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Jean-Marc La Frenière, sélection
No.19
Octobre 2004
Vous pouvez le rencontrer sur son site
Il se présente
à nous.
Je songe à ma femme qui est parmi les
fruits, les plantes, les oiseaux. Je me réveille à peine
et je la sens présente. Je la dispute aux feuilles, aux abeilles,
à la neige. Ses bras sont un ruisseau où je plonge mes doigts.
La rosée tendrement vient me parler pour elle. Ses yeux font sur
ma vie un grand vague perdu. Je l'imagine encore toute fine et tremblante,
agrandie par les champs, avalée par le vent. Je demande aux oiseaux
de l'embrasser pour moi. Les plantes lentement penchent la tête
sur elle. Les gestes des ajoncs ressemblent à ses cheveux.
Après toutes ces années, elle renaît au printemps
et passe doucement pour me dire bonjour. Ses bruits de papillon rendent
sa mort légère. Elle s'étend pour l'été
dans la terre du jardin. J'y sèmerai des mots qui sentent la framboise,
des mots verts, des mots bleus, des mots imprononçables aux syllabes
d'arc-en-ciel. Elle sert de racines à ma flore d'espoir.
*
Je la guette derrière le silence. Elle détache les
arbres prisonniers de la terre. Son souvenir a la force du vent. Il pousse
les fontaines un peu plus vers la soif. Ses paupières sont des ailes
dans le ciel du rêve, ses souvenirs des rames dans l'eau de la mémoire.
Pour peu que j'imagine un peu de pluie ancienne, le vide à mes
côtés se remplit de présence. Son corps, ce matin,
est le soleil qui pointe et déshabille d'un geste les seins de
l'horizon. Son corps, ce matin, est un désert envahi de verdure.
Le monde malgré tout s'emplit de plénitude.
*
Un million d'années c'est peu, mais cinq années sans
toi, une journée sans toi, une seconde sans toi, c'est plus long
que la mort.
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