|
Jean Agoupiets sélection
novembre 2003
cet auteur se présente
à vous
les enfants
résistent à presque tout |
l'armature des calanques la pesanteur était cruelle
je voulais porter toute la mer sur mes épaules
pour que la pression tue les enfants qui s'y
perchaient
et sentir mon crâne craquer comme un vieux sous-marin
moi le corps fait de plaques métalliques
prêtes à se disjoindre tant il était enflé
enceint d'un jardin noir
où poussaient d'ignobles monstres
mon corps était une plaisanterie
qu'on s'échangeait seulement bout par bout
rire d'un seul coup m'aurait reconstitué
loin sous les couches surchargées des ancètres
dans le cirque du centre de la terre
le pourtour du cercle des enfants morts devenait de
plus en plus chaud
s'enchaînait à mon ventre
comme un anneau dans un mufle de boeuf
l'air qui leur restait surnageait très loin en bas
malgré cela beaucoup d'entre eux
parvenaient encore à renaître
des bouchers suspendus à des trapèzes
nous caressaient au passage
lorsqu'ils ils atteignaient le point le plus bas
notre masse diminuait à chacun de leurs frôlements
nous volions de plus en plus avec eux
de plus en plus parmi eux
nous les chrysalides de bouchers brandissant un
bourgeon de couteau
comme s'il s'était agi d'un sceptre
pour régner sur ce qui saigne
les bouchers fondaient sur nous depuis leurs trapèzes
et nous emmènaient morceau par morceau
enroulés dans leur tablier
cela faisait mourir les enfants une deuxième fois
et seul un petit nombre d'entre eux
ressurgissait sur les gradins
ayant projet d'en finir
une bonne fois pour toutes avec les enfants
j'ai décidé de jouer le numéro
qui entraînait ma séparation en vingt-deux bouddhas
d'obédiences diverses
j'ai pris la nappe jaune d'or de ma grand mère
qui était venue avec moi assister au spectacle
elle ne voyait plus que les couleurs éclatantes
alors sa nappe l'accompagnait partout
elle n'était pas tout à fait morte
seuls ses pieds traversaient déjà le chapiteau
sa nappe était le tout dernier objet
qu'elle arrivait à repérer
le fantôme allongé qui la retenait encore à
la vie
par amour de de l'injustice j'ai découpé la nappe
en vingt-deux fragments inégaux
pour habiller les bouddhas
certains auraient trop chaud d'autres trop froid
j'ai regardé ma grand mère privée de sa
nappe
maintenant complètement aveugle
elle mourait à tâtons
puis je me suis divisé
et nous
les vingt-deux sages en robe safran
pour notre première leçon de cruauté
nous avons formé deux équipes de football
disposées en constellation sur la piste du cirque
c'est l'équipe de la mort qui a gagné
et très affectés par ce résultat
les enfants sont enfin tous tombés de mes épaules
->
Vous désirez envoyer un commentaire sur ce texte? Il
sera rajouté à la suite en entier ou en extrait.
-> Vous voulez nous envoyer vos textes?
Tous
les renseignements dans la rubrique : "Comité
de poésie"
|
