|
|
|
|
NadjetTabouri,
sélection février 2010 elle se présente à vous.
Un clic. Il ferme la fenêtre, un long soupir pour expirer son épuisement. Les mots ne servent plus à rien, ne savent plus dire la lassitude, se sont octroyés le monopole de la solitude, du silence... Et pourtant ! Il en a assez de ces soirées passées derrière un écran, à guetter la moindre apparition sans que ce ne soit jamais la personne qu’il attend… Jamais plus, lui a-t-il dit… Et pourtant ! Il ouvre une autre fenêtre, sort les e-mails où elle le supplie de lui pardonner, où il devine ses larmes et son désespoir. Son cœur a durci et il n’a pas su lui pardonner. Plus jamais... Et pourtant ! “Mon amour, j’ose à peine t’appeler ainsi, le temps attendrira peut être ton cœur et tu te souviendras de nos années d’enfance, de nos rires insoucieux. Pardonne-moi le mal que je t’ai fait, que je nous ai fait. Mais à trop attendre j’ai laissé passer le bon moment... J’attendrai le temps qu’il faudra pour que tu me pardonnes et si tu ne le fais pas, parce que tu ne peux pas ou ne le veux simplement pas, je comprendrai. Mais je t’en supplie, je t’en conjure avec tout ce qui me reste comme force pour écrire, avec le dernier gramme de dignité que je peux encore avoir, ne me laisse pas dans le doute. J’ai toujours été sincère et je le serai toujours, tu en es conscient. Si je dois vivre le restant de mes jours avec le goût amer du regret d’avoir gâché notre histoire, tant pis pour les années de bonheurs tuées par l’inconscience... Mais ne me fais pas prisonnière du temps et de ton silence. Je souffre de ton absence et du rôle que j’ai malgré moi joué dans ce dénouement terrible auquel rien ne me laissait croire...” Il referme la fenêtre. Il n’osera pas cette fois non plus aller jusqu’à la fin. Il ne lui en veut pas pour ce qu’elle a caché, mais parce qu’elle l’a caché, ne lui fait-elle donc pas confiance ? Pourquoi a-t-elle attendu si longtemps pour le lui dire ? Il ne sait même plus pourquoi un mur se dresse entre son cœur et son regard qu’il devine meurtri, ses doigts qu’il sait affolés parce qu’appréhendant une réponse qui ne viendra pas. Il ignore ses excuses, lui refuse le pardon... Et pourtant ! Pourtant il tremble en voyant son nom apparaître sur sa liste de contacts, sursaute à chaque sms espérant qu’il soit d’elle... Pourquoi ne peut-il pas lui dire qu’il ne lui en veut pas, que rien ne vaut la peine de jouer leur amour, si incertain aujourd’hui. Il a dit plus jamais... Et pourtant ! Elle se couche, mais ne dort pas. Elle promène son regard dans le noir. Tout est gravé de son image, le silence parle de sa voix... Plus jamais lui répète cette voix... Jamais plus se dit-elle aussi... Et pourtant ! Elle se remémore chaque mot aigre, volontairement blessant. Elle pleure le sang à la vue d’une messagerie vide. Elle attendra le temps qu’il faudra attendre... Mais combien ? Où puiser la force pour la patience ? Comment oser se regarder dans une glace qui sort ses crocs et lui crie qu’elle est la seule responsable ? Où va-t-elle fuir le regret et se mettre à l’abri du miroir ? Elle n’a pas voulu tout ça... Et pourtant. Elle s’est condamnée à l’éveil, compte les minutes des nuits sans fin, écoute grincer les étoiles... Elle ne veut pas... Et pourtant ! C’est tout bête. Il n’était pas là, elle attendait. Lui avait tardé à venir, elle, à lui dire... Quoi ? Peu importe. L’essentiel étant qu’ils ont perdu le sommeil. Elle se voit en coupable, mais elle sait qu’elle ne l’est pas tant que ça. Il ne sait plus faire marche arrière et s’est trop enfoncé pour dire qu’il a eu tort... Que faire, le rêve est brisé. Les miettes que l’on peut ramasser ne le reformeront jamais en entier, il y aura toujours des débris pour manquer. Sous le soleil moqueur d’avril, elle longe la rivière de ses rêves, trempe dans une léthargie que le soleil lui dicte. Elle marche les yeux fermés, respire les odeurs du printemps et s’envole avec la brise qui se lève secrètement. Elle le voit s’en aller dans des contrées lointaines, au-delà de cette rivière, vers une terre inconnue... Il va de souvenir en souvenir, sur l’autre versant, il voit le vent léger lui caresser le cou, lever timidement sa chevelure. Il écoute respirer ses pensées, battre son cœur au-delà des contrées qu’il a traversées. Ils se mettent à se sourire, aussi loin qu’ils étaient l’un de l’autre. Mais les messageries restent vides, les doigts se crispent, se retiennent puis abandonnent, malgré lui, malgré elle, malgré le désir de se retrouver. Elle se lève, résolue à oublier. Elle a appris à lui en vouloir. Elle se regarde dans l’eau de ses larmes accumulées, plus jamais ! Plus jamais elle ne pleurera un amour perdu, plus jamais elle ne se laissera prendre, plus jamais dit-elle, plus jamais ! Et pourtant... Elle n’en est jamais sortie, pas une seconde son cœur n’a battu sans que son souffle n’inspire et n’expire son nom, jamais elle ne s’est endormie, ni ne s’est réveillée sans que son image soit la dernière ou la première à lui apparaître, jamais homme ne l’a fait frémir comme il le faisait: un regard aussi hasardeux qu’il puisse paraître. Jamais elle n’a fui un homme comme elle le fuit... Et pourtant ! Il se perd dans d’autres bras, cherche son odeur de jasmin, la douceur de sa peau, et ses yeux profonds. Il part de femme en femme, butinant dans les cœurs, voulant en avoir assez pour l’oublier. Jamais il n’a senti son cœur se manifester aussi fortement et battre à lui déchirer la poitrine, jamais il n’a eu les mains moites en les posant sur une femme, jamais il ne s’est senti aussi homme que quand il la savait à lui. Jamais il n’a aimé une femme comme il l’a aimée et l’a détestée en même temps. Jamais il ne s’est cru si fragile... Et pourtant ! Passent des jours et des nuits, passent des saisons aux couleurs multiples. Passent des hivers larmoyants, des étés enivrants, des oranges au goût de miel et des mûres sauvages. Passent les nuits de pluie et de vent acharné, et les ivresses festives des nuits estivales. Passent les lassitudes des journées d’été langoureuses et lascives, et la beauté d’un printemps souvent bouleversé. Passent des jours et des vies, sur des passions délaissées, consumées dans un coin du monde, et ils se font violence et prisons. Ils se déchirent, meurent et ne renaissent qu’à moitié. Ils font mine de s’être oubliés et pourtant ! Il n’y a pas d’amour heureux. Que des pleurs et des cris tus, que des larmes ravalées et des joues qui se crispent et des cœurs qui se glacent. Alors ils s’en vont, chacun de son côté, chacun ses tourments et sa horde de souvenirs qui s’estomperont par la grâce du temps et l’amertume de la vie. Saignés, blessés, blasés. Ni les premiers, ni les derniers. Elle s’en va. Esclave du silence, assiégée par la parole. Elle parcourt son être, ramasse les débris de son coeur sur son chemin, glisse dans l'excès, s'attache à l’espoir incertain. Tombe mais ne se relève qu’à grand-peine, dans le brouillard d’une fumée d’illusion, et aussitôt se heurte au mur de la désillusion qui avait tracé là une croix sur son dos flagellé. *** ->
Vous désirez envoyer un commentaire sur ce texte?
-> Vous voulez nous envoyer vos textes? Tous
les renseignements dans la rubrique : "Comité
de poésie" |
Créé le 1 mars 2002
A visionner avec Internet Explorer