Selon ses propres termes, Dana
Shishmanian a écrit ce livre en tant que chaos en légèreté :
seuls présents sont
les souvenirs imaginaires
d'un réel second,
plus vrai que vrai
poignant fort puissant
indélébile-
non identifiable
dans la vraie ville,
reconnaissable uniquement dans la ville rêvée
J'ai soupesé la couverture
(belle photo de l'autrice), lu la quatrième, admiré un mini-autoportrait.
J'ai exploré ce livre, l'ai fermé,
rouvert, magnétisé par son côté aurifère, sa sonorité, ses collisions,
ses connotations sémantiques, sa redondance, ses couches de mots tels des
sédiments précieux.
J'ai demandé à un musicien de
m'expliquer Bruckner, Chopin, Lalo, Clara Haskil dont l'auteure s'est
abreuvée.
J'ai consulté mon psychanalyste
préféré tout au fond de ses abymes : il m'a répondu qu'une cinquantaine
d'années n'y suffirait pas :
Oui, je me rappelle... par bribes
les sensations se
recollent
se heurtent
s'enchevêtrent se disloquent et se ressoudent
des racines poussent
à l'envers telles des branches
J'ai hélé, en désespoir de
cause, Dracula en son château de Roumanie, lui demandant si cette langue
avait été empalée. Aucune réponse ne m'est parvenue des Carpates.
Tragédie triomphante - triomphe tragique
extase déchaînée
débordement d'humeurs
relâchement de tous les sens de tous les esprits
J'ai requis, à gauche et à
droite, des clés, un trousseau de clés, à propos de ce magnétisme ascensionnel.
J'ai prié, j'ai fait jeûne...
Je n'ai entendu que :
des lamentations
angéliques qu'un violoncelle
sorti d'abîmes sans
fond
distille subrepticement
...
J'ai interrogé un infectiologue
: ayant été commis en 2019-2021, ce recueil serait-il le fruit d'un covid
long ? Le savant a simplement remis son masque d'un air digne (ou indigné
? Pour ma part, je n'ai hélas posé aucun diagnostic.)
Alors, je suis allé voir le
poète : il avait tout compris.
©Claude
Luezior

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