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D'une langue à l'autre...
et textes
incidemment, sciemment
ou comme prétexte. Traduction.

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Archives : D'une langue à L'autre...et plus

 


Actu : MARS 2017 - D'une langue à l'autre...

 

 

HUGO GUTTIÉREZ VEGA

Poète, écrivain, diplomate, journaliste, professeur

à l’Université autonome d Mexico (UNAM)

 

 

Extrait de la 4ème de couverture
de  Hugo Guttiérez Vega,
AMOUR SANS FORME*

Hugo Guttiérez Vega (Guadalajara, 1934 Mexico, 2015)  a un jour déclaré : 
« De Neruda, j’ai appris que tout, absolument tout, est matière à poème, que la poésie a rapport à tous les moments et toutes les circonstances du monde : à une vieille bicyclette jetée dans une décharge, au miracle d’un oignon dans la bouillabaisse …de congre »…

Cette attention à tout marque l’ensemble de son œuvre ­­[]  et fait de ce poète un maître humaniste, un être capable de chanter la vie avec des mots de pure exactitude. Dans ses pérégrinations vers des hauts lieux du monde, à l’écoute des vivants comme des morts et doté du regard ami qui perçoit partout l’aura et la blessure, il savait saisir la belle palpitation des énergies secrètes.

 

 

UN FIGUIER A PENDELLI

 

Il y a dans le monastère de Pendeli

un robuste figuier, sur lequel s’assoient les vieux

non pour tuer le temps

mais pour le retenir.

La vie leur offre désormais si peu :

leur corps lentement lâche prise,

une brume constante

s’est emparée de leurs yeux.

Ils ressentent l’oubli

et tiennent dans leurs mains rugueuses

tout ce que

jamais ils n’ont pu faire.

Mais il y a une certaine joie

difficile à définir

dans leur voix

de céramique fêlée,

il y a je ne sais quoi dans leurs rires prudents

et dans leur minutieuse manière

de contempler ceux qui passent.

Une vie accomplie ?

une résignation aussi haute

que les branches du figuier ?

Je n’en sais rien, mais le mystère

de ces vies qui s’en vont

n’est pas d’une tristesse absolue.

Entre les rugosités du figuier

s’immiscent et remuent les lumières inexplicables

d’une joie ultime

et il y a dans ce grand âge

une charge de vie,

une dernière et radieuse irisation

de la source de grâce.

 

                                                                                                      *

 

UN FIGUIER A PENDELI

 

Hay en el monasterio de Pendeli

una robusta iguera,

bajo lacual se sientan los viejos

no para matar el tiempo

sino para detenerlo.

La vida les ofrece

y a muy poco :

su cuerpo se va desgajando,

una niebla constante

se ha apoderado

de sus ojos.

Sienten el olvido

y llevan en sus manos rugosas

 

todo aquello

que no pudieron hacer.

Pero hay cierta alegría

difícil de definir

de sus ojos.

Sienten el olvido

y llevan en sus manos rugosas

todo aquello

que no pudieron hacer.

Pero hay cierta alegría

difícil  de definir

en sus voces

de cerámica rota,

hay algo en sus risas prudentes

y en su minuciosa manera

de contemplar a los que pasan.

¿Una vida cumplida ?

¿una resignación tan alta

como las ramas de la vieja higuera?

No lo sé, pero el misterio

de estas vidas que se van

no tiene una total tristeza.

Entre las rugosidades de la higuera

Se mueven las luces inexplicables

De una postrera alegría

Y hay en esta ancianidad

una carga de vida,

una última y deslumbrada  salpicadura

de la fuente de la gracia.

 

 

***                                                                                   *

 

 

FEMME ENDORMIE

 

D’ici je vois ta maison

entourée par l’air

de ce monde livide.

Je vois ta porte fermée

et le balcon entrouvert,

toujours entrouvert

pour te libérer des mauvais rêves.

Je me penche et vois ton corps

entre les draps,

je sens ta respiration lente.
Tout est vivant.

Le sang accomplit son travail

et traverse sans hâte

tes tempes

pour que tu dormes bien.

Des milliers de vie vivent

dans un seule second, prodigieuse,

de ce temps si différent du temps

qui nous envoie dans les rues

et nous dicte ses lois,

nous force à courir et va passant

comme passent les fleuves.

Je sens ta nudité

grandir au fond du lit.

Un corps endormi

nous offre la paix du monde.

Je m’en vais sans faire de bruit.

Je te laisse au pays

Construit par le sommeil.

En m’en allant je sens que tu souris.

Les anges de l’automne,

Un doigt sur les lèvres,

ordonnent à la vie

De ne pas te réveiller.

 

                                                                                   *

 

MUJER DORMIDA

 

Desde aqui veo tu casa

rodeada por el aire

de esta mañana lívida.

Veo tu puerta cerrada
y el balcón entreabierto
para liberarte de los sueños malos

Me asomo y ve tu cuerpo

Entre las sábanas,

Siento tu respiración lenta.

Todo está vivo.

La sangre cumple su trabajo

Y transcurre sin prisa

Por tus sienes

Para que tú te duermas.

Miles de vida viven

en un solo, prodigioso secundo

de este tiempo tan diferente al tiempo

que nos manda a la calle

y nos dicta sus leyes,

nos obliga a correr y va pasando

como pasan los ríos.

Siento tu desnudo

Creciendo en la cama.

Un cuerpo dormido

Nos entrega la paz del mundo.

Me voy sin hacer ruido.

Te dejo en el país

construido por el sueño.

Al irme siento que sonríes.

Los ángeles del otoño

con un dedo en los labios

le ordenan a la vida

que no et despierte.

 

 

 

*Hugo Guttiérez Vega, AMOUR SANS FORME et autre poèmes, Anthologie brève Ed. Wallada, 2016. Traduction de Patrick Quillier -  Prologue de Rafael Alberti - Rituel final par Patrick Quillier.

 

HUGO GUTTIEREZ VEGA

Recherche : François Minod,

Francopolis, mars 2017

 

 

 

Créé le 1 mars 2002

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