soir je défaisais

la draperie du ciel

avant de tirer à moi

la couverture de l’ombre

 

afin de la partager

avec les fantômes de mes nuits

et d’écrire à l’encre invisible

le poème incolore de ma vie

 

 

mon âme

 

avez-vous déjà eu
ce que l'on appelle
du vague à l'âme
ou encore l'âme à la vague

mon âme à moi
divague au fil du temps
flotte entre les rimes
de mes poèmes

parfois j'en attrape
l'accent circonflexe
avant d'éprouver ce que d'aucuns
nomment la mort dans l'âme

mon âme est invisible
mais se reflète parfois
dans mon regard
quand je le noie dans un miroir

 

 

jardin d'écriture

 

je vous écris depuis ce non-lieu
qui a pour nom déraison
il est situé en terre de poésie
où j'ai planté ma rime

ce non-lieu est un jardin
celui de mes écrits
où chaque fleur est un cri
tourné vers la lumière

j'y jardine à toute heure
pour fleurir les allées
où des ombres familières
me font signe entre mes vers

 

 

danser la capucine

 

dans le jardin plein d'ombres
on perçoit la respiration
des fleurs qui soupirent

nous partageons avec elles
nos racines végétales
et nos souvenirs terrestres

l'âme des plantes
à la nôtre se noue
tel le lierre au chêne

car nous savons bien qu'un jour
nous retournerons avec elles danser
la capucine dans le jardin des cimes

 

 

les petits cailloux

 

dans mes poches les petits cailloux
empruntés à Virginia Woolf
j'ai sauté par-dessus les ruisseaux
pour lui offrir quelques mots

ce sont des germes de silence
à planter au bord du monde
puis à cueillir du bout de l'âme
le dernier soir de notre vie

 

 

© Françoise Urban-Menninger

(les 4 derniers sont reproduits de son blog poétique

L'heure du poème (mespoemes.net))

 

 

 

 

 

écrire avec le bleu des larmes

sur la page blanche

où repose le ciel

dans sa conque de silence

le temps m’a chargé

de vous écrire que la pluie

est notre pleureuse officielle

la mère de toutes les douleurs

elle est le cri muet

de notre indicible naufrage

et ferme nos paupières

sur la nuit qui nous habite

 

***

 

nous nous survivons à nous-mêmes

dans la lumière du poème

car nous savons que les mots

seront nos derniers échos

nous savons que le ciel

un jour nous coupera les ailes

car nous avons été cet enfant

qui a trop joué avec le temps

 

(*)

 

© Crédit photo :  Françoise Urban-Menninger dans son jardin

(reproduite du site de la revue : Le Pan poétique des muses, 2021)

 

Françoise Urban-Menninger, poète, nouvelliste, revuiste, est collaboratrice, comme critique littéraire en particulier, de la revue en ligne Exigence. Littérature, et rédactrice et représentante de la revue Le Pan poétique des muses.

Pour mieux faire connaissance avec son œuvre, voici quelques liens sur la toile : présentation bio-bibliographique et choix de poèmes sur Le Manoir des Poètes (lemanoirdespoetes.fr), plusieurs poèmes sur le site poetica.fr, des poèmes et un entretien avec Cécile Guivarch sur Terre à ciel (2013).

Et surtout visiter son blog poétique L'heure du poème (mespoemes.net): vous y trouverez de beaux poèmes qu’elle nous offre en généreux partage (j’en ai extrait quatre ci-dessus).

Enfin, je signale, pour son nouveau recueil Renaître dans le poème (éditions Astérion, 2024), la belle chronique d’Isabelle Poncet-Rimaud, dans Le Pan poétique des muses, au numéro Hiver 2024, ainsi que la note de lecture de phenixblog123 sur le site : la lettre du phenix du 24 avril 2024, dont j’ai extrait les 2 derniers poèmes ci-dessus).

Quant au « siège de l’âme », qui m’a semblé être le juste titre de ce groupage, j’en trouve après coup la juste référence telle que donnée par la poétesse elle-même, sur la page d’auto-présentation de son blog :

« Le siège de l'âme est là où le monde intérieur touche le monde extérieur ». Novalis

(D.S.)

 

 

Françoise Urban-Menninger

Francosemailles, Automne 2024

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