Dans
le recueil Les formes libres de la vie de Léda Mansour nous
assistons à une montée au poème sous forme d’un début d’abécédaire de
poésie concrète et de grande volée anthropologique : un rappel plus
que nécessaire dans notre époque troublée.
Est-il
possible que depuis des millénaires, on n’ait rien vu, reconnu et dit de
vivant et que l’on soit resté à la surface de la vie ?
Cette
parole originaire est une adresse et une question intime mais réponse
universelle à la question centrale de chaque être. Cette réponse
immédiate du poème use et contourne les concepts pour aller directement
vers l’écoute de la vie.
Le
recueil de Léda crée une situation poétique légère à propos de thèmes
très sérieux : le temps, l’amour, l’héritage, les peurs antiques
etc. Léda écrit : « la poésie des songes vous enchante, une
magie clandestine pénètre vos nuits ».
Cette
magie s’accroche au concret de la vie, à la maladie et au désir et à la
volonté de vivre. Le désir, Éros présent et central dans le recueil comme
hymne « goulu de pain » jusqu’à l’anthropophagie… où il
est question de mouvement, de course, de galop :
« mon cheval est fatigué
Et quelque peu impatient de reprendre la route
Ainsi va la bataille de ma vie »
Platon
dit que la poésie est un état de présence complètement incandescent… Comme
une partie de poker… des « dérobeuses subtiles… en robe bleue.
Bleue comme une terre beaucoup travaillée ».
Or,
du travail il y en a dans ce recueil où le poète tel Sisyphe œuvre à la
condition terrestre et à la forme de la vie… au cœur « cocon du
serpent » et à ce lot commun de la condition humaine qu’est
l’exil « tu goûteras jusqu’à ce que tu mourras ».
La
mort… Léda la toise bravement dans le poème Lost
land, elle exhorte chacune, chacun à l’affronter et à jouer avec
elle… peut-être y trouver refuge pour encore plus de libertés dans « cet
audacieux infini » où « nous sortons définitivement du texte
pour improviser ».
La
montée au poème de Léda Mansour part de la dévastation pour s’élever vers
le vivant, sa poésie de concrète espérance permet de discerner la vérité
de notre temps, fortement, généreusement, librement. Elle dit le vrai de
la vie, plus encore elle nous dit d’inventer sa propre vie, de dire oui à
l’entièreté de la vie, à ses ombres et à ses lumières, dans un moment de
grand réveil, à la manière de Rilke, être prêt à la métamorphose.
© Nicole Barrière
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