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Arnaud Delcorte
  sélection novembre 2006

il se présente à vous.


Lumière

Vous ai-je dit tout ce qu'il y avait à dire ?

Peut-être que oui

Je vous ai dit le sentiment de lumière lorsqu'elle traverse la chambre d'un pas égal
Pieds nus sur le parquet
Lorsque sa main frôle ma joue en souriant de mes maladresses
La fine pellicule de poussière déplacée à chacun de ses mouvements
Leur miroitement dans l'air si ténu
L'air invisible
Qui nous nourrit pourtant sans faillir

Cette matinée entre les rochers
Où sa peau voulait disparaître à jamais dans le sable
S'enfouir
Se mélanger jusqu'à devenir essence méconnaissable
Inorganique
Indiscernable

Un bourgeon éclos
Vaut mieux qu'un gratte-ciel de billets
Verts
Je vous l'ai dit
Il y a du vrai dans la sagesse populaire
Mais je digresse

Son rire d'écume et ses pleurs incendiaires
M'ont stupéfait
Brisé
Les tympans
Cloué aux fers
Je ne croyais pas qu'une telle intensité pût émaner d'un être
Vivant

Nous avons pris les chemins
A bras le corps
Comme on s'accroche aux jupons
D'une mère
De peur de perdre
La tiédeur de son haleine
Son odeur

Puis j'ai connu une autre vie
Vous pensez comme moi qu'on en a plusieurs
C'est écrit je crois
Quelque part
Sur l'écorce d'un chêne
Ou au revers d'un nuage
Dont j'ai suivi la trace

Une autre vie
Un autre toi
Après trente ans d'errance je suppose qu'il fallait avoir la foi
Non ?
Entretemps je perdais les pédales
Je me perdais
En chiffres
En conjectures

Je ne veux pas parler de toi ici
Tu m'as ravi
Un kidnapping sentimental
Voire sexuel
Un rapt
Où comme toujours la victime s'éprend du criminel
Chaque soir j'allume des petites flammes sous tes talons
Pour le plaisir de te voir danser
De t'entendre me dire
Tu me brûles
Pour le plaisir
Chaque matin
De baigner tes pieds usés

Il y a une histoire cachée derrière chacun de tes gestes
Mais je n'en dirai rien

Je vous ai raconté mon amour et mon amertume du monde
L'homme et ses ratés mémorables qui me font bien
Gerber
Puis ses candeurs
Ses chants de désillusion
Pourrait-on dire
Ses beautés

Je pose une main glacée sur ta fesse
Plus je vieillis plus je deviens
Gamin
Il n'y a rien de tel
Vous le savez bien
Et pourtant on craint encore les rides
L'âge a ceci d'effrayant qu'il peut
Pour certains
Durer toute la vie

Et voilà
Tu galbes le dos je te réveille
Tu me regardes
Et
Ca aussi je vous l'ai dit
Il n'y a rien d'autre
Dans ce putain d'univers
Qui m'accomplisse davantage.


 ***

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Créé le 1 mars 2002

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