D'une langue à l'autre... |
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Actu
: JANVIER 2017 - D'une langue à l'autre... Une triste nouvelle de
Roumanie : La disparition de l’écrivain Romulus Rusan (Entrevue – photo Dana, décembre 2016) La nouvelle nous est
parvenu par les réseaux sociaux : l’écrivain Romulus Rusan,
prosateur et journaliste, mondialement connu pendant les deux dernières
décennies par l’action incessante qu’il a consacrée, aux côtés de son épouse,
la poète Ana Blandiana, à la reconstitution de la
tragique histoire du communisme en Roumanie et pour honorer la mémoire des
victimes, s’est éteint le vendredi 8 décembre 2016. Né en Transylvanie, à Alba Iulia, le 13 mars 1935,
Romulus Rusan a fait des études polytechniques à
Cluj et a débuté comme critique littéraire en 1954. Chroniqueur, reporter,
critique de film, il est l’auteur de 16 volumes de nouvelles, récits de
voyage, essais et interviews, étant récompensé par deux fois du Prix de
l’Union des écrivains pour la prose (en 1964 et 1982). Il devient, après la chute du régime
Ceausescu en décembre 1989, membre fondateur du mouvement l’Alliance Civique,
qui a donné corps et voix à la société civile, en défendant les critères
d’une véritable démocratie en Roumanie – dont l’instauration durable au
niveau des institutions de l’État et dans les mœurs de la classe politique se
fait toujours attendre, plus d’un quart de siècle après. Avec son épouse Ana Blandiana, il a fondé en 1993, sous les auspices de la
Fondation Académie Civique et avec l’appui du Conseil de l’Europe, le premier
musée au monde dédié aux victimes du communisme, le Mémorial des Victimes du
Communisme et de la Résistance, à Sighet (dans
l’enceinte de l’ancien centre pénitencier), et le Centre International
d’Études sur le Communisme en Roumanie, qu’il a dirigé jusqu’à sa mort. À ce titre, il a joué un rôle capital
dans la découverte, la collecte, le dépouillement, l’étude, la communication
de dizaines de milliers de documents et les milliers d’heures
d’enregistrement de témoignages oraux concernant les victimes du régime
communiste en Roumanie. Il a été notamment le coordonateur des études qui ont
constitué l’Addendum de l’édition roumaine du Livre noir du communisme, la publication dirigée par l’historien
Stéphane Courtois (Robert Laffont, 1997) dont la traduction en roumain fut
la première au monde (1998). Cet Addendum roumain a été inclus
ultérieurement, en traduction française, dans un second tome dirigé par
Stéphane Courtois faisant suite au Livre
noir et intitulé Du passé faisons
table rase ! Histoire et mémoire du communisme en Europe (Robert
Laffont, 2002) ; une édition dédiée du texte français, contenant
uniquement la partie concernant la Roumanie, a été publiée, avec une préface
de Stéphane Courtois, par la Fondation Académie Civique de Roumanie en 2010. C’est cette édition que j’ai sous la
main. Elle me laisse découvrir quel immense investissement de temps,
d’énergie, de courage, d’abnégation, de foi dans l’homme et son avenir, de
probité et d’amour, a été concédé dans cette entreprise colossale, et quels
sacrifices personnels, dans le but de bâtir une mémoire collective là où
l’oubli risquait de s’ajouter aux décennies de répression pour faire table
rase du passé, et effacer toute trace des crimes commis et des souffrances
endurées. Les nombreux livres de documents, témoignages et analyses publiés
(près d’une centaine), le Mémorial de Sighet,
l’école d’été pour les jeunes, l’échantillon du Mémorial installé au cœur
même de la capitale roumaine, la reconnaissance internationale de ce travail
de restitution historique et humaine, ne permettent désormais plus à l’amnésie
politique de s’installer : et cette douloureuse mémoire retrouvée,
nécessaire, seule salutaire et fondatrice d’avenir – « la mémoire comme
forme de justice » – est l’œuvre de Romulus Rusan
et de son épouse, Ana Blandiana, qui lui dédiait,
en annonçant sa disparition, ce poème renversant (ci-dessous). Il convient d’y joindre, pour honorer
la mémoire de l’écrivain, quelques extraits d’une interview datant de 2004,
choisis parmi les nombreuses prises de position qu’on pourrait citer, où se
dévoilent, me semble-t-il, les ressorts les plus intimes de son action.
Dana Shishmanian Créé le 1 mars 2002 A visionner avec Internet Explorer |