« … des Commencements et des Passages
... »
(à paraître aux Éditions du Chien qui
passe, janvier 2024)
Présentation
Sa conséquence ultime nous
terrifie, pourtant comment ne pas se réjouir de l'impermanence qui
émaille notre parcours perpétuellement ...de commencements et de
passages... !
La louer de nous extraire du chaos
et des ténèbres.
Quand il nous arrive d'avoir
tellement froid et tant de larmes, c'est elle qui nous remet à
l'abri du vivant où malgré l'écho de féroces souvenirs on se renoue
à notre trame de rêves de jardins enclos, de parfums et de poèmes, de
lumière et de paix, vraies sentes de l'amour.
L'Oscillante,
ondoie d'illusions en chimères, de chrysalides en mues. Perpétuellement
s'élance vers l'inconnu. De la mélancolie à l'espérance...
Afin de nous détourner du désespoir
et de la violence enfouis en nous, de les déposer. De nous permettre
d'emprunter d'autres chemins, à défricher toujours. Ceux qui, en
passant par l'autre, mènent plus heureusement à soi.
Ego-Alter-Ego.
Tel est le credo de Ainsi de
suite, trouver des points d'équilibre dans le souffle et
la présence, prendre appui sur ce qui s'invente, même dans le secret, et
l'énoncer jusqu'aux derniers retranchements. Tout se mettre en bouche ...
Pour la stridence voluptueuse des
martinets, les effluves entêtants des roses écloses, pour ces retours
de printemps dans la vie, n'ayons que gratitude. Grâces leur soient
rendues. Regain d'ivresse et de conscience, de mots pour dire le
fragile, le fugace, l'éphémère. La perte même. Et acquiescer.
Être pleinement dans ce
va-et-vient, y trouver la joie …
Choix de
textes
1
En marche
sur l'évidence du mensonge
murmure
ta chance de plumes et de vertiges
Tes pas muets
empreints de transparences
blessées
auront des éblouissements
d'ange
2
Nuits fertiles
qui couvent nos rêves
empêtrés d'enfance et d'affluents
libres
tant aimés
ne laissez rien mourir
de ces étreintes de temps d'espace
de peaux d'âmes
quand elles s'endorment
dans un ailleurs rond
où l'espoir guette un peu
de cette lumière
qui lutte
avant d'éclore
3
La plénitude ne peut être
que nomade
vides et pleins
s'enlacent
se mêlent aux ombres
désaffectées
Tectonique des racines
Les îles ont des histoires
- mais ne prêchent rien
ici-bas -
indomptées
elles touchent aux profondeurs
aux noces élémentaires
à nos yeux errantes
pourtant
et hors la loi
4
Ce qu'elle peut mordre, la
mélancolie,
tout en prenant des poses
d'eau dormante
qui mange la lumière
comme elle sait
monter des ruines
monter de l'absence
Avis de détresse
qu'entre soupirs et chimères
tremble une trêve
un envol
quelque chose
un frisson
sur une épaule sœur
5
Pas besoin d'encre pour garder
trace de ce qui passe ;
aux frontons aux écorces
sur toutes peaux ex-voto
dépouilles et feuilles mortes
ne cessent d'émettre
leur murmuration d'étoiles
dispersées
accoucheuses de clarté
juste besoin d'un spasme d'amour
pour que naisse la lumière
6
Petits grains d'étoiles échoués
nous embarquons nos ténèbres sur
des vaisseaux fantômes alanguis
d'au-delà
et il arrivera que
demain aura été
simplement parce que c'est
dans l'ordre des choses
7
Un
battement d'innocence
et voilà qu'on se greffe
à un désir de mésanges
de rire d'enfant
ou de cloître plongé dans le
silence
La piste s'entretient
on pourrait trébucher
Des noms nous appellent
en différents points-
accents sans façons
poinçons d'une confiance
où se enter
8
L'effusion est première
lucidité
entre morsure et suture
comme
un chant pour naître
vagabond
vers la clarté
j'y engage mon errance et ses
plaies
sur le fil
et comme un funambule
je glisse,
ou est-ce que je monte,
entre vestiges et horizon
le cœur écarquillé
j'encaisse
cette tectonique
d'audace et de stupeur

Patrice Poidevin, Le
sphinx (2020)
9
De l'encre il restera l'ombre
de la sève qui l'escorte
dans ce qu'elle enchâsse
qui nous pousse
vers demain
y calibrant l'instable
de nos obscures raisons
d'être
- Qui raconte ce qui a eu lieu et le possible,
complices ?
- Le regard reconstruit
l'agonie-l'avenir
ne me regarde plus
qui défait en silence
son périmètre
10
Je suis ce qui traverse,
et le chemin qui dessine sa
plaidoirie
de sensations et de songes
et le pas qui fait passer le
souffle
dans le sang
je suis ce qui se dépouille jusqu'à
la feuille blanche
dans l'agonie des étoiles
ce qui s'émerveille des déchirures
et des désirs
comme d'une plaie dans la chair
jaune et sucrée des pêches
je suis tout ce qui retombe en
poussières
Où se trouve le fond de la
vérité ?
11
La parole a tendance à tout ramener
à elle !
elle m'empêche parfois d'être
simplement là où ma main
se pose ne malmène plus rien
de ce qui a eu lieu
ou qui n'a pas eu lieu
J'ai heureusement ma petite part de
terre
qui sans en avoir l'air
élève
ce que je suis en mesure de donner
quand je m'accorde
à tout disperser en émerveillement
pulsé à profusion fusion
originelle
et réconciliation
où je reviens à moi
minuscule espérance-
stèle qui se livre
gavée de morts autant
que d’épis
reconnaissants
d'essaims d'amour au bord
des sources des racines et du vent
que j'emporterai
là où s'exhale tout un présent
en crue
avec une parole
à donner
j'aime…
Où je pose mes lèvres
ce j'aime
règne
et me déborde
12
Stabat Mater
mères, Ô
vous portez
l'or de l'aurore
et ses rêves bleus
qui passent outre
-
jusqu'à ce que votre maison
et ses coutures
plus rien ne tienne ;
dans chacun de vos silences
dans chacune de vos veines
chaque jour
un peu plus bleues
sans autres attaches
que l'espérance
-
vous allez peu à peu
prendre autre alliance ;
entre le sang et l'âme
des jours versés– la foi en vous
a tant coulé – mères
un jour heureuses
d'avoir veillé sur l'enfance
-
stabat mater,
écho des mères Ô
de hautes mémoires
qui bercez au sein des jours
l'élan des cœurs et des mondes
plus doucement qu'une caresse

Patrice
Poidevin, Danse cosmique.
***
Poèmes inédits
Je te salue ma Loire
Aux grâces si délicates
Écoute ma prière
Chaque fois que j'arpente
Tes rives hasardeuses
Me hante
L'obsédant désir que
Tes longues sentes
Où serpentent
Tes herbeuses crinières
M'ensemencent
De rêves
Je salue
Ton onde blonde
Qui s'étire
Et bruisse souple et
Nonchalante
Ou bien se cabre
Courbe
Et sauvage
Le long de tes
Berges mouvantes
Bercées par l'indolente
Murmuration
De tes eaux
Séductrices
Et si je te salue
Femme avant que fleuve
Aux effluves langoureux
Aux fugues fougueuses
Aux hanches larges
Où se cogne l'amour
C'est que je m'accorde à ton
Destin femelle
Aux haleines de vertiges
Et à la coquetterie de ton
Courant
Où je noie mes larmes
Quand je me glisse dans
L'ombre glauque
De tes flux
Qui passent
Quand tu m'étreins que je m'efface
Dans les charmes
De tes replis
D'où mes fantômes
M'attirent
Un naufrage
De fin de partie
Dans le cœur
Je me retire et laisse
Un peu de ta grâce
Sur le vélin
De mes rêves
***
L'Ultrasonique
C'est du mystère du désir
Et de ses fêlures
Que jaillit l'urgence
De jeter dans l'été rouge
Mes axones exaspérés
Jusqu'aux très hautes sphères
Des passions
Où se confondent les histoires
***
Je suis allée vers la force de
l'arbre
Où le ciel s'enracine à la terre
Où présence et mystère
Embrassent le destin
Où devenue axe et centre
De l'incessant présent
Vivante et vécue
Terre et cosmos
Yin et yang
Mère-cep et arbre-ancêtre
Dans le dépassement
Des dualités
J'honore l'UN
On m'a rapporté que les astrologues
Du grand Khan proclamaient que
Qui plantait un arbre
Aurait longue vie
***
Je découvris Kupka
Sa lumière me vint à l’œil avant de
toucher mon esprit
Puis je pensai aux cantates de Bach
en sentant mon espace intérieur
s'élargir peu à peu et se porter à
l'amour
Peut-être est-ce cette alternance
de silences
et de temps forts
qui nous fait sortir de nous qui
sommes à l'étroit,
qui nous invite à la liberté,
peut-être même
à la paix
Je choisis le rayonnement de ce
silence sidéral
pour garder pied dans ce qui
s'effondre
©Geneviève
Deplatière

Patrice Poidevin, Passage
(2019)
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