Désert
Si
ton champ n’est pas pour bercer tes blés
Mais
pour ameuter le coassement des corbeaux
Si
son bord n’est pas une danse de coquelicots
Mais
un épouvantail pour les oiseaux
Si
ton olivier perd ses feuilles de tristesse
Ses
rameaux pleurant leurs bourgeons
Si ta
saison n’est plus à la saison
Ses
merles disparus depuis longtemps
Si
ton bois n’est pas pour caresser ton violon
Mais
la crosse du fusil
Si tes
cordes ne soutiennent pas ton archet
Mais
enchaînent rêves et utopies
Si ta
musique n’est pas pour remuer tes notes
Accompagne
orgueilleuse la cadence des bottes
Si
ton fer n’est pas pour élever un mur d’école
Se
dresse casque pour la surdité des puissants
Si ta
braise n’est pas pour nourrir tes désirs
S’extasie
fracas d’obus blessant la nuit
Si
ton cri n’est pas pour la joie festive
Maudits
blessés et corps ensevelis
Si
ton nuage n’enfante pas d’eau douce
Crache
la pluie acide pour empoisonner le puits
Si ta
montagne n’a pas la tête dans les étoiles
Mais
le ventre grotte pour les caches
Si ta
mer n’accourt pas avec le butin de l’horizon
Vomit
ses algues vertes et couleur de rouille
Si
ton rivage n’est pas un radeau pour les errants
Mais
souillé par les marées noires et les faunes mortes
Si ta
vallée n’est pas pour l’envol des migrateurs
Mais
demeure pour les pierres immobiles
Si ta
rivière ne coule pas de source
Ne se
remplit que de vase et de boue
Si ta
forêt n’est pas pour saluer les arbres
Élève
potences et sentinelles sur les cimes
Si
ton feu n’est pas pour réchauffer
Le
cœur de la terre mais la guerre à l’infini
Comment
peux-tu aimer l’humanité ?
Cendre
C'était
en novembre
il me
souvient ta lumière
entre
soleil et ombre
le
matin en appel
les
minarets au réveil
je
dérobais au jour
son
sommeil
et
pourchassais les heures
pour
qu'elles soient plus longues
tant
de sourires de fleurs de rayons
je
souhaitais les surprendre
comme
des fruits à cueillir
sans
attendre
C'était
en novembre
je ne
retrouvais l'automne
mais
les bras ouverts et tendres
allées
bougainvilliers terrasses
par-dessus
les arbres chargés
de
mes retrouvailles
j'étais
la pierre fragile emmurée
dans
le silence
et tu
étais le petit vent qui lavait
ma
poussière
j'étais
le marbre stoïque
et tu
étais la mosaïque festive
Je te
retrouvais de braise
sans
automne
en
novembre
Je
disais au revoir aux miens
et
repartais en cendre
Séguia
Eau
qui coules dans ma mémoire
Qui
longes le trottoir
Qui
laves la rue
Qui
draines feuilles mortes
Et
souvenirs
Es-tu
prisonnière de la ville
Sans
source
Sans
terre
Sans
mer
Où
parvenir
Eau
qui accompagnes
Ma
transhumance
Rassembles
tes rides
Contre
les insalubrités des pas
Qui
piétinent le jour
Sans
murmure
Sans
puits
Sans
poulie
Pour
parfaire la nuit
Eau
qui te faufiles
Entre
les murs
Qui
rêves de jardins
De
palmeraies de champs
De
rivières de fleuves
libres
Sans
errants
Sans
ombres
Sans
oublis
Hors
des caniveaux du monde
©Tahar Bekri
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