HUGO
GUTTIÉREZ VEGA
Poète, écrivain, diplomate, journaliste,
professeur
à l’Université autonome d Mexico (UNAM)

Extrait de la 4ème de couverture
de Hugo Guttiérez Vega,
AMOUR SANS FORME*
Hugo Guttiérez
Vega (Guadalajara, 1934 – Mexico, 2015)
a un jour déclaré :
« De Neruda, j’ai appris que tout, absolument tout, est matière à poème,
que la poésie a rapport à tous les moments et toutes les circonstances du
monde : à une vieille bicyclette jetée dans une décharge, au miracle
d’un oignon dans la bouillabaisse …de congre »…
Cette attention à tout marque
l’ensemble de son œuvre […] et fait de ce poète un maître humaniste,
un être capable de chanter la vie avec des mots de pure exactitude. Dans
ses pérégrinations vers des hauts lieux du monde, à l’écoute des vivants
comme des morts et doté du regard ami qui perçoit partout l’aura et la
blessure, il savait saisir la belle palpitation des énergies secrètes.
UN FIGUIER A PENDELLI
Il y a dans le monastère
de Pendeli
un robuste figuier, sur
lequel s’assoient les vieux
non pour tuer le temps
mais pour le retenir.
La vie leur offre
désormais si peu :
leur corps lentement
lâche prise,
une brume constante
s’est emparée de leurs
yeux.
Ils ressentent l’oubli
et tiennent dans leurs
mains rugueuses
tout ce que
jamais ils n’ont pu
faire.
Mais il y a une certaine
joie
difficile à définir
dans leur voix
de céramique fêlée,
il y a je ne sais quoi
dans leurs rires prudents
et dans leur minutieuse
manière
de contempler ceux qui
passent.
Une vie accomplie ?
une résignation aussi
haute
que les branches du
figuier ?
Je n’en sais rien, mais
le mystère
de ces vies qui s’en vont
n’est pas d’une tristesse
absolue.
Entre les rugosités du
figuier
s’immiscent et remuent
les lumières inexplicables
d’une joie ultime
et il y a dans ce grand
âge
une charge de vie,
une dernière et radieuse
irisation
de la source de grâce.
*
UN
FIGUIER A PENDELI
Hay en
el monasterio de Pendeli
una
robusta iguera,
bajo lacual se sientan los viejos
no para
matar el tiempo
sino para
detenerlo.
La vida
les ofrece
y a muy
poco :
su
cuerpo se va desgajando,
una
niebla constante
se ha
apoderado
de sus
ojos.
Sienten
el olvido
y
llevan en sus manos rugosas
todo
aquello
que no
pudieron hacer.
Pero
hay cierta alegría
difícil de definir
de sus ojos.
Sienten el olvido
y llevan en sus manos rugosas
todo aquello
que no pudieron hacer.
Pero hay cierta alegría
difícil de definir
en sus voces
de cerámica rota,
hay algo en sus risas prudentes
y en su minuciosa manera
de contemplar a los que
pasan.
¿Una
vida cumplida ?
¿una
resignación tan alta
como las ramas de la vieja
higuera?
No lo sé, pero el misterio
de estas vidas que se van
no tiene una total tristeza.
Entre las rugosidades de la higuera
Se mueven las luces inexplicables
De una postrera alegría
Y hay en esta ancianidad
una carga de vida,
una última y deslumbrada
salpicadura
de la fuente de la gracia.
***
*
FEMME ENDORMIE
D’ici je vois ta maison
entourée par l’air
de ce monde livide.
Je vois ta porte fermée
et le balcon entrouvert,
toujours entrouvert
pour te libérer des mauvais rêves.
Je me penche et vois ton corps
entre les draps,
je sens ta respiration lente.
Tout est vivant.
Le sang accomplit son travail
et traverse sans hâte
tes tempes
pour que tu dormes bien.
Des milliers de vie vivent
dans un seule second,
prodigieuse,
de ce temps si différent du temps
qui nous envoie dans les rues
et nous dicte ses lois,
nous force à courir et va passant
comme passent les fleuves.
Je sens ta nudité
grandir au fond du lit.
Un corps endormi
nous offre la paix du monde.
Je m’en vais sans faire de bruit.
Je te laisse au pays
Construit par le sommeil.
En m’en allant je sens que tu souris.
Les anges de l’automne,
Un doigt sur les lèvres,
ordonnent à la vie
De ne pas te réveiller.
*
MUJER DORMIDA
Desde aqui
veo tu casa
rodeada por el aire
de esta mañana lívida.
Veo tu puerta cerrada
y el balcón entreabierto
para liberarte de los sueños malos
Me asomo y ve tu cuerpo
Entre las sábanas,
Siento tu respiración
lenta.
Todo está vivo.
La sangre cumple su trabajo
Y transcurre sin prisa
Por tus sienes
Para que tú te duermas.
Miles de vida viven
en un solo, prodigioso
secundo
de este tiempo tan
diferente al tiempo
que nos manda a la calle
y nos dicta sus leyes,
nos obliga a correr y va
pasando
como pasan los ríos.
Siento tu desnudo
Creciendo en la cama.
Un cuerpo dormido
Nos entrega la paz del
mundo.
Me voy sin hacer ruido.
Te dejo en el país
construido por el sueño.
Al irme siento que sonríes.
Los ángeles del otoño
con un dedo en los labios
le ordenan a la vida
que no et despierte.
*Hugo Guttiérez Vega, AMOUR SANS FORME et autre poèmes,
Anthologie brève Ed. Wallada, 2016.
Traduction de Patrick Quillier -
Prologue de Rafael Alberti - Rituel final par Patrick Quillier.
HUGO
GUTTIEREZ VEGA
Recherche :
François Minod,
Francopolis,
mars 2017
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