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Patricia Romanet
sélection mars 2005
de France, anime des ateliers d'écriture , elle se présente à vous
Les
masques ne viennent jamais seuls. Nous les posons, un à un sur notre
visage. Dans les coulisses mystérieuses des détresses dont
on ne peut se défaire. Dans l’obscurité de la lumière
crue, saillante, perçante, vorace de l’en-dedans de l’Etre.
Contact.
Les doigts fouillent le fard blanc. Lisse et blanc. Onctueux. Comme la chaude
couverture contre l’hiver de glace. Fard tiède. Température
idéale. Trompeur déjà. Tiède comme la peau. Onctueux
comme la peau. Lisse et blanc. Comme elle. Il en est presque sensuel. Vacherie! Il ne manquerait plus que ça !
Doigts maculés du ciment-geôle de notre chaos.
Déjà, ils ne sont plus doigts. Ils sont verrou. Mais le sait-on
? Le sait-on, quand ils approchent lentement ce visage à voiler, à
cacher, à enfouir, à vomir, à soustraire, à haïr,
à oublier, à enfoncer dans la terre plus profondément
que les racines de l’arbre ancestral… Le sait-on…
Quelques minutes à peine ont suffi. Vingt ans. L’éternité.
L’éternité toute entière entre l’instant où mes
doigts parcourent la distance qui les sépare de mon visage. C’est
long, l’éternité ! On a le temps de tout revivre, de tout refaire
sans rien changer. On ne peut pas changer ce qui a vécu. On a le temps,
une dernière fois, de refaire ce parcours. Les yeux dans les yeux
de soi. Tout y est. J’ai vérifié. Tout y est.
Contact.
Ils ont trouvé ce qu’ils cherchaient.
Barbouiller le visage. Tout le visage. Méticuleusement. Soigneusement.
Attentivement. Passionnément. Ce sera le dernier geste passionné.
Il faut le déployer. Lui donner son plein sens. Le sentir précis,
volontaire et tenace. Dans la persévérance de l’extrême.
Accomplir le chemin inverse.
Les doigts s’activent. Pommettes, front, tempes, les paupières, l’arête
et les ailes du nez, le tour des lèvres, les lèvres même,
le menton, le cou, les oreilles… Ils cimentent les doigts. Ils plombent de
blanc la chair d’antan… déjà d’antan… mon Dieu… déjà…
quel gâchis !
Refaire le chemin en sens inverse. Quitter l’ombre de la lumière et entrer dans la lumière de l’ombre.
Barbouiller. Boucher les pores de la peau qui n’est plus peau déjà.
Qui n’est plus que l’en-dedans, comme l’est l’en-dedans d’avant depuis toujours.
Le faire vite et lentement.
Pour ne pas penser. Ou pour y penser pour la dernière fois…
Avant de les ôter un à un, il faut les avoir posé un à un.
Dans l’anti-naissance de soi-même.
Ou dans la pré-mort.
C’est la même chose.
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