de Umar Timol
, sélection novembre 2004
Il se présente à
vous.
Le monde est bordélique
mon fils
et tout fout le camp
ce putain de Putin
qui exerce
l’allégresse et l’appétit
des monstres en chaleur
massacre
comme bon lui semble
les pauvres tchétchènes
mais
alo
alo
on n’en parle pas
la conscience supérieure de nos intérêts prime
et faut savoir
mon fils
que si on veut exhiber
son crâne bousillé aux news
et empocher sa dose rituelle de compassion
faut d’abord croupir
dans les pays bien comme il faut
et les autres alors
et les autres alors
ben les autres
sont-ils seulement humains ?
sont-ils seulement comme nous ?
et c’est comme ça
qu’on est tous devenus des ‘ricains
après le 11 Septembre
pour les Rwandais faudra repasser
le monde est bordélique
mon fils
et tout fout le camp
et puis il y a l’autre con
mais con c’est trop l’honorer
allez vite trouve moi un autre mot dans le dictionnaire
je parle bien sûr
de
l’unique
de l’extraordinaire
du fabuleux
The One and Only
Mr Bush
le boucher de Washington
lui
nous demande un truc
vraiment pas simple
vraiment pas clair
vraiment pas honnête
il nous demande de choisir entre le Bien et le Mal
je te vois intrigué
mon fils
je te vois sceptique
mais le Bien, papa, c’est être gentil
et sympa avec les autres
n’est-ce pas ?
figure toi, mon fils, que le Bien
selon la version de W.
c’est sucer la moelle des pauvres
c’est exploser des Irakiens
pour leur soutirer un peu de pétrole
c’est être le lèche-bottes
de ce vieux débile qui a sur les pattes
le sang des enfants de Sabra et Chatilah
et qui est selon le jargon des ‘ricains
je te prie de ne pas rigoler
our close friend
our ally
le monde est bordélique
mon fils
et tout fout le camp
et puis
il y a encore l’autre
Ben la haine
mais n’en parlons pas
car je sens que je vais gerber
disons quand même
que c’est un maître-escroc
qui envenime
la toute-puissance de la haine
et qu’il est
le frère siamois du con en puissance
le seul
l’unique Mr Bush
on aimerait bien
les ressouder ces deux là
ensuite les exiler sur une île ou une planète
mais de grâce
loin, très loin, des hommes
le monde est bordélique
mon fils
et tout fout le camp
ne crois pas qu’ici c’est mieux
comme le dit si bien mon ami, Alex, le poète,
ici tout est à vendre
allez viens, je t’invite à la foire du fric
on y trouve de tout
c’est un bon cari mélange bien à la mauricienne
les créatures fardées
ce sont
évidemment
nos politiciens
qui ont été
à toutes les sauces merdiques
ils ont
couché découché recouché
avec l’annuaire complet
des démarcheurs du pouvoir
ennemis, amis, amants, ex-amants, gauche, droite
tout est de travers
et après le fiel de la séparation
on s’embrasse à nouveau fougueusement
et les ex-communistes se pavanent aujourd’hui en BMW
on ne s’y retrouve plus
on n’y comprend plus rien
ils font toujours le trottoir
car sait-on jamais
que voici, que voilà
et on te catapulte dans le siège de ministre
et puis
un peu plus loin
tu verras les faces
carnassières, corrompues et corruptrices
de nos élites
oublie un instant les titres ronflants
les missiés, madames, les courbettes
et les mimiques de la respectabilité
ceux là sont les héros d’une farce
intitulé
A l’assaut, a nous le fric
je te le répète, mon fils
ici tout s’achète
ton âme, ta conscience, ta probité
tout, mon fils
absolument tout
tout a un prix
et le peuple dans tout ça
tu me demandes
et bien le peuple
il est bien obligé de trimer
il y a la flambée des prix
la ménagère
elle
ne comprend
rien
à la géopolitique
et au baril à $50
mais tout ce qu’elle sait
c’est que tout est plus cher
et qu’il faut s’éreinter pour nourrir ses enfants
et puis
il y a des usines qui ferment
on parle de rationalisation, de globalisation
de sauvegarder l’entreprise
tous les gros mots qu’on a appris dans les écoles de gestion
et c’est vrai
que rien n’est simple de nos jours
mais au bout du compte ce sont toujours les mêmes qui se retrouvent
sur
le
pavé
allez on ne va
parler de la Complexité
mais pas besoin
d’avoir été a Oxford ou Harvard
pour se demander
si c’est bien légitime et juste
qu’une Ile fomente de telles inégalités
sais-tu
que dans notre l’Ile-paradis
il y a des enfants qui cessent d’aller
à l’école
parce que leurs parents
ne peuvent leur payer le ticket d’autobus
le monde est bordélique
mon fils
et tout fout le camp
je te vois bien pessimiste
mon enfant
et tu demandes ce qu’il faut faire
je ne sais franchement pas
nous, les adultes
nous sommes plutôt prévisibles
notre grand rêve, notre nirvana
c’est de devenir un petit-bourgeois encroûté
avoir l’appart à 2.2 millions
le 4/4
2.2 enfants
2.2 portables
mais bon parfois
on se donne la peine de penser aux plus démunis
ça fait chic
et après tout on des humanistes
on est des gens bien
très bien
alors qu’au fond
on s’en tape complètement
on est comme des bolides dans la course
ready, get set, go, c’est ce qu’on disait dans la cour de l’école
primaire
réussir
faut réussir
c’est fou ce qu’on peut faire pour être quelqu’un
et quand on a un peu marre
le hollywood-bollywood, les paraboles et le canal plus ou moins
cons
s’attèlent à nous soûler les méninges
pauvre Baudelaire
si seulement il savait
ici tout n’est plus que bêtise, fric et fric
le monde est bordélique
mon fils
et tout fout le camp
et
mon enfant
tu me demandes ce qu’il faut faire
et bien
tiens très ferme à ton sourire angélique
morceau de bleu, morceau de lagon, morceau de lune
ne lâche pas prise
surtout pas
résiste
résiste de toutes tes forces
c’est ce sourire qui t’empêchera
d’être comme eux
d’être comme nous
cadavres ambulants que la cupidité bouffe à petits feux
ce sourire
morceau de bleu, morceau de lagon, morceau de lune
sera ton gage
de liberté
et de spiritualité
tu t’évertueras à sourire
mon enfant
encore et encore
résiste.
->
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