Écrire ce n’est
pas simplement ouvrir une porte et puis entrer dans une pièce,
marcher ou s’asseoir, s’il y a un siège, contempler la
lumière qui ronge les vitres, prendre possession des lieux, se
contenter.
Écrire c’est ouvrir un monde entier, entrer dans les couleurs du
monde, comme à en mourir, comme à aimer, à en
pleurer, comme si tu n’étais plus là à jamais,
comme elle partie je ne sais où.
Écrire c’est une obscurité toujours devant soi, rien ne
l’éclaire, si ce n’est un faux jour de son, de mots qui tombent
derrière.
Écrire c’est à reculons, une image vient de
derrière qui ne se voit pas : où sont les yeux pour voir
si jamais ils adviennent ?
Sentir, vivre, désirer, ce n’est pas écrire, ça se
déploie : mon corps est devant moi, en avant, creuse l’espace,
habite les choses.
Je m’accroche aux
couleurs de tableaux devant moi sur le mur, parmi une forêt de
livres éclairée du bois brun des meubles. Je cours
à les rejoindre, j’essaie.
Écrire c’est vouloir la fin du désir, créer un
objet qui appelle, vers quoi l’aveugle en nous accourt y voir son
ombre, enfin.
Jean-Michel Mayot
recherche Juliette Clochelune
pour Francopolis mars 2008