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: JUIN 2017 - D'une langue à l'autre...
Atsuko OGANE : Le murmure de la Forêt
(Morino sasayaki)
森の囁き
Poèmes dans la traduction de
l’auteure

En
guise d’illustration : monotype de Roselyne Fritel (mai 2016).
Atsuko Ogane est professeure à l’Université Kanto Gakuin (Yokohama,
Japon). Ses recherches portent principalement sur « la femme fatale et
la fatalité » dans les œuvres et les manuscrits de Flaubert ainsi que la formation du mythe d’Hérodias-Salomé dans la littérature
européenne. Elle est l’auteure de plusieurs livres sur ce sujet dont le
dernier : Rêve d’Orient, Plans et scénarios de Salammbô,
Droz, 2016. L’article récent est « Danse de Nana, danse de
Salomé » dans Romantisme.
Pour la lire sur la toile : voir l’article « Intertexte et genèse de la
"conférence" finale: la Profession de foi du Vicaire savoyard »
(Revue Flaubert, n° 15, 2017).
Elle est aussi poète,
auteure d’un recueil paru à Tokyo, dont ces poèmes traduits par l’auteure.
Elle les a confiés à Francopolis, par l’aimable intercession de Christine
Bonduelle, responsable de la rubrique de poésie de la revue Secousse, que nous remercions
chaleureusement de nous l’avoir fait découvrir. Bonne lecture !
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Calligraphie de l’auteure pour
le poème Murmure de la Forêt.
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Le murmure
de la Forêt
Je songe à l’azur dans la lune
la promesse secrète déjà oubliée.
Au murmure de la forêt, suffoquée
de verdure
je suis invitée dans un univers
froid
menée par le son de la corde du
violon.
Abandonnant le moi qui m’enserre
dans un monde bleuté je me glisse tranquillement,
je confie à l’au-delà mon cœur
relâché.
Le Mantra s’étend.
Découvrant des rencontres sans
limite
partageant le temps limité
en échange de retrouvailles rêvées
je m’endors encore.
Doucement, sereinement,
quand on part en voyage sur les
vagues du cœur,
la douceur éblouissante des âmes
qui s’attirent
pardonne tout et traverse les
rides de la mer,
disant adieu au passé perdu à
cause de la parole
disant adieu au présent obtenu
grâce à la parole.
Maintenant que les particules de
l’univers
jaillissent du cratère de l’être,
sais-tu que j’ai enfin tenu dans
la main
une améthyste transparente ?
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森の囁き
月の中の蒼空に想いを馳せたのは
忘れていた密かな約束
森の囁きに 翠に噎せて
冷たい宇宙に招かれた
弦の響きが導くままに
纏い付く自分を振りすてて
静かに滑る蒼白い世界
弛緩した心を彼方に預けると
拡がりゆくマントラ
限り無い出会いを見出し
限りある時を共有し
夢の中の邂逅を交感して
また眠りに就く
ゆるやかに おだやかに
心の海へ旅に出る時
惹きあう魂の眩しい優しさは
全てを許し さざ波を渡る
言葉によって失った過去と
言葉によって摑んだ現在に訣別して
宇宙の粒子が
存在の火口から迸り
鮮やかな紫雲の蝶が飛び立つ今
透き通るアメジストを手にした私を
君は知っているだろうか
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カラカラの月
廃墟を跳躍する
玉虫色の蛍 辺り一面に
絶え間なく揺れ蠢く
生暖かい夏の夜は 歓喜へのいざない
懐かしいオリーブの木立で
再会できるだろうか
ヘリオトロープの薫りを纏って
次第に早まるtoeの縺れに
酔い痴れて
ためらいは 幾層の光に屈した
独り言になる
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La lune à Caracalla
Des lucioles gorge-de-pigeon
sautillent tous azimuts
tremblent, fourmillent, sans
arrêt.
La nuit tiède d’été est une
invitation à la joie.
Puis-je te retrouver aux bosquets
d’oliviers
qui nous rappellent des souvenirs
?
Suffoquée par l’odeur
d’héliotrope,
m’emmêlant les pieds, accélérant,
transportée d’ivresse.
La réticence
se transforme en un soliloque
qui fléchit aux faisceaux de la
lueur.
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Calligraphie exposée au Musée
Tokyo Metropolitan Art pour le poème La Création en 2009.
Calligraphie par Ginsyû Nomizu
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La Création (Tous les êtres de
l’Univers)
L’émotion sereine tombe,
les esprits blancs se soulèvent,
voltigent en tous sens
dans leurs jeux.
Atténuant la fièvre,
ils m’apprennent
la vérité sur le rêve d’hier soir.
Le mouvement fœtal du bout de la terre
secret et certain
suggère la nudité au-delà du
voile d’Isis.
Acceptant la liberté infinie de la solitude,
lançant un arc vers le vide,
on embrasse le rien de l’existence.
Seule,
la quiétude essuie
les larmes de l’Humanité.
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森羅万象
静かな感動が
降りくる
舞い上がっては
遊び心で飛び交う白い精霊たち
微熱を緩和しながら
昨日の夢の真実を
教えてくれる
地の果てから生まれ来る
胎動が
密かに確実に
イシスのヴェールの
向こう側の
裸体を仄めかして
孤独の広大な自由を
享受して
空へと弧を放ち
存在の無を抱きしめて
今では
静謐だけが
人類の涙を拭っている
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黎明譚
ゆらめいた
光つまびくからだの記憶は
ゆるがせにした 曳航の
午睡の剽窃 かおりたつ
今しもたなびく 悦楽が
遥かな声の窪みを過って
剥離した名に 彷徨い下る
弛緩した記憶の病は
響きあう 泡に解けては消え
歪んだ漸進法の きらめく波間に
麗しく 対峙する
幽玄の 音色溶け合い
立ち返りつつ 私の分岐を導いた
裾野のこだまは
解く日を告げる すいかずら
拮抗を堰き止め
歯にきぬきせて
水磨の像の 昔噺に
せつせつと
つもり続ける
まぶしい夜は
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Un conte
du crépuscule
La
mémoire du corps qui pince
un
rayon de lueur ondoyante,
c’est
le pillage dans l’après-midi
d’un
sillage négligé ;
embaumé
et flottant, le plaisir
traverse
le creux d’une voix lointaine,
et
descend, errant, vers le nom arraché.
Les
maladies de la mémoire relâchée
se
fondent en écumes résonnantes,
s’évaporent
sur les flots étincelant en strates,
s’immobilisent
splendidement face à face.
Les
sons mystérieux se dissolvent,
les
échos de la plaine au pied d’une montagne
dirigent
ma bifurcation, au retour.
Ce
sont des chèvrefeuilles
qui
annoncent le jour du décryptement
endiguant
l’antagonisme
sans
avoir la dent dure ;
à
l’écoute d’un vieux conte
sur
la figure du Suïma
continue
de s’accumuler
la
nuit éblouissante.
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Invitation
L’errance qui creuse sans cesse le vide
est une impatience bleuâtre,
le frissonnement glorieux
d’une métempsycose inconnue.
Je tends moi-même vers une main interdite
Entourée de rêverie,
quand l’impatience nous brûle,
ivre parmi les ondes claires,
je vide la coupe de la folie,
plaisir et amertume de la possession.
Je suis écrasée d’une page qui me touche.
L’excitation attendue,
les sensations empêchées entre les mots
s’écrouleront l’une sur l’autre
au ralenti
sur l’ancien vitrail
dans la belle nuit qui ne reviendra jamais
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いざない
絶え間なく
虚空を穿つ彷徨は
蒼ざめた焦燥 未知の輪廻の
栄えある慄き
許されざる手に
この身を差し出す
夢想に取り巻かれて
焦燥が 双方を焼き尽くすとき
淡い波間に
酔いしれて
触れる紙片に
踏み拉かれて
所有の悦びと苦々しさを
狂気の杯に 汲みつくす
待ち続ける励起に
失速した交感は
語と語に阻まれ
焼き絵硝子に 折り重なって
倒れこむだろう
二度と戻ることのない
美しい夜に
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Extrait de la couverture du recueil
Le murmure de la forêt, Sicho-cha, Tokyo, 2007.
Atsuko Ogane, poète
nippone
Recherché Dana
Shishmanian
Juin 2017
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