Mars-Avril 2019
Marilyne Bertoncini - Wanda Mihuleac –
Eva Maria Berg :
Sable -
une œuvre trilingue,
poésie en français – en gravure – en
allemand !

Poèmes et gravures extraits de Sable,
Les éditions Transignum, janvier 2019
« l’empreinte de mon pied
s’emplit d’un éclat de miroir »
« sachez donc qu’allée et venue sont comme des songes,
comme des reflets de la lune dans l’eau. »
Yogi Milarépa
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Je n'ai nul souvenir de l'avenir,
dit-Elle
La mer respire
lente changeante
expire
et lèche le rivage
où la
marée laisse imprimé
un
humide trémail
J’y pose à plat le filet à crevettes -
grises
et vitreuses comme le sable
elles
gigotent entre les mailles et les plis
prises
dans le croissant du carrelet
et
s’échappent entre mes doigts d’enfant
le
sable aspire ma cheville
aspire
ma mémoire
l'empreinte
de mon pied s’emplit d’un éclat de miroir
minuscule
et
la vague suivante l’engloutit et remporte
les
algues rejetées du filet
les
poulpes transparents
et
les méduses glauques
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Ich habe keine Erinnerung an die Zukunft,
sagte Sie
Das Meer atmet ein
langsam sich
wandelnd
atmet aus und bespült das Ufer
die Flut hinterlässt den feuchten
Abdruck eines Treibnetzes
Ich habe das Garnelennetz flach dort ausgelegt -
grau und glasig wie der Sand
sie zappeln herum zwischen den Maschen und Falten
in der Mondsichel des Fischnetzes gefangen
und entwischen zwischen meinen Kinderfingern
der Sand saugt meine Fußknöchel ein
saugt meine Erinnerung ein
mein Fußabdruck füllt sich mit einem winzigen
Widerschein
und die nächste Welle verschlingt ihn und bringt
die Algen zurück aus dem Netz angespült
die durchsichtigen Tintenfische
und die meergrünen Quallen
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Chaque vague soulève à grand-peine
une nappe
emporte
la trame des mots
l’efface et seule
reste une trace
mémoire de sable
crissant glissant soie
au cri déchiré
menus murmures comme
des pas d’oiseau
la dentelle des coquilles vides
sur la grève l’arène ourdie
de temps
lourde draperie de dunes et d’estran
plis sur plis où se dissout le vent
du
souvenir
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Jede Welle hebt mühevoll
eine Schwade reißt
die Grundlage der Worte mit
löscht sie und es bleibt
einzig eine Spur
Erinnerung aus Sand
knirschend
glitschig Seide
aus zerrissenem Schrei
feines Murmeln wie
die Schritte des Vogels
die Rüsche aus leeren Muscheln
auf dem Strand
die Arena Zeitverzerrung
schwerer Stoffbehang aus Dünen und Watt
Falten an Falten wo sich der Wind der
Erinnerung
auflöst
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la tête de Sable à peine effleure la surface
le sable dans sa bouche l'étouffe comme un
bâillon
s'accroche aussi à ses cheveux
réseau de
mèches racinaires qui s'étirent
tressées de giroflées couleur de violette
se mêlent à l'orgue des oyats
réverbèrent le
silence immense
de son cri
de
son absence
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der
Kopf aus Sand berührt kaum die Oberfläche
der
Sand in ihrem Mund erstickt ihn wie ein Knebel
klammert
sich auch an ihre Haare
Netz
aus Wurzel-Strähnen die sich ausstrecken
verflechten
mit Levkojen veilchenfarben
sich
mischen mit der Orgel aus Strandhafer
nachhallen
lassen das immense Schweigen
ihres
Schreis
ihrer Abwesenheit
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Lovée
au creux des dunes
le nez contre le sable humide à peine sous
les touffes de carex
comme au creux d'une aisselle au parfum minéral
intense et fade dans la mémoire
caresse rêche animale et poudreuse
je sais qu'Elle respire
de nous de notre rire
je déboule dévale le long du flanc de Sable
et la dune s'écroule émue de son écume sèche
je déboule dévale du giron de la dune
et ma main écorchée à sa couronne
barbelée
saigne
couleur de rouille sur l'éclatant
cristal
de
silice
Je
suis fille de Sable
mais les mots
m'appartiennent
Je crie
J'écris.
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Zusammengerollt im Dünental
die Nase am befeuchteten Sand
unter
den Büscheln von Seggen
wie in der Tiefe der Achselhöhle
mit mineralischem Parfüm
intensiv und fade in der
Erinnerung
spröde Zärtlichkeit animalisch und
pulvrig
ich weiß
dass Sie atmet
durch uns durch unser Lachen
ich kullere stürze hinunter an der
Sandflanke entlang
und die Düne bricht ein bewegt von
ihrem trockenen Schaum
ich kullere stürze hinunter vom
Schoß der Düne
und meine Hand geschrammt an ihrer
Stacheldrahtkrone
blutet
rostfarben auf das berstende
Kristall
aus
Silicium
Ich bin Tochter vom Sand
aber die Worte
gehören mir
Ich schreie
Ich schreibe.
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©Photo par Lydia Belostyk
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Marilyne Bertoncini, co-responsable de la revue Recours au Poème, docteur en
Littérature, spécialiste de Jean Giono, vit, écrit et traduit de l'anglais
et de l'italien. Ses textes et photos paraissent dans diverses revues
françaises et internationales, et sur son blog http://minotaura.unblog.fr/; une
bibliographie complète sur le site de la MEL: http://www.m-e-l.fr/marilyne-bertoncini,ec,1301.
Ses textes sont traduits en hébreu, bengali,
anglais, allemand et italien. Outre des traductions chez « RaP éditeurs », et Transignum,
des collaborations à des anthologies, et avec des artistes, elle a publié 7
recueils personnels : Labyrinthe des nuits (2014); Aeonde (La Porte, 2016), La Dernière œuvre de
Phidias, suivi de L’invention de l’absence (Jacques André
éditeur, 2017), Le Silence tinte comme l'angelus d'un village
englouti (éditions imprévues, 2017), L’Anneau de Chillida
(L’Atelier du Grand Tétras, 2018), Mémoire vive des replis (éditions
Pourquoi viens-tu si tard ?, novembre 2018). Sable, aux
éditions Transignum, est paru en février 2019. En
mars, ce recueil, traduit en roumain par Sonia Elvireanu
et publié en édition bilingue par les éditions roumaines Ars longa de
Iassy, a été présenté aux Journées de la francophonie de Alba Iulia
(Transylvanie, Roumanie).
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©Photo par Claudine Ross
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Eva-Maria Berg, née en 1949 à Düsseldorf (Allemagne), a fait
des études universitaires d´allemand et de français. Elle séjourne
régulièrement en France pour la participation à des manifestations interdisciplinaires
et transfrontalières et des résidences d´écriture à la Villa Tamaris Centre
d’Art à La Seyne-sur-Mer.
Elle réalise des traductions mutuelles avec des poètes de langue
française et anglaise, notamment Yehuda Hyman,
Max Alhau, Marilyne Bertoncini, Alain
Fabre-Catalan et Shuhrid Shahidullah.
Elle est collaboratrice régulière des revues Les Carnets d´Eucharis, Levure Littéraire et Recours au Poème.
Elle est membre entre autres du Deutsch-Schweizer PEN Zentrum DSPZ (PEN
club germano-suisse).
Pour sa bibliographie voir sur son site : http://www.eva-maria-berg.de/
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Née à
Bucarest (Roumanie) en 1946, Wanda
Mihuleac est diplômée de l’Institut d’Arts
Plastiques de Bucarest et de l’Université Paris 1 Sorbonne. Elle a reçu de
nombreux prix et distinctions et participé à des expositions
internationales, dont la 26ème Biennale de Venise, la 12ème
Biennale de Paris, la 19ème Biennale de Sao Paulo, World Print Four de San Francisco, Impact Festival de Kyoto, Arteder Bilbao, Europ’Art
92-Genève, SAGA PARIS 92, 93, 96, 98, 99, Lineart
(Belgique), Affordable Fair
Londres 1999, 2000, Art Multiple Düsseldorf, la Biennale de sculpture en
plein air de Skironio Museum (Grèce), de Hambourg
et de Paris, les Biennales de Gravure de Heidelberg, Bradford, Ljubliana, Banska-Bistrica,
Lodz, Grenoble, Maastricht, Prague, Györg, Belgrad, Bitola,
Chamalières, Lisbonne, le Foire du Livre de Francfort, Print
Show 2000 à Londres, Art-Expo New-York.
Depuis 1973, elle a réalisé 28 expositions personnelles à Paris,
Marseille, Taverny, Clichy, Levallois-Perret, Strasbourg, Timisoara,
Athènes, Tokyo, New-York, Genève, Rome, Venise, Milan, Aix-la-Chapelle,
Saint-Etienne, La Marsa-Tunis, au Centre Pompidou à Paris, à la
Fondation Ledoux -Arc-et-Senans, au Musée d’Art Contemporain et
au Musée national d’art de Bucarest.
Elle dirige les éditions Transignum, dédiées aux livres
associant poésie et arts plastiques. Son site : http://www.wanda-mihuleac.com/
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Marilyne Bertoncini – Wanda Mihuleac – Eva Maria
Berg
recherche Dana Shishmanian
Francopolis, mars-avril 2019
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