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Septembre-Octobre 2021

 

 

 

 

Yves Berthier ou le retour à l’histoire :

François Ier, Roi de France, et le Connétable de Bourbon. La tragique mésentente

(Éditions Vérone, Paris, 4e trimestre 2019,154 pages)

 

Note de lecture de Nicole Hardouin

 

 

Avec pertinence et modération l’auteur, dans son liminaire, souligne combien l’enseignement de l’histoire de France est réduite à une portion de plus en plus congrue : « l’histoire de France est peu enseignée, peu apprise, peu aimée ».

Pour quelles raisons les J. Michelet, E Lavisse, H Martin et autres, dont François Ier et son connétable de Bourbon, ont-ils disparu des programmes, pourquoi les cours d’histoire d’autrefois qui intéressaient les élèves sont-ils réduits à une portion minime ?

Personne ne le sait.

Cela s’est fait silencieusement, sournoisement, tout un passé toutes les racines sont ainsi passées à la trappe : « table rase de la France de la royauté et progressivement l’histoire de notre pays a commencé avec la révolution, puis avec la guerre de 1914-18, puis avec celle de 1939-1945 » et ce pour aboutir à un mélange anarchique.

De grands personnages ont été balayés, tant on désire actualiser l'Histoire à l'aune des programmes contemporains ?

Mais, peut-être, s’il y a une date historique que les collégiens connaissent c’est : 1515 : Marignan, enfin nous l’espérons… Ils retiennent cette date comme on s’agrippe à une branche dans un tsunami.

En d'autres termes, Berthier pose ces questions avec acuité, mesure, sans agressivité, avant de nous inviter au travers de ses recherches à mieux pénétrer, comprendre, cette période brillante et troublée de la Renaissance, années qui ont si durablement façonné notre pays.

C’est pourquoi nous ne pouvons que remercier, admirer les écrivains qui, en véritable chartriers, avec rigueur et passion, creusent, cherchent, fouillent les archives nationales, départementales, les correspondances.

C’est ce qu’a fait l’auteur dans ce recueil qui pose une énigme : pourquoi le roi François Ier et le Connétable de Bourbon, de grands et véritables amis, qui, « ensemble ont remporté la bataille de Marignan, pourquoi dix années plus tard s’affrontent-ils à Pavie » ?

Pour mesurer à quel point la haine était grande entre ces deux personnages, on apprend par exemple, que « la tête du connétable est mise à prix pour dix milles écus d’or » !

Pourquoi Charles III, duc de Bourbon, connétable de France issu d’une grande et noble lignée, il descend de Saint Louis, pourquoi ira-t-il jusqu’à dire du roi : c’est « un voleur sans pudeur ».

Pourquoi, au travers des siècles, lorsque le connétable sera évoqué on gardera « l’image d’un félon, du traître que l’histoire reprendra sans nuance » ? Y. Berthier se garde bien de prendre position, mais ne manque pas à ce propos de rappeler « l’absence de nuances des récits historiques qui qualifient de traître le Grand Condé et le maréchal Bernadotte… »

Cette « tragique mésentente » entre deux personnages si puissants qui sèmera tant de haine, d’affrontement, de morts, de traîtrise est le noyau du livre et nous ne dévoilerons pas le pourquoi de cette énigme, laissant au lecteur le plaisir de la découvrir.

L’auteur, pour permettre une meilleure compréhension du récit historique, a émaillé sa narration de nombreuses généalogies claires, simplifiées : celle des ducs de Bourgogne, des Stewart d’Aubigny, des ducs de Bourbon, celle de Saint Louis à François I er et Charles III de Bourbon, des premiers rois d’Angleterre, de Guillaume le Conquérant à Elisabeth I, celle de Charles Quint.

L’histoire ayant parfois des retours étonnants, bien après la mort du roi François Ier (ses successeurs étant François II, Charles IX, Henri III qui marque la fin des Valois), on retrouvera un Bourbon à savoir Henri IV dont la descendance dirigera la France pendant deux siècles, jusqu’à la révolution. 

Et l’auteur de poser cette intéressante question : « Après l’affrontement qui a culminé à Pavie du roi Valois François Ier et du duc de Bourbon, est ce que l’on peut voir : la réhabilitation de la Maison de Bourbon, la revanche sur la confiscation du duché de Charles III ? La restauration de l’honneur du connétable ? » Le lecteur reste juge de sa réflexion et éventuellement d’une réponse.

Ce recueil est ponctué d’une foule de petits points oubliés par exemple : l’origine de la fête des morts fixée au 2 novembre de chaque année, tradition perpétuée jusqu’à nos jours qui est due à un moine de Cluny : Odilon, inhumé à Souvigny.

Il est une autre énigme évoquée par l’auteur: qu’est devenu le corps du connétable qui avait été transporté par deux de ses amis de Rome, lieu de son  décès, jusqu’à Souvigny? « Aujourd’hui on cherche en vain la tombe du troisième duc de Bourbon, son cercueil a-t-il été placé sans inscription, en raison des soldats du roi François qui quadrillaient encore la région de Moulins, image de la vindicte royale toujours vivante ? ou est-ce à la révolution de 1789 que la trace fut perdue, ou est-il inséré dans l’armoire aux reliques de « l’abbaye ? » Personne ne le sait.

Nous retiendrons aussi dans ce recueil le beau poème de Rutebeuf, récité, les larmes aux yeux, par Charles III de Bourbon, lorsqu’il apprit la mort de beaucoup de ses amis tués par ordre du roi : « que sont mes amis devenus / que j’avais de si près tenus/ et tant aimés… »

Ce livre nous donne aussi l’occasion de revoir le déroulement des guerres avec les Anglais, l’emprisonnement du roi François, puis celui de ses enfants, la paix des Dames, la non-reconnaissance de Charles Quint pour le vrai vainqueur de Pavie à qui il n’accordera pas le duché de Milan, pas plus que la plus petite parcelle de terre italienne.

Nous ne saurions oublier de mentionner les superbes photographies, nous pensons ici particulièrement au Parc du monastère Saint Michel de Grandmont dont émane une sérénité transcendante, à l’escalier des moines illuminé d’une lumière comme venue d’ailleurs, au cloître de la collégiale de Souvigny où les prières semblent inscrites dans les reflets de la pierre. Nous n’oublierons pas la délicate aquarelle de l’hôtel Babette réalisée par le peintre Renon et l’excellente retranscription des plans originaux du peintre Beauvais.

Ce précieux recueil d’Y. Berthier, somme de travail, de recherches nous éclaire, nous remet en mémoire des faits oubliés nous permet peut-être de mieux comprendre et comme le disait Spinoza, « comprendre est le commencement d’approuver. »

 

©Nicole Hardouin

 

 

 

 

Nicole Hardouin

Francosemailles, septembre-octobre 2021

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