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Yann Francis
  sélection mai 2005

il se présente à vous.


  J'ai la tête un peu trop

 

J'ai la tête un peu trop à gauche. C'est grotesque, je le confesse, on dirait que mon épaule droite est gigantesque. J'ai pas été voir le docteur parce qu'il est mort de vieillesse pendant ma naissance, et ma naissance, j'en parle même pas, vu que je suis trop jeune pour m'en souvenir. Avoir la tête à gauche, c'est embêtant et ce n'est rien. J'ai aussi le pied mou. Je sais, c'est dégoûtant. Quand je marche, mon corps s'enfonce dans mon pied. Quand je marche? C'est vite dit. Y a pas moyen de marcher avec un pied mou. Alors, en général, j'attends, la tête un peu trop à gauche. J'attends que Pénélope vienne me chercher dans son carrosse tiré par un dromadaire. Pénélope, on peut l'attendre longtemps surtout quand elle n'existe pas, ce qui lui arrive souvent. Elle prend congé comme ça, sans raison. Elle dit : « Bon bin là ciao! » et puis elle disparaît. Enfin, c'est ce qu'on raconte. Moi, je peux pas vérifier puisque j'attends Pénélope, à Kaboul, le pied mou, la tête comme vous savez. C'est ridicule, j'en conviens. Mais moins ridicule que mes cheveux. Mes cheveux brûlent, c'est classique. Dès que je pense à mes cheveux, ils prennent feu. Vous allez dire que c'est pratique, en attendant Pénélope je peux m'allumer une cigarette et contempler mon pied mou. On voit bien que vous savez plus quoi penser. D'abord, je fume plus depuis que j'ai arrêté. Ensuite, j'attends Pénélope. Je peux pas avoir la tête un peu trop à gauche, le pied mou, les cheveux qui brûlent, attendre Pénélope tirée par un dromadaire kabouli et en plus, fumer quand je fume pas. Je peux quand même pas faire cinq choses en même temps et surtout que j'écris. Oui, j'écris. Des petits poèmes en prose pour Pénélope. Faut pas lui dire, c'est un secret. Pénélope, elle sait pas lire. Mais c'est pas grave, moi aussi je sais pas. J'ai jamais appris. C'est ennuyant. Le jour où j'aurai enfin terminé mon recueil de poésies pour Pénélope, je pourrai pas les lui réciter. Et elle pourra pas se les dire non plus, même si, ce jour-là, elle existe. Et de toute façon, si je savais, je pourrais encore pas, vu que mes yeux sont bouchés. C'est de famille. Mon père et son père, et encore son père ont toujours gardé leurs paupières closes. Y a pas de gêne. Je me débrouille. J'attends. La tête un peu trop à gauche. Je me regarde dans le blanc des yeux. Des fois je me demande l'heure, ça change de l'ordinaire.





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Créé le 1 mars 2002

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