Textes de l'atelier d'Écriture animé
par Philippe Vallet
Un atelier d’écriture
Au lycée Louis
Lapicque d’Epinal, l’atelier d’écriture est installé
depuis cinq ans. Il y a l’atelier hebdomadaire qui réunit
jusqu’à 15 élèves (en moyenne 5/6). Il y a
l’atelier qui vient dans la classe une fois, à l’occasion du
printemps des poètes. Dans le premier les élèves
sont volontaires et les différents niveaux
représentés dans l’établissement se croisent, se
rencontrent écrivent ensemble, dans le second c’est le
professeur qui décide.
L’atelier est le temps posé d’une mise en commun
consacrée à l’écriture. L’écriture est
provoquée par des consignes, ces consignes construisent une
suite d’écritures qui guident et produisent du texte. L’objet de
l’atelier est bien de « produire du texte » de
facilité l’expérience, et d’entrer en écriture
parmi un groupe réunit pour ça. Dans son
déroulement l’atelier permet à chacun de vivre
l’expérience de lire son texte directement venu de
sa main, de sa langue, de ses mots.
L’animateur trouve son
rôle dans le choix des inducteurs, dans l’organisation, leur
distribution dans le temps. Ce choix reflète à la fois
les pratiques de lecture-écriture de l’animateur ainsi que ses
choix philosophiques, politiques. Le rapport qu’il établit,
qu’il institutionnalise avec les participants parlent de ses choix.
Les ateliers que j’anime sont portés par la volonté du
« tous capables ». Le Groupe Français
d’Education Nouvelle a fait naître, et mis en application dans
ces pratiques cette idée il y a une trentaine d’années.
Sur chaque atelier il est
pris un temps de retour, au cours duquel les participants sont
sollicités pour interroger l’animateur, sur l’organisation de
l’atelier, sur ses choix, et ils peuvent ainsi s’emparer des outils
(techniques, pédagogiques, littéraires…) qu’il
utilise, l’objectif est de construire avec le groupe une
réflexion afin de permettre une appropriation de la
démarche.
La suite de textes que vous allez lire provient d’ateliers qui se sont
déroulés durant l’année scolaire 2008/2009. Le
choix parmi l’ensemble des textes a été
réalisé par un groupe de six élèves.
Bonne lecture.
Philippe Vallet
Animateur d’atelier d’écriture
06 59 17 12 41
***
Marina Braga
Ici et ailleurs
Une chute invisible
Dans mon passé en noir et blanc
Ici et ailleurs
la musique de la photographie
Vers un monde indispensable
Ici et ailleurs
Saisie par mon mercredi après-midi
Cinéma, livres et blabla
Ici et ailleurs
Le bus rouge
Dans mon esprit ressoude les deux rives
Ici et ailleurs
2004, amitié et Angleterre
Le canard de mes espoirs de ce
qu’il faut
***
L’anémone du
soir et les dominos d’or battent les forêts
et le vieil astre, sa bouche à l’envers, fait une chute
invisible dans le ciel lavande. Au travers de tes yeux, je
déshabille la nuit et dans un murmure le souffle l’Harmonie des
fougères noires et l’écume blanche. Ici et ailleurs, je
sais que ce n’est jamais une erreur.
***
|
Rémi Girardet
Dissolution glaciale
La mer avec le manque
blême dans la nuit
les âmes, les souvenirs clos
l’harmonie céleste
s’installe bam !
s’emmêlent les fougères
des envies, ce sont des envies
qui poussèrent
tremblantes au
milieu des lavandes
le besoin bat
les flots invisibles car
la mer avec le manque,
absence,
calme
ses yeux murmurent
ses dernières faveurs
le gouffre profond
s’installe
malaise
d’une bouche à l’envers.
|
Astrid Schumacher
Le visage du néant
Un train solitaire s’enfuit au loin.
Impasse des mots qui ont disparu,
Que tu as effacés de ton silence.
Dans le désert les ombres s’allongent.
Se confondent,
Et la nuit les engloutit.
La vague me recouvre déjà,
Je n’arrive plus à respirer,
Je me noie.
Mes lèvres sont violettes,
Mon regard est figé dans le néant.
Pourquoi me regardent-ils ?
Je suis morte depuis longtemps,
Même si mon esprit erre encore et encore
Dans des lieux abandonnés,
Ces ruines du passé.
Je vois ton regard qui cherche.
Pauvre fou.
Avancer dans le temps et dans l’espace,
Ce n’est pas s’approcher de soi-même.
Mais n’oublie pas d’écrire,
Il faut des mots
Pour alimenter nos rêves.
***
|
Camille
Orange, bleu, jaune, blanc, vert
Tout est coloré.
Tout est délabré.
L’eau de pluie s’accumule encore dans les ornières du chemin qui
mène à l’étendue déserte.
Plaine aride, la route sinueuse traverse son âme.
Le vent agite doucement les feuilles des quelques palmiers qui se
trouvent encore debout. Une feuille tournoie, s’envole.
Le sable s’effrite sous ses pas, comme autant de cristaux dorés.
La musique, elle, n’adoucit plus ses peines depuis bien longtemps.
La plaine morte lui sourit, lui tend les bras.
Elle court, la misère fleurit partout ou elle va. Il est temps.
Elle a trop attendu dans l’embouteillage de sa vie.
Il pleut. Une goutte s’échoue sur l’océan grisâtre.
Tout est calme, plus un souffle, plus un bruit.
***
De ses grands yeux
ébahis, elle contemple la route qui
s’étend à l’infini. Tant de chemin déjà
parcouru, et il en reste encore bien trop à faire. Elle n’en
peut plus. Les cailloux blancs qu’elle a laissé tomber tout du
long ne se distinguent plus du sable fin et chaud…si chaud… Les
effluves marins effleurent ses narines et imprègnent son cerveau
d’une douce mélancolie. D’un geste, elle efface le chagrin.
Moulin à vent, elle court, s’enfuit, tente de s’échapper
du coeur de l’horreur. Voyage incertain, connaissance trop partielle,
croyance improbable. Où va -t-elle ?
La bouche pincée, un sourire se dessine sur ses lèvres.
Au loin, une lumière brille. Son cerveau est un chocolat au lait
sucré. Elle pleure de joie.
L’espoir persistera
***
|
Véronique Bart
Rituel
laisser l’herbe pousser sur le bureau
ni table ni tabou
laisser l’emmaline émulsionner le cerveau
la sève s’amuser silencieusement
de petites pensées palpitent sur la langue
laisser pousser les fleurs
dans la tourbe des vents, du ciel, de l’océan
découper les éclats glissants des étoiles filantes
peut-on jouer aux dés les mots
menue monnaie de nos navires nocturnes ?
les larmes plantées dans la tête
prennent le temps
patience
à reculons viendront les phrases
sous le regard bleu d’un soleil intérieur
mordiller le crayon comme on suce son pouce
c’est toute la forêt qui déferle
sous la tour du château
chantait le chevalier
pour sa belle cruelle
faut-il des instruments pour dérouler, aplatir, découper
dédoubler, découdre, rafistoler, réparer,
séparer ……
les mots ?
que la langue soit de tonnerre
que cela fuse bougrement
ouragan de papier
mon poème enfant
gardien de mes silences
***
|
Didier
François
Plisser les yeux,
paupières mi-closes – effacer et l’affiche et les rails – les
morts, les mutilés – ceux qui partent – et de ce qui reste
(cette silhouette) effacer l’homme, et la lumière ; ne garder
que les traces allongées ; oublier, oublier les arrêts,
oublier que d’autres respirent mieux – encore – dans les lignes – de
fuite – tisser l’épure de la lumière comme une ligne qui
se meurt, les entraîne, d’où ne règne – reste –
finalement, tissée, que l’aposiopèse : une silhouette
sombre qui s’efface d’y songer, lors que le monde continue à
tourner.
***
Et me
revoilà encore à te chercher, sans médire,
Mélusine, mon amour, ma Mimine, sans métaphore, je
voudrais te dire, Mélu, méli-mélo,
Mélu-mélusine, te souviens-tu ? La gare maritime… ma
Mélusine… Tu sais, la gare loin de l’usine ? Les poissons, la
Méditerranée, moi qui fume, eux qui bullent, toi qui
humes, t’essouffles amère, qui rumines à la mer, mon
mérou, mon merlan Mélusine, à m’écouter
hurler et mimer : « La lune se transforme prodigieusement
à ton fessier ! à ton cul Mélu ! »
t’avais-je dit Mélusine, avoué, de but en blanc, comme un
wagon-restaurant : preste, mais dans l’attente de goûter. Quand
j’y repense, ce sont quatre-cents fenêtres ouvertes à ma
mémoire, et les quatre cents claques qui de tes mains
m’ont fait rougir, ma petite mule câline, ma Mélusine.
Sais-tu Lulu, de cette histoire, j’en suis maussade, j’en suis
marmelade. Cet aveu, quelconque de ma part, prends-le comme tel
Mélusine, ma morve, ma marée sans amarre, je suis une
illusion, tu es une sirène, mon thon, ma moule, mon huître
Mélusine, ma perle crachée comme un hoquet, mon calcul
rond dégoulinant. Mais je te dirais, ma morue, si tu
n’étais mon mollusque de mer, tu serais une campagne
hallucinée, ma Mélé, mon escargot imbibé de
Bourgogne. Je sais ce que tu te dis : l’axe crasseux n’a pas fini de
tourner dans sa tête d’ahuri… Mais tu n’as pas pris mon
âme, ma poupe Mélusine, ma grosse truie, mon poulpe, ma
tête de mort, le drapeau mon crapaud, tu m’as volé mon
encre. Compte tenu, et en conséquence, au vu et en raison de cet
état de fait su, et pour ces raisons (supra citées
à ton fessier), conséquemment, et nonobstant tes
attraits, je te lâche mon dernier jet, pour faire fuir par la
parole, par laquelle jadis tu sus que je t’aimais, notre relation et
nos entretiens en queue de poisson.
***
|
Adeline
Ame palpitante
L’ombre de
Mon âme
Dévore mes
Lèvres palpitantes
De sang
Quelle pitre !
La pâle et
Aveugle mémoire de
La trahison
D’un sourire.
Un instant
Spirituel, pourtant
La joie éternelle
Sur le chemin
Un lapin sur
La route de
La sagesse.
Un murmure,
Une odeur de
Lait, de la terre
Secret du
Talent intarissable
De la rêverie
Friable de mon
Monde à moi
Le pli, l’envol
D’une feuille dans
La paume de
L’enfant qui vieillit
C’est un ailleurs
Confus
|
Lumière religieuse
Dépouillée de
Mystère
Empreinte répétée
De l’indifférence
Etouffement, repli
Du soleil
Rien qu’un
Appel inquiet
Vers le ciel
Appel à une présence
A une âme
A l’horizon
Abîme profond
Appel alors
Insaisissable
Une faille
Vertige vertical
Disparition des
Heures, des années
Du temps
Espace de
L’enfer où
Rien ne bouge
Fontaine du néant
Qui coule telle
Une vague de silence.
***
|
Marina
drôle de mœurs
aux archives des miroirs
sur les marches du sacré
défense de cracher par terre
ne tournez pas la tête
même dans les cimetières
le soleil se lève à l’est
donnez le bon exemple
ne réduisez pas en poussières
l’humeur de vos jours
dévoilez le mystère multiple du vivant
d’une alchimie du savoir
nos mémoires se promènent
mystères incongrus des insolites inattendus
fleurs des bonnes recettes au linge double
des liqueurs offertes à la topette refroidie
chaque jour refait bouillon
et les secondes en bouteilles, opiniâtres
observent avec tranquillité vos lendemains
où se décuit la parole
inépuisables exégétiques à la source de nos
décors
nos coffres se garnissent aux documentaires inépuisables
|
des cartes funéraires tapissant les murs
archives dépecées aux hasard de nos campagnes
marquées aux excès des questions dispensées
aux chants nourris nos décrets circulaires
levant le compte rendu du cahier en route
aux foyer de votre pays, modèle à l’usage
conservez d’un minutier sans frontière
le témoignage incarné d’un remède
d’une recette à votre pharmacopée de poche
retrouvez vos déclarations de guerre
écrits au prise avec la parole
pas de livre sans raison
aux sensibles des provinces sans horizon
aux linéaments d’une histoire ressentie
une dévotion ordinaire sans victoire
drôle de moeurs.
***
|
texte écrit
à deux mains : Véronique
en premier pour la partie centrale puis Marina
à lire comme le souhaite, ligne à ligne ou colonne
colonne, ou décalage de ligne en mélangeant… peut
être utilisé comme le support d’une lecture
improvisée
La vie est une vaste comédie dont
le Scapin
et le long
le jeu
un instant
l’amoureux
transi
et
je me promène
grenouilles
qui ne vivent que de
et
qui
en forme d’
vie comme
est-il possible de sortir de
comédie
dont la
burlesque
est bien loin
|
je suis le fou
des longues plaines
je suis l’affreux
aux gestes
hyperbolique
dans l’humide
le berceaux des
souvenirs peu
remémorables
je pose mes
arborescences
la poésie
date
d’aujourd’hui
|
le bouffon
je prolonge
de
mécaniques
et
marchandant
catholiques
à
conditions
de voir la
de la
de création
|
***
texte de l'atelier
d'écriture de Philippe Vallet
pour Francopolis juin 2009.
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