http://www.francopolis.net/images/lwtitle.jpg

D'une langue à l'autre...
et textes
incidemment, sciemment
ou comme prétexte. Traduction.

ACCUEIL

 

Archives : D'une langue à L'autre

 

     Actu : FÉVRIER 2017

Umbrele curcubeului / Les ombres de l’arc-en-ciel

Éditions Ars Longa (Iasi – Roumanie), édition bilingue, traduction par l’auteure,

préface par Isabelle Poncet-Rimaud, postface par Denis Emorine (décembre 2016)

http://www.arslonga.ro/Umbrele%20curcubeului-site.JPG

Dédicace du recueil : « À mon mari, Mirel, le chant de ma maison solitaire »

Extraits

 

 

Fire de nisip mi se răsfiră în păr,

luna le cheamă la ea

să le aştearnă liman marea ei de beţie,

 

marea mea şi-a pierdut vălul purpuriu,

l-au tras în adânc peştii, poate l-au înhăţat

stelele pentru calea lactee,

îl învăluie în albul începutului

ca într-o ceaţă buimacă,

 

vălul de foc se răsfiră în cer,

îl mistuie dorul pământului,

îi adulmecă mireasma în umbra de pe lună

şi se preface în curcubeu.

 

 

Des grains de sable s’éparpillent dans mes cheveux,

la lune les attire  à elle

pour les déposer au bord de sa mer d’ivresse,

 

ma mer a perdu son voile pourpre,

les poissons l’ont saisi et plongé dans l’abîme,

les étoiles, peut-être, pour la voie lactée,

l’enveloppent dans le blanc primordial

comme dans un brouillard étourdi,

 

le voile de feu se déploie dans le ciel,

il a envie de la terre, il flaire son odeur

dans l’ombre de la lune

et devient arc-en-ciel.

 

 

Lumina, vălul ei de mătase se

preface în floare,

risipindu-şi miresmele ca miezul gustos

din fructele verii,

 

nicăieri nu e mai albă, mai albastră, mai lină,

decât în ochii mei întorşi spre Apus,

 

s-a aşezat în adâncuri şi doare

albul, albastrul, strivit de umbrele

palide coborând în artere,

 

senin dimineaţa îmi pătrunde în oase,

absoarbe cenuşa să renască celula

bolnavă de tine, să te prindă pe veci

în mătasea luminii.

 

 

La lumière, son voile en soie

se métamorphose en fleur,

répandant ses parfums telle la pulpe

savoureuse des fruits de l’été,

 

nulle part elle n’est aussi blanche, aussi bleue, aussi tendre

que dans mes yeux tournés vers Le Couchant,

 

elle glisse dans les profondeurs et fait souffrir

le blanc, le bleu, écrasés par les ombres pâles

qui cherchent à se blottir dans les artères,

 

le matin  pénètre doucement dans mes os,

absorbe les cendres pour faire renaître la cellule

malade de toi, pour te saisir à jamais

dans la soie de la lumière.

 

 

Umbrele nu se fac trup,

nu se lasă strânse în braţe,

 

uneori i se arată în vis,

îl mai caută încă,

îi murmură vorbe uitate,

 

surâde, coborând

prin viile verzi,

 

aşteaptă clipa

când pleoapele se ating:

 

lumina cântă,

se frânge în psalm.

 

 

Les ombres ne prennent pas corps,

ne se laissent pas embrasser,

 

parfois il lui apparaît dans le rêve,

elle le recherche encore,

lui murmure des paroles oubliées,

 

il sourit  en descendant

à travers les vignes vertes,

 

il attend l’instant

où leurs paupières se touchent:

 

la lumière chante,

s’anéantit dans le psaume.

 

 

Păsări negre se rotesc haotic

pe deasupra copacilor,

răscolite de un duh nevăzut,

 

zborul lor negru

peste capetele noastre

e chiar duhul ce sfâşie zorii,

 

spintecă limpezimile cu şirurile lor negre

plutind în derivă,

 

turnul bisericii se înalţă în cercul

bătăilor negre de aripi, 

 

negrul exorcizat desenează pe cer

un peisaj suprarealist,

 

se aşază pe vârful copacilor

păsări-frunze întunecate pe ramuri.

 

Des oiseaux noirs tournent agités

au-dessus des arbres,

troublés par un esprit malin,

 

leur vol noir

par-dessus nos têtes

est l’esprit même qui déchire l’aube,

 

il fend la sérénité de leurs files noires

qui flottent en dérive,

 

le clocher de l’église se dresse dans le cercle

de leur battement d’ailes noires,

 

le noir exorcisé dessine dans le ciel

un paysage surréaliste,

 

il se met sur les cimes des arbres:

des oiseaux-feuilles ténébreuses sur les branches.

 

 

Lacrimi picură din izvorul ascuns printre stânci,

singurătatea creşte pirul sub merii înfloriţi,

dimineţile răsfiră surâsul tău în oglinzi.

 

 

***

 

Ziua se-ntinde peste mărăcini,

pe iarba topită nicio umbră,

s-a cuibărit pustiul în buruienile arse,

 

pe deal, silueta tremură pe drumul alb

şi fără sfârşit dintre cruci,

 

în mâini, cununa de albăstrele,

câmpia înmiresmată,

ofranda înfiorată a însingurării.

 

 

Des larmes ruissellent de la source

cachée parmi les rochers,

la solitude mûrit le chiendent

sous les pommiers en fleurs, les matins

éparpillent ton sourire dans les miroirs.

 

***

Le jour s’allonge sur les ronces,

sur l’herbe fondue aucune trace,

la solitude s’est nichée dans les herbes brûlées,

 

sur la colline, la silhouette chancelle

sur le chemin blanc et sans fin parmi les croix,

 

dans les mains, la couronne de bleuets,

la plaine parfumée,

l’offrande frémissante de la solitude.

 

 

Piatra tace, nu geme,

îşi înghite strigătul disperat,

 

piatra pe care calc

şi-a lipit durerea de talpa mea,

 

o iau cu mine oriunde m-aş duce,

se strecoară în inimă

ca o pulbere otrăvită,

încerc să respir, mă sufocă,

 

mă trage înapoi cerul, mă dezmiardă lumina,

îmi cântă frunzele,

îmi ţes haină să nu mă pătrundă

răceala din piatră,

 

piatră - rana din inima ta.

 

 

La pierre se tait, ne gémit pas,

avale son cri désespéré,

 

la pierre sur laquelle je marche

colle sa douleur à ma semelle,

 

je l’emporte où que j’aille,

elle glisse dans mon cœur

telle une poussière empoisonnée,

m’empêche de respirer,  m’étouffe,

 

le ciel m’enlève, la lumière me caresse,

les feuilles me bercent,

me tissent un manteau pour que la froideur

de la pierre ne m’envahisse pas,

 

la pierre – la blessure de ton cœur.

 

 

Clipele, vârtej de zăpezi printre

tenebrele dinlăuntru,

spaima rostogolind pietrele

de pe muntele meu,

firul de iarbă de care mă reazăm

pe rădăcina copacului,

punte peste hăul dintre lumile

în care se zbate fiinţa să fie nume şi trup,

 

absenţa, iedera în dimineţile solitare

decorând pustiul în zori.

 

 

Les instants, le tourbillon de neiges parmi

les ténèbres en moi,

l’épouvante faisant s’écrouler

les cailloux sur ma montagne,

le brin d’herbe contre lequel je m’appuie

sur la racine de l’arbre,

le pont au-dessus de l’abîme entre les mondes

où l’être s’ébat pour prendre corps et nom,

 

l’absence, le lierre dans les matins solitaires,

drapant la solitude à l’aube.

 

 

Printre ierburi, albăstrele şi maci,

mângâierile verii pe câmpia încinsă,

tălpile albăstrite în miresme de praf,

mătasea florilor firave de pe câmpie,

 

trupurile răsturnate-n răcoarea

culorilor, ispitele ierburilor

tremurătoare, unduiri sidefii,

 

umbrele noastre pe faţa norilor

se destramă în forme ciudate,

se sting în ploile verii,                           

se reîntorc în apele Mureşului,

tulburi, să-i limpezească adâncul.

 

 

Parmi des herbes, des bleuets et des coquelicots,

les caresses de l’été dans la plaine brûlante,

les pieds nus bleuis dans les odeurs de poussière,

la soie des fleurs fragiles des champs,

 

nos corps renversés dans la fraîcheur

des couleurs, les senteurs des herbes

frémissantes, des ondoiements soyeux,

 

nos ombres sur le visage des nuages

s’évanouissent en formes étranges,

s’éteignent dans les pluies de l’été,

retournent dans les eaux du Moures,

troubles, pour éclaircir ses profondeurs.

 

 

Ieri nu scotoceam

prin asfinţituri

să-ţi aflu urma,

 

pluteam

în culorile serii,

sus, pe colină,

deasupra mormintelor,

 

asfinţeşte soarele peste deal

şi-o rază răzleaţă

stă ţeapănă-n aer

între noi şi Apus,

 

trecem pe lângă morţi

cum trece soarele dealul

să răsară spre ziuă,

 

suntem ziua fără apus

deasupra mormintelor,

 

sus,

pe colină,

fără tine,

 

soarele asfinţeşte,

în raza răzleaţă,

ziua apune

singură pe deal,

 

apusul

se năruie la picioarele tale

dincolo de deal.

 

 

Hier je ne fouillais pas

parmi les couchers de soleil

pour flairer ta trace,

 

je flottais

dans les couleurs du soir,

en haut, sur la colline,

au-dessus des tombeaux,

 

le soleil se couche au-delà des cimes

et un rayon solitaire

se dresse dans l’air immobile

entre nous et le Couchant,

 

nous passons près des morts

comme le soleil décline par dessus la colline

pour se lever à l’aube,

 

nous sommes le jour qui ne meurt pas

au-dessus des tombeaux,

 

en haut,

sur la colline,

sans toi,

 

le soleil en flammes,

dans le rayon solitaire

le jour se meurt

seul sur la colline,

 

le couchant

tombe à tes pieds

au-delà de la colline.

 

 

« Recueil de la solitude habitée, ces chants d'amour et de douleur atteignent le lecteur au plus profond de son être. Par la grâce des mots de la poétesse qui « germent » en lui comme « les cailloux » qu’elle a « replantés dans son jardin », le lecteur s'incline devant la pudeur de cette écriture toute frémissante de passion et que voile la soie d'une lumière intérieure. » (Isabelle Poncet-Rimaud)

« J’ai rarement lu, goûté une poésie aussi belle  - le terme est pauvre -  aussi accomplie dans ma langue maternelle et paternelle. Ce sont les vers de l’adoration vouée à un seul être ainsi sublimée. » (Denis Emorine)

 

Pour rajouter un mot de ma part : ce recueil, témoignage d’amour envers un être cher disparu, est aussi une quête, un appel par delà la mort, à des noces éternelles aux accents de Cantique des cantiques et de Psaumes : la veine est biblique, mais aussi, pour qui connaît la culture roumaine, « mioritique » (l’adjectif vient du titre d’une fameuse ballade populaire, retravaillée par Vasile Alecsandri, poète de la 1ère moitié du XIXe siècle, où la mort est figurée comme une noce cosmique).  Je remercie l’auteure et la maison d’éditions Ars Longa (déjà bien connue aux lecteurs de Francopolis) pour m’avoir permis la reproduction de ces extraits du volume. (Dana Shishmanian)

 

 

SoniaElvireanuPoète, romancière, critique, essayiste, traductrice, cadre universitaire (doctorat en Philologie), Sonia Elvireanu est membre de l’Union des Écrivains Roumains, du Centre de Recherches Philologiques pour le Dialogue Multiculturel de l’Université d’Alba Iulia, et de la Fédération Internationale des Professeurs de Français ; elle a fondé à Alba Iulia le cénacle francophone “Jacques Prévert".

Bibliographie sélective : recueil de poèmes

Umbrele curcubeului/Les ombres de l’arc-en–ciel, Iasi, Ars Longa, 2016

Printre priviri de nuferi/ À travers des regards de nénuphars, Bucureşti, eLiteratura, 2015

Între Răsărit şi Apus/ Entre le Lever et le Coucher, Iaşi, Ars Longa, 2014

Singurătatea irisului/ La solitude de l’iris, Sibiu, Imago, 2013

Dincolo de lacrimi/ Au-delà des larmes, Sibiu, Imago, 2011

Temps pour deux, Alba Iulia, Gens latina, 2010

Traductions:

Michel Ducobu, Siège sage. Quatrains pour la méditation/ Loc calm. Catrene pentru meditaţie, Iaşi, Ars Longa, 2015

Denis Emorine, De toute éternité/Dintotdeauna, Iaşi, Ars Longa, 2015 (prix de traduction)

José Maria Paz Gago, Manuel pour séduire les princesses, Scopje, Éditions Poetiki, 2010.


D’une langue à l’autre

Francopolis, février 2017

recherche Dana Shishmanian

 

 

 

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer