Vos textes publiés ici après soumission au comité de poésie de francopolis.







 
actu  
  archives

 


Michel  Henric-Coll (Pikkabu)  sélection mars 2005

Valencia, en Espagne , il se présente à vous


 UNE PETITE FLEUR DES CHAMPS

Je sortais du bureau, errant parmi la multitude que la ville vomit en ces heures vespérales de migrations, traînant mon corps dans les rues sans besoin, ni envie, d'arriver nulle part. Ce n'était qu'une après midi de plus, dans une vie qui me donne des nausées comme un mauvais alcool.

Je regardais sans la voir quelque vitrine anonyme, le bras allongé par un cartable de travail, quand la jeune femme s’approcha.

- « Bonjour. Voulez-vous être heureux ? », me demanda t-elle.

Ses paroles tardèrent à parvenir à mon cerveau. Elles n'étaient rien d'autre qu'un des multiples reflets que je discernais dans la vitrine, une illusion qui s’ajoutait à celles qui empreignaient déjà mes sens, sans que je puisse leur donner la moindre signification.

Tout en laissant les échos de sa voix pénétrer mon esprit alangui, je l'observais. Elle était jeune et plutôt attirante ; les traits de son visage indiquaient quelque origine slave, ou peut être bohémienne. Son regard avait une étrange profondeur, comme une porte ouverte vers l'infini. J'éprouvais une certaine appréhension, aussi trouvais-je plus commode de baisser les yeux. Elle portait des sandales de toile, un jean, et un court chemisier qui laissait son nombril à découvert, et dont la blancheur contrastait avec sa peau mate.

Quand je remontais mon regard, je plongeais à nouveau dans ses yeux, et me demandais comment ils pouvaient être à la fois si noirs, et projeter autant de lumière. Qui était-elle ? Elle n’avait pas l'air d'une de ces filles qui cherchent l'aventure, ou quelque arrangement économique. Je crois bien que je restais bêtement planté, attendant que les engrenages de mon cerveau se mettent en marche, et puissent m'apporter une réponse.

- « Voulez-vous être heureux ? » Répéta t-elle.

- « Je n'ai nul besoin d'être heureux », mentis-je, et j'ajoutais avec provocation: « ou te proposes-tu de me rendre heureux toi-même ? ».

Je vis en son regard se fermer la porte vers les étoiles, et vaciller la lumière qui m'avait troublé. Cependant, son sourire s'adoucit et elle reprit la parole. Ce qui arriva ensuite me laissa stupéfait : elle me raconta ma propre vie. Elle décrivit tous mes doutes, mes angoisses, mes carences et mes déceptions. Elle savait de mes espoirs, de mes larmes pour tant d'occasions perdues, pour tous ces chemins que j’avais abandonnés au premier obstacle, pour suivre étourdiment l'autoroute vers nulle part.

Cette femme savait tout de moi, elle connaissait ma douleur de vieillir et de me rendre compte que j'ai épuisé ma quote-part de chances ; ma souffrance quand croyant repêcher mon âme, à demi noyée entre les immondices qui nous engloutissent, je découvre que nous avons construit un mur d'incommunication qui nous isole de ceux que nous voudrions aimer, qui nous vole l'espoir de donner, et de partager. J'ai mal quand je vois que mon corps et ma tête se sont désunis, désagrégés, et vivent maintenant sur deux plans différents ; j'ai peur de ne plus pouvoir plaire, mais l'ais-je jamais pu ? J'ai le sentiment confus de me trouver derrière un miroir sans tain, de tendre une main que personne ne voit, et personne ne peut prendre.

Elle lut, au plus profond de moi, la torture de l'absence, de n'avoir personne à aimer. Et pourtant, je t'ai cherchée, toi qui pourrais accepter mes baisers et entendre mes mots d'amour. J’ai si mal de t’avoir perdue. Ou est ce de ne pas t’avoir encore rencontrée.

 J’ignore si elle comprit. Mais qui peut comprendre le besoin d’aimer ?

Un jour le sexe a tué l'amour, l'orgasme a tué le sexe, et c'est nous qui sommes morts. Adieu à ces dialogues angéliques entre nos peaux, sans autre souci que sentir, donner, aimer, sensibles à la moindre nuance de la symphonie, respirant longuement chaque fleur du jardin, parfois vainqueurs des neiges éternelles qui resplendissent au plus haut des sommets, parfois immergés entre les coraux pourpres d'un paisible océan. C'est là que le plaisir nous prenait au dépourvu, effarouchés par la violence du miracle, puis nous relâchait, épuisés et rassasiés, bercés par les nuages.

Puis l'orgasme se convertit en un but, en la justification de toutes nos rencontres, la mesure mathématique du désir, le trophée routinier à recevoir à la fin de chaque course, et la prouesse tua la poésie. Ah, connaître l’amour, encore une fois.

Cette femme inconnue, comment pouvait-elle savoir que je rêve de toi sans repos, que je te parle, en mes rares moments d'espérance, que je te conte mes illusions, et que tu écoutes les borborygmes de mon esprit sans jamais me censurer, ni me critiquer. Et que je pleure pour toi, aussi, que j’écoute tes amertumes et tes tristesses, ta main dans la mienne, avant d’éclater de rire quand nous balayons les orages.

Comment pouvait-elle savoir que je te berce entre mes bras, mes yeux clos, parce que nous voyons trop de choses et que ça aveugle les sentiments ? Je veux seulement sentir ta peau, te voir du bout des doigts, du frôlement de mes lèvres.

Tu sais bien que je te désire, mais que je convoite bien plus que ces moments faciles, trop fragiles, qui laissent la bouche aigre comme mordre une pêche amère. Toi, tu emplis mon âme de bontés et guéris mes blessures en m’offrant ta confiance ; tu sais que te trahir serait me condamner moi-même, me fermer les portes de la rédemption.

Je veux te parler, te dire ce que je ressens, bannir les masques, perdre la crainte d’être jugé. Et t’écouter, penser que je ne suis pas seul dans l’univers, que je ne suis pas un animal étrange, errant désorienté sur une planète sans âme ; qu’il y a quelqu’un qui pense comme moi, qui vibre comme moi, qui se réchauffe aux même feux, s’éclaire aux même étoiles, boit aux même fontaines et nourrit les mêmes rêves. Je veux prendre en mon cœur ces brassées de tendresse qui, ne pouvant l’offrir, se dessèche, et  me dessèche moi aussi. La tendresse que nous gardons par de vers nous est le véritable cholestérol qui obstrue nos artères.

Je veux marcher sur les braises, voler au-dessus de la médiocrité que nous avons forgée, nager nus au clair de lune, rugir de plaisir, crier des mots malsonnants, et rire de notre innocence comme des enfants, ah, rire ! sans rime ni raison. Pleurer aussi. Mêler mes larmes aux tiennes, non point de désespoir, mais pour laver toute la saleté que nous accumulons en notre intérieur, et récolter les tiennes de la pointe de ma langue pour savourer leur sel, car elles ont goût à vie.

Il y a si longtemps que j’ai perdu le nord. Je ne peux admettre que nous ne sommes que des feuilles emportées par le vent. Je ne peux vivre dans des mondes parallèles, sans que se croisent nos chemins. Je ne peux perdre une autre chance de partager mon âme, prisonnier dans mon armure rouillée. Je veux emplir mon palais de vie avant de mourir. Je veux savoir que tu existes, toi, la compagne de mes douleurs, et de mes espérances.

La jeune femme a cessé de parler. Ou était-ce moi ? Quelqu’un parlait-il, vraiment ? Je ne suis sûr de rien, tout est si flou, j’ai un peu le vertige.

Ces visions m’ont percuté comme les vagues de l’océan. Les eaux ont nettoyé le sable des détritus qui l’encombraient, pour y déposer une vie nouvelle, prête à le fertiliser ; elles ont balayé la pollution qui me recouvrait puis, comme le font les vagues, elles se sont retirées, me laissant abandonné, cette fois encore.

Je sais à présent ce qu’est l’enfer ; c’est quand meurt l’espoir. C’est ouvrir une fenêtre, vous laisser respirer les étoiles, écouter chanter les anges, et la refermer avant que vous ne puissiez la franchir. L’enfer, c’est étouffer l’humanité que vous portez, c’est la pudeur de dire je t’aime et je veux partager un fragment d’éternité avec toi.

L’inconnue approcha sa main de mon cou, comme pour une caresse. Entre ses doigts, elle tenait une petite fleur, qu’elle agença dans la boutonnière de ma veste.

- « Tu sais maintenant ce que tu dois faire », me dit-elle, « la fleur t’aidera à détruire le mur, le bonheur est juste derrière ».

Du bout des doigts, elle ferma mes paupières, et je sentis une douce chaleur m’irradier. Lorsqu’elle retira la main, j’ouvris les yeux, mais je ne la vis pas. J’étais en train de regarder un poster qui, derrière la vitrine d’un vidéoclub, annonçait un dessin animé moderne : la fée et le prince solitaire. La fée portait un jean et un chemisier blanc qui laissait son nombril à découvert. Il ne me manquait plus que ça, pensais-je, j’ai des hallucinations, c’est plus grave que je ne le croyais. Je devrais arrêter de boire. Ou bien boire le double.

Je cessais alors de fixer le poster, et ma vue s’ajusta un bref moment à la vitre. J’y distinguais nettement mon reflet, et l’image me fit sursauter. Je baissais les yeux jusqu’au revers de ma veste, et la vis clairement : une petite fleur des champs ornait ma boutonnière.

* VERSION ESPAGNOL

UNA PEQUEÑA FLOR SILVESTRE

Al salir del despacho, erraba entre la multitud que la ciudad vomita diariamente en estas horas de migraciones vespertinas, arrastrando mi cuerpo por las calles sin necesidad ni ganas de llegar a ninguna parte. Era una tarde más, en una vida que me produce resaca como un mal alcohol. Miraba sin verlo algún escaparate, el brazo alargado por el peso de mi cartera, cuando se me acercó la mujer.

- “Hola, ¿quieres ser feliz?”, me preguntó.

Sus palabras tardaron en hacerse camino hasta mi cerebro, no eran más que otro de los múltiples reflejos que veía en la vitrina, otra más de las ilusiones de movimiento que llegaban a mis sentidos sin que los haya llamado, ni supiera darles un significado.

Mientras dejaba los sonidos de su voz penetrar mi mente lánguida, la miré. Era joven y atractiva; los rasgos de su cara indicaban una procedencia eslava o cíngara. Su mirada tenía una sorprendente profundidad, como una puerta abierta hacia el infinito. Me entró algo de aprensión así que encontré más seguro bajar los ojos. Vestía sandalias de tela, un pantalón vaquero, y una camiseta cortita que no llegaba a taparle el ombligo, y cuya blancura resaltaba su tez morena.

Al alzar de nuevo la vista, volví a hundirme en sus ojos y me pregunté como podían ser tan negros y a la vez proyectar tanta luz. ¿Quién era? No parecía una chica en busca de aventura, o de arreglos económicos. Creo que me quedé tontamente plantado, esperando que los engranajes de mi cerebro se pusieran en marcha y me dieran alguna respuesta.

- “¿Quieres ser feliz?”, repitió.

- “No necesito ser feliz” - mentí. - “O ¿es que quieres hacerme feliz tú?” contesté provocativamente.

Noté en su mirada como la puerta hacia las estrellas se entornaba, y que la luz que me había turbado parpadeaba. Pero su sonrisa se suavizó y siguió hablando. Ocurrió entonces algo asombroso: empezó a contarme mi propia vida. Me describió mis dudas, mis angustias, mis carencias y mis decepciones. Sabía de mis anhelos, de mis llantos por tantas ocasiones perdidas, por estos muchos caminos que había abandonado a la primera curva, siguiendo atolondrado el autopista hacia ninguna parte.

Esta mujer sabía todo de mi, sabía mi dolor por envejecer y comprender que ya he desgastado mi cupo de oportunidades; mi sufrimiento cuando, creyendo repescar a mi alma de entre los cubos de basura en los que nos ahogamos, descubro que hemos construido un muro de incomunicación que nos aísla de las personas a las que quisiéramos amar, robándonos la esperanza de dar y compartir. Siento dolor al ver que mi cuerpo y mi mente se han disgregado y viven en planos diferentes, miedo a dejar de gustar, pero ¿pude jamás? Tengo la confusa sensación de encontrarme tras un cristal sin estaño, tendiendo una mano que nadie puede ver, y nadie puede coger.

Y me habló de tí. Leyó, en lo más profundo de mí ser, la tortura de la ausencia, de no tener a quien amar, a quien supiera aceptar mis besos y oír mis palabras de amor. Me duele tanto haberte perdido, o será de no haberte encontrado aun. No se si comprendió. ¿Quien puede comprender el hambre de amar?

Un día el sexo mató al amor, el orgasmo mató al sexo, y morimos nosotros. Se acabaron los diálogos de ángeles que mantenían nuestras pieles, sin otra preocupación que sentir, dar, amar, sensibles al menor matiz de la sinfonía, respirando cada flor del jardín, inmersos en las nieves eternas que resplandecen en la cumbre de los picos, o en los corales purpúreos de un caliente océano. Ahí nos sorprendía el placer, desprevenidos y algo asustados por la violencia del milagro, dejándonos exhaustos y saciados, acunados entre las nubes.

Luego el orgasmo se convirtió en el fin, la justificación de todos nuestros encuentros, la medición matemática del seudo amor, el trofeo rutinario a recoger al final de cada carrera, y la hazaña asesinó a la poesía. Ah, ¡volver a conocer el amor!

¿Cómo podría saber, esta mujer desconocida, que sin descanso sueño contigo, que te hablo en mis escasos momentos de esperanza, que te cuento mis ilusiones, y que escuchas los gorgoteos de mi cabeza sin censurarme ni criticarme jamás. Que también lloro por ti, que escucho tus amarguras, tu tristeza a veces, tu mano en la mía, antes de carcajearnos de felicidad cuando echamos fuera las tormentas.

¿Cómo podría saber que te mezo entre mis brazos, con mis ojos cerrados porque vemos demasiado y esto ciega el corazón? Sólo quiero sentir tu piel, quiero verte con la huella de mis dedos, con el roce de mis labios. Sabes que te deseo, pero que ambiciono algo mucho más grande que aquello que puede conseguirse tan fácilmente y deja la boca agria como al morder un melocotón amargo. Tú llenas mi alma de bondades y curas los moratones de mi corazón porque confías en mí, comprendes que traicionarte sería condenarme a mi mismo, cerrarme definitivamente la puerta de la redención.

Quiero hablarte, decirte cómo me siento, revocar las máscaras, perder el miedo a ser juzgado. Y escucharte, sentir que no estoy solo en el universo, que no soy un bicho raro extraviado en un planeta desalmado, que alguien piensa como yo, siente como yo, se calienta en los mismos fuegos, se alumbra con las mismas estrellas, bebe en las mismas fuentes y alimenta los mismos sueños. Quiero contarte como soy por dentro y oír como eres tú. Quiero prender a puñados en mi corazón todo el cariño y la ternura que, por no donarlos, se están resecando, y me están resecando a mí. El cariño que no damos es el verdadero colesterol que emboza nuestras arterias.

Quiero andar sobre las brasas, volar por encima de la mediocridad que nos hemos forjado, nadar desnudos a la luz de la luna, decir bobadas, gritar palabras malsonantes, y reír como niños de nuestra inocencia, ah, ¡reír!, sin rima ni razón. Y llorar. Mezclar mis lágrimas con las tuyas, no por desespero, sino para limpiarnos de toda la suciedad que acumulamos por dentro, recoger las tuyas con la punta de mi lengua y disfrutar con su sal, porque sabe a vida.

Hace mucho que ando perdido, sin encontrar el norte. No me resigno a pensar que somos hojas llevadas por el viento. De algún árbol debemos proceder, alguna clase de semilla debemos de ser. No me resigno a vivir en mundos paralelos sin que nuestros caminos se crucen. No me resigno a seguir perdiendo la oportunidad de compartir mi alma porque vivo en una armadura oxidada; quiero llenar mi paladar de vida antes de morir. Quiero saber si existes, tú, compañera de mis dolores y de mis esperanzas.

La mujer ha dejado de hablar. ¿O hablaba yo? ¿O bien, nadie hablaba? No lo se bien, todo es tan confuso, siento vértigo.

Las visiones me han golpeado como la ola de un huracán. Sus aguas han barrido la inmundicia de la arena y han depositado un nuevo mundo de vida, dispuesto a fertilizarla; han removido la manta de polución que me recubría pero, como las olas, se han retirado, abandonándome otra vez.

Ahora se que el infierno, es cuando muere la esperanza. Es abrir una ventana, dejarte ver las estrellas, oír a los ángeles, y luego cerrarla antes de que puedas traspasarla. El infierno es ahogar tu humanidad, es el pudor que impide decir te quiero y quiero compartir un fragmento de eternidad contigo.

La joven acercó su mano a mi cuello, como para una caricia. Entre sus dedos tenía una flor que introdujo en el ojal de mi chaqueta.

 - “Ya sabes lo que tienes que hacer”, me dijo, “la flor te ayudará a derrumbar el muro, la felicidad está detrás”.

Con la yema de sus dedos, me cerró los párpados y noté un calor irradiando en mí. Cuando retiró la mano, abrí los ojos pero no vi a la joven. Me encontraba mirando un cartel que, detrás del cristal de un video club, anunciaba una película de dibujos animados: El Hada y el Príncipe solitario. El hada llevaba vaqueros y una camiseta blanca que dejaba al descubierto el ombligo. Lo que me faltaba, pensé, empiezo a tener alucinaciones, estoy peor aun de lo que imaginaba. Tendré que dejar de beber. O bien beber el doble.

Dejé de focalizar el cartel y mi vista se ajustó un instante al cristal. Vi entonces en él mi propio reflejo, y la imagen me produjo un sobresalto. Bajé la mirada a la solapa de mi chaqueta, y lo comprobé: llevaba una pequeña flor silvestre en el ojal.
 

-> Vous désirez envoyer un commentaire sur ce texte?
        

 

-> Vous voulez nous envoyer vos textes?

Tous les renseignements dans la rubrique : "Comité de poésie"

Créé le 1 mars 2002

A visionner avec Internet Explorer