On l'a retrouvée cachée derrière une pierre de la cheminée. On déménageait la maison familiale, plus exactement on la vendait. Grand-mère venait de mourir et personne ne voulait entretenir cette vieille bicoque délabrée. La mairie ayant des vues dessus afin d'en faire un lieu de vie pour enfants handicapés, les trois frères et sœurs se sont empressés de répondre à ses voeux, sauf que pour nous les petits-enfants, c'était un vrai crève-cœur, c'était la maison des vacances !
C'est Rachel qui l'a trouvée. C'était elle la plus atteinte, la plus chagrinée de tous les petits-enfants, elle avait passé l'après-midi à caresser les murs, à les embrasser, à dire adieu à tous les recoins. Lorsqu'elle a dit au revoir à chaque pierre de la cheminée, sa main est tombée sur un amas de petits bouts de papiers bien cachés. Elle les a sortis délicatement et a tout de suite vu qu'il s'agissait d'une photo déchirée. Elle qui adorait les puzzles, elle s'est installée par terre, il n'y avait plus ni table ni chaise, et s'est mise à reconstituer la photo, ça ne lui a pas pris plus de cinq minutes. Elle a cherché qui pouvait bien être ce zouave sur la photo, ce n'était manifestement pas grand-père, il n'avait pas fait la première guerre mondiale à cause de son asthme, alors qui était ce type jeune et moustachu ? Et comme il y avait du scotch qui traînait par là pour fermer les cartons, elle fixa les petits bouts entre eux et demanda aux adultes présents s'ils savaient qui était ce jeune et beau garçon. On la poussa, on la houspilla, on la gronda : « ne reste pas dans les jambes de tout le monde s'il te plait, tu ne vois pas que tu gênes ? ». Elle se réfugia dans le jardin, son trésor à la main qu'elle dévisageait pour y trouver une ressemblance quelconque avec une personne connue. « Tu as regardé derrière s'il y a quelque chose d'écrit ? » lui demanda tante Rose qui passait avec un énorme paquet dans les bras.
Rachel n'y avait pas pensé et aussitôt, elle retourna la photo. En écriture fine, en anglaises étaient tracés quelques mots légèrement effacés qu'elle déchiffra : « à Denise, mon amour pour la vie » et c'était signé Charles.
Rachel ouvrit de grands yeux et relu pour être sûre : « à Denise, mon amour pour la vie » et c'était bien signé Charles. Denise, c'était grand-mère qui venait de mourir, mais Charles, c'était qui ?

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