Septembre-Octobre 2021
Deux notes de lecture de Monique
W. Labidoire.
Sonia Elvireanu, Le chant de la
mer à l’ombre du héron cendré
(L’Harmattan,
collection Accent tonique, 2020)
Prix d’honneur
du Grand concours littéraire du
monde francophone
2021
Ancré
au paysage réel d’un espace rêvé ou vécu, le faire du poète est bien cet
art qui lui permettra de rester au cœur de la matière du monde. Un monde
organique, sensuel, émotionnel que Sonia Elvireanu
apprivoise au fil de l’eau, cette eau sans laquelle la poète ne pourrait
vivre. À partir d’un paysage et des perceptions qu’il anime, ici, la mer
et sa faune et plus particulièrement le héron cendré, la poète avance
avec ses mots et son rythme captant l’horizon grâce à cet oiseau à
l’envergure exceptionnelle qui peut symboliser l’ouverture au monde, le
héron cendré.
Dès
lors, le poème qui comme le héron cendré « secoue la poussière du monde » chemine vers son zénith
accompagné de tout ce qui n’attend pas de réponse mais que la poète
interroge, la solitude, le brouillard, la nuit, la mélancolie, le ciel,
la mer, la poète interroge le monde dans sa nature, ses forces et ses
faiblesses.
Mais
elle ne se contente pas de célébrer le monde. Il y a « les ténèbres qui parfois nous rongent » La nature
explose. Le ciel, la mer, le vent, le soleil peuvent amener des
souffrances et il y a les hommes.
Ceux
Depuis longtemps
Partis
Errent sans fin
Aux creux
De nos oublis
La
poète, elle, n’oublie pas. Elle garde mémoire des morts, des guerres, des
famines. Elle nous entraîne loin du héron cendré et d’une paix possible
« Le souffle des guerres/la
terre n’oublie pas »
Mais Sonia Elvireanu
ne saurait abdiquer devant l’obscur. Elle a besoin de lumière et de
partage. Elle ne veut pas tomber dans l’oubli des ténèbres et aspire à la
beauté de la nature, à ses bienfaits, à la reconstruction des paysages.
Peu à peu les poèmes courts et denses qu’elle nous donne ici reprennent
vie, une vie plutôt heureuse, avec la lumière du printemps et le ciel qui
accepte la prière. Il y a des raisons d’espérer. L’amour des oiseaux, des
plantes, des hommes, la beauté du monde, la mer, cette eau de toute
naissance toujours recommencée continuera à danser au rythme des marées
et au rythme d’une poésie avec laquelle nous pouvons identifier, nos
peines, nos mélancolies mais surtout nos joies.
©Monique W. Labidoire
|
Gérard Cléry, Parmi
(éditions Caractères, 2021)
Gérard
Cléry est un poète tourné vers l’horizon. Pas seulement sur ses
« chemins de côte » qu’il parcourt inlassablement dans sa Bretagne
aimée. Il pose aussi son regard sur les chemins d’ouverture du monde aux
amplitudes toujours incertaines. Il ne peut se contenter de célébrer le
vol d’un oiseau ou le bleu du ciel et la lumière n’éclaire pas uniquement
l’espérance d’une beauté reconnue. Elle pointe ses rayons sur ce qui
grince, sur ce qui crie, sur la face obscure d’un monde qui semble perdre
l’élan fraternel des hommes de bonne volonté. Le poète est dans le désir
d’être « PARMI » et AVEC. Parmi les hommes, avec les poètes,
avec les justes, il combat avec ses mots et sa poésie une misère qui
n’est pas seulement physiologique.
Pour
lui plus que pour beaucoup d’autres, la poésie est un engagement absolu
qui ne se sépare pas de son vécu. Car son sentiment de poète cogne haut
et fort sa conscience ; son poème est nourri de la grande histoire
de son siècle et le poète est bien « consterné par
l’Histoire », l’horreur des guerres, les massacres toujours
récurrents.
Gérard
Cléry doit dire. La poésie dite engagée n’a plus grande place dans nos
recueils mais le poète, lui, n’abdique pas. Il continue à dénoncer les
camps de la mort, la villa des roses et autres barbaries. Il lutte contre
l’oubli et milite avec persévérance pour dépoussiérer les recueils de ses
amis poètes tels Armand Olivennes, Jacques Simonomis (la liste est longue) ou encore un Max
Jacob si proche de lui dans cette belle ville de Quimper habitée par l’un
et l’autre à des époques différentes.
Suivons
avec le poète ses chemins de poésie, écoutons son chant, partageons ses
litanies, caressons avec lui ces :
Vagues de loin venues
Vous tombez à genoux
L’océan vous embrasse
Et
laissons-nous emporter au rythme de son chant, si nécessaire dans une
langue qui réhabilite l’émotion.
©Monique W. Labidoire
|
Monique W. Labidoire
Francosemailles, septembre-octobre 2021
Recherche Dana Shishmanian
|