|     Car je suis à moi
      seul une constellation d’étoiles éteintes      J’écris parce que je ne suis pas prêt J’écris comme une médecine qui guérit Et qui aurait cru que je sauverai le monde à moi seul Ce que j’écris c’est beau mis je n’y comprends rien L’aveugle en moi-même me guide Il me faut ébrécher la poésie de papa J’entame mon deuxième tour de piste en poésie moderne Je ne suis seul que l’intérieur Je n’ai rien dans la vie pas même un premier rôle La haine vient du cœur je crois Tous ces cœurs de merde et de titane Écrire sans formule Sans remède biologique Je consulte deux fois l’oracle de service En vain Car Dieu filtre mes prières d’enfant D’adulte aussi           Et pourquoi
      suis-je devenu si heureux      Et oui Je me fous pas mal de la poésie de papa Je ne crains pas le mental d’acier de la bête Est-ce une mouche psychique qui me survole Le poète ment aux enfants dans la vraie vie Et qui m’a désigné poète de service Là où il y a des limites je m’égare Je me réjouis d’être un faiseur d’évangiles Et sous sérum de vérité j’écris encore Pourquoi la vie est si pute avec moi Dans mes mots les anges se percutent en plein vol J’écris là où chaque centimètre carré à son importance La poésie ne me délivre pas du mal Bien au contraire Et me revient dans la gueule la part obscure           Des mille pires
      poèmes que j’ai écrits figure celui-ci      Et je me vois faire des manœuvres magiques avec la
      poésie moderne Croyez-moi tout reste à dire dans ce domaine Je suis un hiver froid et nucléaire D’être enfin reconnu comme le plus grand poète de ma
      génération ne m’emmerde pas trop D’être et de n’être pas revenu au bercail là est la
      question Le paradoxe Et je crache au visage du bourreau De l’oracle aussi À mon passage le ciel rentre ces étoiles chastes et
      naïves Prédateur que je suis Prédateur des nouvelles peaux J’écris pour que l’alcool devienne pisse J’écris là où n’arrive pas la lumière Sans évidence           Et ces milliards
      d’étoiles qui ne veulent plus briller entre-elles      Tous les mots que je peux réunir me dépassent J’écris dans des séquences en héliceFroides
 J’ai à moi seul l’énergie de toute une ville Peut-être faudra-t-il descendre un peu plus bas pour
      écrire terre à terre Écrire est-ce trop enfantin Non  Je n’ai pas les poèmes que je mérite Et ai-je fait un cycle complet en poésie moderne Et toutes ces étoiles qui n’ont pas de ciel pour se
      porter Qu’en faire Oui J’écris jusqu’aux catastrophes de la nuit humaine Pourquoi mes mots ne s’adressent-ils plus la parole Je ne dispose plus que d’un aller simple Le poète n’est qu’un lieu de passage comme un autre je
      crois           Ces crachats sous
      mes semelles molles      J’emploie une langue seconde pour me faire comprendre Des mots qui brûlent l’air m’envahissent Car ce n’est pas ma faute d’avoir ce talent de poète On explique pas la lumière avec des mots Qui écrit là Qui parle ici Je suis cet astre si commun Si l’on ne fait rien la grande majorité des poètes
      disparaîtront d’ici un siècle tout au plus Je me suis égaré dans la matière écrite et je n’en
      bouge plus Et mourir par le mal est-ce œuvrer pour la vie Écrire est au-dessus de mes moyens N’avoir aucun soupçon de mon talent d’auteur devient
      la règle Car mes mots sont médiocres mais la lumière est belle           Là ou vagabonder
      devient nécessaire      Mon poids d’ombre équivaut à mon poids de lumière Car je suis un poids plume en poésie moderne  J’écris mais ça fait mal J’écris comme un chien froid Les signes ne s’alignent plus entre eux La mort répond-elle aussi à la gravitation La gravité use l’âme légère Oui Jusqu’à ce que l’arbre ne me donne plus d’ombre L’arbre mort me donne encore de l’ombre Oui Écrire ce n’est pas du temps qui passe mais du temps
      qui fuit J’écris aux bergeries perdues d’un univers lui aussi
      égaré Poète envoie-moi un prophète Et j’aliénerai le monde à moi tout seul La prière est un acte trouble Un acte vain  Prier n’est plus nécessaire       ©Stéphane Casenobe   |