Tel une
fleur qui se referme à la nuit tombée, le roman Fragments d’errances
se clôt sur lui-même, sur un billet de papier froissé, perdu et retrouvé
des années plus tard ; un message qui résume le roman : deux
prénoms : Pierre et Marianne et la mention des
« abeilles ». Pierre appartient au passé. Ce passé que Marianne
voit resurgir, un jour de sa vie d’adulte, sous la forme d’une carte
postale postée de Montpellier par Léa, la sœur de Pierre.
Ainsi
commence la quête de Marianne, quête de Léa, qui devient celle du passé.
Plus rien n’a d’importance pour Marianne que de retrouver Léa et son
passé… Son présent : travail, vie sociale, est balayé. Elle part
pour Montpellier, accompagné par Thomas, un ami et complice un peu
déjanté : Thomas est un artiste peintre aussitôt séduit par l’image
fantasmée de Léa et par sa recherche.
De ce
passé surgit de temps à autres quelques bribes avec comme toile de fond,
une ville Montpellier ; Marianne y déambule le jour, Thomas la hante
la nuit.
Quelques
personnages s’agrègent à cette quête : silhouettes à peine
esquissées par des prénoms et /ou quelques caractéristiques
physiques ou sociales. Une quête désespérée qui entraîne le lecteur
haletant au gré des rues et des places, errances citadines qui parfois
prennent des allures d’enquêtes policières. Lorsque, un peu perdu, le
lecteur – comme Marianne – pense être le jouet d’un rêve : des
éléments anodins mais précis font rebondir l’intrigue. Des personnages
apparaissent et disparaissent comme absorbés par la ville, dissouts par
le temps qui passe… Marianne appartient à ce passé qu’elle veut retrouver
et finit par y être engloutie, Thomas, lui, fait du passé son présent et
son futur, et lui seul demeurera…
Et
toujours, en contrepoints de l’histoire, les abeilles ponctuent ce texte
évanescent comme le souvenir…
Une
langue impeccablement travaillée rend cette impression indéfinissable
qu’ont les souvenirs. Des images fragmentées finissent par composer un
décor incertain comme ces photos palies par le temps que l’on retrouve en
feuilletant un vieil album.
Roman de
la quête désespérée du passé, du besoin de le faire resurgir à travers
quelques éléments qui en surgissent mais qui s’évanouissent tout aussi
vite. Roman de l’intangible, ce roman nous dit que le passé est révolu
que l’on risque comme Marianne de s’y perdre, s’il est le seul but, mais
qu’il peut être la base d’un présent et d’un futur si on sait
l’exploiter, comme Thomas dans son œuvre picturale, et créer un à-venir…
On sort
de ce roman ensorcelé et ravi, touché par un sentiment doux amer de
nostalgie.
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