http://www.francopolis.net/images/fstitle.jpg

Articles sur les poètes francophones contemporains
&
Poètes du monde entier

 

ACCUEIL

ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Janvier-Février 2019

 

Le cauchemar d’une enfance : 

Patrick Devaux, De Porcelaine,

(Éditions Le Coudrier, 2018)

dans la lecture de Sonia Elvireanu

 

 

 

 

Poète et prosateur belge contemporain, d’une rare sensibilité, Patrick Devaux fait de son œuvre une sorte d’éloge à la vie, malgré ses coups violents qui viennent de son passé, mais n’empêchent pas de sentir et de comprendre son côté lumineux. Sa sensibilité frémit au souvenir du mal, mais ne laisse pas le noir creuser son sillon douloureux et obscurcir la lumière de son regard serein d’adulte. Il prend distance de tout ce qui était douloureux dans son destin et tente de se libérer par le récit d’une souffrance longtemps blottie au tréfonds de son âme.

 

De Porcelaine (Éditions Le Coudrier, 2018) est un récit troublant, l’autofiction d’une enfance malheureuse. Mais ce qui touche le lecteur c’est la manière de raconter la douleur d’un enfant innocent qui ne comprenait pas pourquoi il devait subir sans raison la violence de son beau-grand-père alcoolique.

 

Le titre renvoie à la beauté et à la froideur de la porcelaine, mais ne laisse pas deviner ce qui se cache derrière, l’incipit du récit non plus. Le personnage-narrateur est un adulte, mais derrière lui on devine l’auteur qui emprunte son vécu malheureux au personnage, son alter égo.

 

Pendant son vol vers l’inconnu, immobilisé des heures dans la chaise de l’avion, l’esprit de l’homme est envahi de souvenirs. Il ne cesse de penser, s’interroger, revivre des fragments de sa vie. Comme pris de vertige, il voit défiler dans sa pensée un cortège d’images qui lui restituent par bribes le cauchemar de son enfance.

 

Le récit homodiégétique à la première personne s’organise sur deux axes temporels : le présent et le passé.  La réussite de l’auteur se trouve dans la substitution de l’enfant maltraité par une poupée en porcelaine, un jouet reçu qui le terrifiait par son immobilité et froideur.

 

Ce n’est pas sans raison que l’auteur opère le transfert de son corps mortifié et souffrant l’attribuant au jouet. L’enfant supportait en silence la brutalité de son beau-grand-père alcoolique, les coups violents qui faisaient saigner son corps fragile. La candeur de l’enfant est pareille à la finesse et délicatesse de la porcelaine, son mutisme face à la violence, à celui de la poupée. Il endure la terreur des brutalités tel un jouet maltraité par un mauvais esprit. La poupée est le témoin de la brutalité et de la souffrance de l’enfant qui finit par s’identifier à celle-ci. Il devient aussi immobile et muet que le jouet à supporter la terreur de la brute.

 

Son âme trouve le pouvoir de survivre par l’évasion dans le rêve, l’espoir d’une autre vie, entrevue chez les voisins ou découverte dans les livres d’une bibliothèque, son seul refuge contre le quotidien insupportable. 

 

Le récit de l’enfance brutalisée et fracassée est livré discontinuellement, alternant le présent et le passé. Les souvenirs éclatent dans la mémoire de l’adulte et tentent de libérer son cœur d’une souffrance longtemps réprimée. L’écriture acquiert ainsi un rôle thérapeutique, libérateur, de catharsis.

 

© Sonia Elvireanu

 

 

Connue à Francopolis comme poète roumaine et francophone (un groupage bilingue en sa propre traduction figure dans notre rubrique D’une langue à l’autre de février 2017), Sonia Elvireanu est aussi traductrice et critique de poésie. Elle anime, en Roumanie et dans des pays francophones européens, un réseau et des événements dédiés à la poésie en langue française.

Elle a été publiée dans le dernier numéro (72) de la revue Poésie/première. 

 

 

 

 

Francosemailles
Janvier-Février 2019 

 

 

Accueil  ~ Comité Poésie ~ Sites Partenaires  ~  La charte  ~  Contacts

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer