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ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Hiver 2024

 

NOUS : Les auteurs du Lieu improbable et de la maison d'édition Le Feu humain :

Anne-Emmanuelle Fournier ; Benoît Sudreau ; Alena Meas ; Miguel Coelho ; Silvia Majerska ; Anne-Cécile Causse ; Clémentine Balair ; Regis Rizzo.

 

Présentation et choix de textes par Alena Meas

 

(*)

 

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© Alena Meas, peinture (2024)

 

 

Anne-Emmanuelle Fournier

Traductrice et interprète dans le domaine des humanités, Anne-Emmanuelle Fournier cherche une écriture du surgissement, dans laquelle l’étrangeté du conte et du rêve se marient à une contemplation dépouillée qui caractérise différentes formes de poésie asiatique. Elle a publié quatre recueils de poésie dont L’Offrande aux fantômes (2022) et La Part d’errance (2021) aux éditions Unicité.

 

 

Νέκυια (extraits)

 

sommeil de fin d’après-midi

 

un oiseau grince

à la lisière du ciel

creusant

dans ta poitrine le trou noir

 

primordial        si

tu ne cilles pas peut-être

pourrait-il cette fois

s’évaporer

 

***

 

la main faiseuse d’ombre

s’évanouissait

dans un pays où tu connus

la couleur de la mer

 

septentrion

deux femmes te désignent

le soir d’hiver

or la nuit

ne ressemble pas à la nuit

 

une seule main portait l’ombre

 

 

Benoît Sudreau

Le motif d'écriture de Benoit Sudreau tient à la réévaluation des puissances réelles, à travers des recueils de poésie (Charges, Tituli, 2020; L'approche, Bruno Guattari Editeur, 2024), mais aussi notes, articles et entretiens (TriagesLe Lieu ImprobableMargelleslundi matin). Il a adapté Yin Ling en français (Le temps de guerre, Circé, 2022) et traduit La Dame des Vignes de Yannis Rítsos (Bruno Guattari Editeur, 2025). 

 

La lumière vers l’été

 

1

 

on la casse sans drame à cette lumière

la tige d’herbe sèche mais le muscle

mais l’os à la lumière d’ici

notre mort déchirante

 

2

 

l’hibiscus à profusion

donne et bourdonne

la nappe de fleurs délavées rétractées

à côté la mère désenfantée

 

3

 

Lumière vers l’été ton aubépine pousse sur les enfants qui ne naîtront pas, ses petits pétales tissés dans leurs limbes, et une odeur de chair, d’intérieur de chair — la note qui ne mourra pas —

 

4

 

de l’autre côté mon amour chante,

c’était la lumière d’avril,

oscillait avec son ombre, sur ma tête, sur la table

un grand rosier et c’était tout

 

(Poème extrait de Puys bleus, recueil inédit).

 

 

Alena Meas

Née en 1976 à Prague. Depuis 2000, elle vit et travaille à Paris. Elle se consacre à l’écriture et à la peinture et gravure. L’écoute des harmonies fragiles et l’esthétique du fragment, ainsi que l’intuition de l’unité, sont essentielles pour entrer dans son univers poétique et pictural. Elle a publié trois recueils de poésie : Piliers (Averse/Literarni salon, 2012), Protège tes sens (Unicité, 2019), Pour toi (Unicité, 2024), et un récit poétique Les arbres lui semblaient pivoter (Unicité, 2021).

 

*

 

Pacifie la pluie ; dans le lit

La pluie se plie au désir

Ruissellent les caresses

Il pleut fort, la paresse

Nous immobilise, le temps presse

Le ciel change, le soleil

Pacifie la pluie, dans le lit

On a froissé le linge

Par mégarde

Le soleil tarde au bord et rit

Que nous sommes maladroits !

Ô, que nous sommes maladroits

Faire l’amour quand sur le toit

L’averse perce les tuiles.

 

*

 

Une araignée minuscule parcourt la table

Ses pattes – respiration de l’automne –

Bougent si vite

Et puis s’arrêtent – Pourquoi ?

Pourquoi cette visite ?

Près d’une pomme rouge

Ses pattes bougent

Si vite

Elle me quitte

Elle s’en va

Sans dire aurevoir

Impolie et pressée

Elle s’arrête et repart

Son train siffle

Ils annoncent son départ.

 

 

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© Alena Meas, peinture (2024)

 

Miguel Coelho

Enseigne la philosophie en région parisienne. Son écriture emprunte les chemins du lyrisme sans renoncer aux recherches formelles. Il est l'auteur de deux recueils de poésie, Quasi-haïkus (Unicité, 2018) et 2020 (Le capital des mots, 2022).

 

*

 

Ton amour me bâillonne comme un ulcère.

 

Dans les gares et les calendriers, les corridors et les cours, dans les artères des rues, sur la roue des sarcasmes, parmi les arcanes qui te nomment, les caravanes qui m'annihilent et m'humilient, hier en pensée, on ne m'entendra jamais crier le mien.

 

Aussi, ne puis-je nier.

 

*

 

J'apprends les mots « urètre », « imbécile », « carnage », dans les souvenirs et les conventions qui m'abolissent, dans le décalage cognitif qui scella notre alliance, dans l'usage délirant qu'il renouvelle et soude au mouvement précautionneux rythmant la mécanique de nos décompositions.

 

Et c'est toujours un motif de me battre, de t'offrir mon visage pour mourir.

 

*

 

Je mens dans ta lumière.

 

Il y a des impressions de rêve, de sel cristallisé dans les miroirs, où les os font tumulte.

 

Je forme avec le doute un tapage d'ondes qui tournoient et des aspects de l'être sur tes lèvres.

 

Tes mains envieuses sculptent peu à peu mon délire et ma peur, mon dos hésitant de sueur et ses torsions, se retirent dans la fiction, le serment pressé de sa rose, me retiennent, bête, à merci de ta lecture patiente.

 

Ce qui repose dans l'examen, dans l'excentration absolue, est voué aux bruits qui nous cernent. Ils sont la prudence et l'oubli.

 

 

Silvia Majerska

est née en Slovaquie en 1984. Elle est poète et traductrice. Dans sa poésie, elle s’attache à explorer les pouvoirs de l’image et la capacité qu’a celle-ci de nous étonner. Son premier livre Matin sur le soleil paraît en 2020 aux éditions Le Cadran ligné et elle publie un deuxième livre de poésie Blancs-seings à l’automne 2024 chez Gallimard.

 

 

On s’exprime avec la clarté de l’eau de roche, claire d’un éclat perpétué, vieille de l’être, vieille de ne pouvoir cesser de le redevenir.

 

Le temps en est le prix. Il se contracte, formant de petits disques dorés qu’on jette à la fontaine forts d’un vœu rassurant. Parler, la plus petite monnaie de l’âme, porte chance et promet le retour. Tout le reste, ce qui n’a ni âge ni éclat ni prix, est ce qui n’a ni voulu être ni n’a été : un refus d’être, mais un refus si obstiné qu’il ferait blêmir la matière noire, qu’il la réduirait en cendres, qu’il la réduirait presque à la matière grise.

 

*

 

Aux feuilles mortes agrippées sur les branches à la fin de l’automne répondent les restes de neige parsemés sur le sol à la fin de l’hiver. C’est dans le mouvement vers le bas qu’est la rime où la Terre peut se réfléchir.

 

Les saisons, c’est comme faire tourner la roue de la fortune qui retombe toujours sur la chance. Mais combien sommes-nous à voir la chance dans une rime ? Aussi nombreux que ceux qui voient dans le mille-feuille de feuilles mortes couvrant le sol des zestes de neige.

 

 

Anne-Cécile Causse

est poète et photographe. Elle a publié trois recueils, "L’Aube, après toi", aux éditions L’Échappée Belle, "Autrement que la rive", aux Editions Unicité et "Paysages et intérieur" aux éditions Henry / la Rumeur libre (Prix des Trouvères 2022). Pour elle, l'appel d'une tentation colore les mots d'une lumière particulière, celle de l'effacement : se dessaisir, comme le sculpteur retire, pour espérer voir surgir, une langue. 

 

« Perdre

Mais perdre vraiment

Pour laisser place à la trouvaille »  (Toujours, de G. Apollinaire) 

 


*** 

 

À ton silence,

j'opposerai le mien.

 

Là où Sorrente

se faisait l'écho

de larmes tempo primo. 

 

*** 

 

Net, augmenté d'un corps,

et de son expression, 

un cri,

qui n'était pas celui de naître. 

 

*** 

 

La chevelure navigue,

une ondulation pour une autre.

Le silence est silence épris 

de la langue à venir

 

nulle chevelure. 

 

*** 

 

La caresse d'un soleil écoute,

avant la peau.

 

Une voix peut-être,

l'appui de vivre,

l'effort de l'eau contre le corps.

 

***

 

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« Le silence des Sirènes », 2024, avec la danseuse Clémentine Balair (photo par ©Anne-Cécile Causse)

 

« Or, les Sirènes possèdent une arme plus terrible encore que leur chant, et c’est leur silence. » (extrait de Le silence des sirènes de Kafka).

 

 

Clémentine Balair

Danseuse, plasticienne et poète, sa démarche artistique en peinture consiste à fusionner l’abstrait en expression et le figuratif de l 'anatomie. L'écriture et la danse sont des tremplins à la spontanéité. Par ailleurs, elle donne des ateliers d'art plastiques aux enfants.

 

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Peinture performance de Clémentine Balair (photo par ©)

 

*

Parcours en duo poétique 2007

Sensibilité de cœur naît.

Les mots sont soudains élus. 

L'éternité se soumet.

La poésie sacrale le geste.

 

*

 

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Performance butô, le 16 novembre 2024 à l’atelier d’Alena Meas (photo par ©)

 

 

Regis Rizzo

Né en 1967 aux Lilas (93), peintre, il travaille à La Ruche à Paris et expose en France et à l’étranger. Depuis quelques années il collabore avec des poètes contemporains.

 

La série "Brisages", dont le titre est formé par la contraction des termes bris et visage, prend l’allure d’un miroir brisé dans les éclats duquel se reflètent une multitude d’individus. Fragments épars d’une totalité disloquée, ils semblent appartenir à une fresque humaniste disparue. Mais s’ils évoquent les ruptures contemporaines ils sont aussi le signe d’une volonté persistante de faire surgir le visage sur un support inattendu. Forme fragmentaire et singulière, le verre épais donne au visage une luminosité et une profondeur particulière.

 

 

 

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©Regis Rizzo : Brisage #17, 2021. Huile et vernis sur verre brisé

 

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©Regis Rizzo : Brisage #63,  2024. Huile et vernis sur verre brisé

 

 

 

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https://lefeuhumain.wixsite.com/lefeuhumain

 

est une maison d'édition associative qui cherche à promouvoir la poésie contemporaine. Tous nos ouvrages sont manufacturés, composés et distribués à la demande.

 

Les éditions du Feu humain privilégient les écritures de l'intensité et du conflit, avec la réalité comme avec l'écriture elle-même.

Écritures qui n'excluent pas le lyrisme, puisqu'aussi bien la perception d'un monde blessé y trouvera toujours une résonance. Et nous n'avons pas renoncé à transformer ce monde, nous voulons aussi en célébrer l'éclat de finitude, du fond des luttes élémentaires, intempestives, sociales ou écologiques, qui le traversent. Nous voulons donner voix à ces conflits dont nous sommes traversés.

Qu'ils mûrissent en nous et nous aident à mûrir, à trouver notre chant : « feu toujours vivant, s'allumant en mesure, s'éteignant en mesure » (Héraclite)

 

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Nous avons le plaisir de vous présenter notre premier opus : Nous, une anthologie des auteurs du Lieu improbable, également fondateurs de la maison d'édition du Feu humain. Les exemplaires, entièrement manufacturés par nos soins, seront tirés et distribués sur commande. Tarif : 10 euros. Pour passer la commande, contactez-nous.

 

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Alena Meas – Le Feu humain

Francosemailles, Hiver 2024

Recherche Dana Shishmanian

 

 

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