1.
Sans retour
Au
soleil de mon enfance,
des
mains mystérieuses
caressaient
l'innocence.
Je
me souviens du temps
à
dormir sans rêver
à
être sans savoir
au
rayon de l'enfance.
Le
monde n'était pas encore
ce
long manteau du néant
où
la vie m'entraîne
dans
un chemin sans retour.
|
2.
La naissance d'un poème
Les
mots de ce poème
se
cachent derrière
les
lignes des nuages.
Le
sens de ce poème
s'observe
sous un horizon
de
lumière.
La
naissance d'un poème
est
comme un paysage
dans
le mouvement du temps
comme
un arbre perdu
dans
une forêt
que
l'on se doit
de
découvrir.

|
3.
Une fenêtre
Il
suffit d'ouvrir une fenêtre
et
de voir le monde s'animer.
Le
monde est ce que nous voyons
et
ce que nous en faisons.
Il
suffit d'ouvrir une fenêtre,
de
respirer les arbres, les fleurs,
pour
savoir que le monde existe
au-delà
des rêves et de l'inconscient.
Le
réel est notre bonheur
et
notre malheur tout à la fois.

|
4.
Figures énigmatiques
Il
y a l'amour propre du pauvre
que
l'on ramasse sur le sol.
Il
y a dans l'antre du malheur
des
figures énigmatiques.
Il
y a les illuminations sur les arbres des morts
que
les silences des vivants éteignent.
Il
y a notre visage triste et vain
que
les passants des rues ignorent.
Il
y a ces bras tendus vers le ciel
où
toute fuite est interdite.
La
lueur derrière la mer est un exil.

|
5.
Merveilles
Chez
moi, il y a des merveilles.
Des
visages familiers vagabondent
dans
les étages de la maison,
jouent
avec la nuit
et
transforment les éclats de voix
en
souvenir.
Chez
moi, les portes s'ouvrent
sur
des torrents de lune
où
les paupières du cœur
battent
si fort
que
les traces de nos pas
veillent
jusqu'au matin.
Chez
moi, il y a des merveilles
qui
passent tout près,
dans
le lointain.
|
6.
Je me souviens de vos nuits
Je
me souviens de vos nuits.
Je
me souviens de vos cris
qui
n'effrayaient personne.
On
dressait des tables dans le jardin
et
entre les arbres, des enfants
couraient
à se faire peur.
Des
passants caressaient le ciel.
Des
étoiles se décrochaient
et
frôlaient tes paupières.
La
nuit nous engloutissait.
On
regardait le monde avec curiosité.
Je
me souviens de nos secrets
qu'on
oubliait en emportant
leurs
mystères.
Dans
le creux de ta main,
je
racontais une histoire
que
tu ne croyais pas.
Je
me souviens de vos nuits
et
de nos balades
au
bord du monde
où
plus rien ne comptait.

|
7.
Un bruit familier
J'avais
le sommeil qui m'emportait
et
je n'osais plus marcher seul.
J'étais
assis devant la porte de ma maison
et
j'attendais que tu apparaisses.
Je
sentais que tu étais toute proche
et
que tes pas sourds résonnaient
jusqu'à
moi.
Un
monde étrange s'échappait tout autour.
Je
tentais de m'éloigner par la pensée
de
cette impression lugubre.
Un
bruit familier réveilla mes oreilles.
J'étais
seul devant la vie
et
j'attendais que la nuit
m'aide
à te retrouver.
Ton
ombre dormait près de moi.
|
8.
La tendresse de la nuit
Le
drap qui se découvre.
Ton
sein qui bat
dans
la tendresse de la nuit.
Le
mystère de l'instant
dévoile
une émotion
trop
forte.
Le
drap que l'on remonte.
Ton
sein qui respire
et
la nuit qui descend.
Les
yeux se ferment.
Au-dessus
du toit,
des
nuages passent
et
emportent les étoiles.

|
9.
Les plus beaux jours de
notre vie
Je
te parle dans la nuit
et
tu écoutes mes paroles.
Tu
te caches derrière les nuages
et
pourtant tu es si proche
que
tu apparais derrière une fenêtre ouverte de la maison.
Je
te parle dans la nuit
et
mes paupières se font jour.
Le
vent éloigne les fantômes
et
tu restes seule
au
sommeil sourd de l'ennui.
Je
te parle dans la nuit
et
ton visage flou disparaît
à
mon passage.
Derrière
la fenêtre refermée,
s'enfuient
les plus beaux jours
de
notre vie.

|
10.
Murmure
Ça
murmure encore derrière les murs.
Ça
chuchote, ça crie puis murmure encore.
Les
murs s'en souviennent.
Les
planchers aussi.
Les
rideaux ne sont plus les mêmes.
Les
ombres non plus.
Une
voix chante dans le jardin.
L'oiseau
s'envole
et
prend un autre chemin.
Des
personnes courent avec la pluie.
Des
voix se cachent dans le lointain
et
cherchent les ombres disparues.
Ça
murmure encore derrière les murs.
|
11.
La mémoire des hommes
Là-bas,
quelqu'un chante
et
respire au bord du ciel.
Sur
le toit de la maison,
des
oiseaux entendent pleurer les nuages.
Tu
restes là à écouter le monde
et
attendre ce que tu ne comprends pas.
La
mémoire des hommes est une maison
d'où
l'on ne sort pas.

|
12.
Mes yeux ne s'ouvrent plus
Parfois
dans la nuit, je crie.
Mes
yeux ne s'ouvrent plus.
Les
pièces restent noires.
La
lampe ne s'allume plus.
Dans
la maison ancienne,
les
yeux restent éteints.
Les
fenêtres sont fermées.
Les
personnes ne bougent plus.
Les
voix se sont tues
et
les ombres se sont perdues.
Personne
ne répond.
Les
visages se sont endormis
et
les rires se sont brisés.
Mes
yeux ne s'ouvrent plus.

|
Lionel Mar
est l’auteur de plusieurs recueils de poésie :
–
Troubles. Éditions Bénévent, 2006
–
Concordance
des corps et des lettres,
L'Harmattan, 2010
–
L'archipel
du vivant, L'Harmattan,
2021
L’ensemble Je
me souviens de vos nuits, dont sont extraits les poèmes
reproduits ci-dessus, a eu le premier prix Jean Rivet accordé par La Baie
en Poésie, en mai 2022 (à Saint-Jean-Le-Thomas).
Publication
dans les revues de poésie :
–
Comme en poésie, depuis 2006
–
Florilège, depuis 2007
–
Francopolis, depuis 2017
–
Le Parc, depuis 2022
|