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Christine Doucet
  sélection juin 2005

elle se présente à vous.


 4 textes

I

Au commencement… il y avait le feu, l'air, la terre et l'eau.

Puis, il y eut le poète.

Au premier jour, il parla du vent, des lacs et du sable, enfin il parla de l'eau et il se dit que c'était beau.
Il avait l'encre dans le sang, il ne pouvait se taire. Il écrivait cette merveilleuse respiration de la vie, en quête des gestes du monde.
Il ouvrit la fenêtre sur les mémoires perdues.
Il chercha un lieu, à la lisière du dicible, à l'envers du temps, pour violer le secret des choses et des êtres et saisir l'insaisissable.
Sa plume voyageuse traversait l'écran des mots, bravant les vents contraires, en vers et contre tout.
Il traversa des mers et des terres sans nom, en chasseur d'images, seul avec sa liberté, pour dire l'infini, entrevoir cet invisible qui traverse le regard et dire l'énigme de l'eau … et il vit que c'était beau.
Il était ce funambule aux pieds nus, marchant sur le fil, en équilibre entre deux mondes, entre l'hier et le demain. Les mots étaient son refuge, sa raison d'être, son vide, son exil…essentiel, pour dire la vie, la fragilité, la douleur. Il marchait seul, dans le lit du hasard et les jardins de la nuit.
La poésie était une voix, mais quelle était l'importance des mots si personne ne les écoutait ? Vaine écriture… Resterait-il seul sur son île ?
Il ne renonça pas à Dire, c'était sa force, c'était sa folie, il était le poète du temps, en luttes dérisoires, pour trouver le passage et fuir l'angoisse du silence.
Parti sur les chemins de traverse, à la conquête de soi, sous l'aile d'un instant et ce ciel qui passe, il cherchait le sens de la vie.

Le huitième jour, il trouva le lieu où étaient les hommes.
Il vit en eux ce qu'il y a d'invisible.
Homme parmi les hommes, il crut perdre pied.
Empêtré dans sa page, imprudent, insoumis, rebelle, acharné, il essuya les gifles du temps, en pénétrant les mémoires de luttes intimes. Rencontres inattendues …visions imparfaites, paradis artificiel.
En ouvrant sa fenêtre, il vit l'homme en colère, l'homme brutal, victime et bourreau, dans le tumulte des armes.
Il vit en l'homme sa propre souffrance, l'image furtive de la vie qui meurt irrémédiablement, comme le jour devient nuit.
Il vit l'homme dans sa quête du bonheur, il vit la beauté, la laideur, la folie, la richesse et la précarité, les jeux destructeurs, les jeux interdits, l'attente, les amours perdus.
Il sut que cette image qui s'esquive, au-delà du temps, c'était la sienne et il voulut parler au monde, contre vents et marées, au hasard de ses naufrages.
Il ne trouva pas de rêve, il voulut crier son néant.
Il prit les mots, manipula les facettes de la vérité, esquissant des images de paix. II sentait ce pouvoir reçu, il connaissait la conscience de la pierre et de l'arbre, il aurait aimé rétablir la sérénité cosmique. Ses mots seraient l'exutoire pour exorciser le mal du monde.
Il lança un appel qui s'évanouit comme l'eau à travers le filet.
Obscur délire, désespoir sournois !
Il lui fallait faire jaillir l'inattendu pour que l'homme naisse de l'étonnement et connaisse le jour. Troubadour infatigable, hôte de passage, il savait que sa parole avait un son d'inachevé, de transitoire.
Le jeu était exigeant, l'enjeu démesuré. Il ne pouvait arrêter le temps.

Au dernier matin du monde, dans la lumière voilée de poussière, il trouva alors le lieu de son sommeil définitif, au cœur du glacier.
Il savait aussi que naître c'était déjà être mort, mais avec les mots il naîtrait d'une nouvelle liberté.

Au-delà de son cri, il y avait ce fragment, le geste du poème, qui laisse une trace, une trace de solitude, infiniment fugitive.
Lorsque les mots se sont tus, le silence enfin parla.

…………………………….écoutons le SILENCE et l'EAU

 

****

II

L'orfèvre inlassable
sculpte cisèle
La terre s'abandonne
à ce baiser de sang
L'orfèvre étend sa nasse
et jette l'encre de la nuit
pour faire taire les oiseaux
Ciel et terre s'unissent
délaissant même leurs ombres
Le murmure d'un mensonge
monte comme un chant
La lune voudrait gommer le noir
patiente vigile
elle attend sa mort
dans la promesse du jour

Le temps s'étire
Et tout se tait

 

****

III

Le vent a des mains
qui voudraient boire le temps
Tapi dans l'angle de la terre
il nourrit sa force
avant de vouloir exister

Fils du sable et des larmes
le vent part en exil
quelque part
en démiurge solitaire
profanant la dune offerte
hurlant son pouvoir
au silence des pierres
indifférent
au sabbat des ombres
échevelant le rempart de nos vies

Infatigable nomade
il s'étiole avec le jour
capitule
au bout d'une errance frénétique
pour enfin se taire
dans une mort qui ressemble à l'absence

 

****

IV

A la fissure du temps
sur la ligne des crêtes
chargées d'or
le vent tiède attend
plein de la poussière des moissons

Le jour éclaboussé
par l'étreinte du feu
s'éteint
dans une supplique silencieuse

La rumeur de la terre
s'épuise enfin
dans un bruissement
de silence



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Créé le 1 mars 2002

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