l’apesanteur
il
nous est difficile d’imaginer
l’instant
précis où la vie
quittera
notre corps
notre
esprit planera-t-il
notre
âme se désincarnera-t-elle
comme
le suggèrent certains
qui
ont évalué sa masse à 21 gr
mais
où donc peut bien se situer
le
siège de notre âme
sinon
dans l’écriture d’un poème
qui
allège notre esprit du poids des mots
alors
dès à présent trempons notre plume
dans
l’encre du ciel
pour
éprouver cet état d’apesanteur
susceptible
de libérer l’âme
laissons-la
vagabonder sur la feuille blanche
et
déborder les marges du silence
pour
rejoindre l’infini au bout de notre nuit
ma mère dans sa
cuisine
ma
mère en a passé du temps
dans
sa cuisine à faire tourner le monde
avec
une cuillère en bois
dans
ses casseroles ses marmites
ses
cocottes ses sauteuses
quant
au fait-tout
comme
son nom l’indique
elle
y fourrait pêle-mêle
un
brin de politique
une
pincée de morale
avant
de saupoudrer le tout
de
sa philosophie personnelle
tout
en reprenant un air d’Edith Piaf
elle
laissait mijoter
sur
un coin de la cuisinière
la
part belle de sa vie
avant
de remettre inlassablement
le
couvert sur cette table des jours
où nous ne voyions plus que son sourire
flotter
dans le rêve indéfini
de
cet ailleurs
où
elle se rendait parfois
en
oubliant sur le feu
le
monde qui se consumait en silence
je suspendais le
temps
parfois
je suspendais le temps
sur
la corde des jours
avec
deux pinces à linge
dans
mon jardin
le
soir je défaisais
la
draperie du ciel
avant
de tirer à moi
la
couverture de l’ombre
afin
de la partager
avec
les fantômes de mes nuits
et
d’écrire à l’encre invisible
le
poème incolore de ma vie
mon âme
avez-vous
déjà eu
ce que l'on appelle
du vague à l'âme
ou encore l'âme à la vague
mon âme à moi
divague au fil du temps
flotte entre les rimes
de mes poèmes
parfois j'en attrape
l'accent circonflexe
avant d'éprouver ce que d'aucuns
nomment la mort dans l'âme
mon âme est invisible
mais se reflète parfois
dans mon regard
quand je le noie dans un miroir
jardin d'écriture
je
vous écris depuis ce non-lieu
qui a pour nom déraison
il est situé en terre de poésie
où j'ai planté ma rime
ce non-lieu est un jardin
celui de mes écrits
où chaque fleur est un cri
tourné vers la lumière
j'y jardine à toute heure
pour fleurir les allées
où des ombres familières
me font signe entre mes vers
danser la capucine
dans
le jardin plein d'ombres
on perçoit la respiration
des fleurs qui soupirent
nous partageons avec elles
nos racines végétales
et nos souvenirs terrestres
l'âme des plantes
à la nôtre se noue
tel le lierre au chêne
car nous savons bien qu'un jour
nous retournerons avec elles danser
la capucine dans le jardin des cimes
les petits
cailloux
dans
mes poches les petits cailloux
empruntés à Virginia Woolf
j'ai sauté par-dessus les ruisseaux
pour lui offrir quelques mots
ce sont des germes de silence
à planter au bord du monde
puis à cueillir du bout de l'âme
le dernier soir de notre vie
© Françoise Urban-Menninger
(les
4 derniers sont reproduits de son blog poétique
L'heure du poème (mespoemes.net))
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