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 Illustration de couverture par Sever Miu

Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton, nous vous présenterons un chapitre du roman de l'auteur roumain Sever Miu, Des pas sans traces. Une invitation à découvrir ou redécouvrir cette moitié d'Europe dont nous avons été longtemps privés et dont nous pouvons désormais réentendre la voix.





 Des pas sans traces

Chapitre 1

 

Présentation et résumé

"Des pas sans traces" est un roman–poème sur le monde de l’enfance après la deuxieme guerre mondiale dans un faubourg de Bucarest. La Roumanie était sous l’occupation des Russes et dans une période de la dictature totalitaire.

Commencé en 1986, puis revu, complété, il est terminé en 2003.

La poésie de l’âme d’un enfant protégé par ses parents se tisse avec les événements réels, comme veut le dire l'édifiante prière de l'enfant du début :"Seigneur, aide moi à porter pendant toute ma vie mon âme d’enfant".

Dans ce livre,vous découvrirez des traditions,toutes les coutumes des gens pauvres, ceux qui formaient une mosaïque ethnique -Grecs, Italiens, Tziganes, Juifs,
Bulgares . L’école élémentaire, le collège et la faculté sont trois sortes de harnais qui recouvrent et dirigent l'esprit de l'enfant.

L’épilogue essaye de déchiffrer le sens de l’existence.

 

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Une prière:

Mon Dieu,aide moi

me porter pendant la vie

mon âme d’enfant!

 

L’INEVITABLE RETRAITE…

J’écoute le quintette "La ritirata di Madrid" di Bocherini. Je vois comme en réalité le cortège des chevaliers médiévaux. Sous le soleil aveuglant  de Madrid, les armures brillent, les panaches multicolores jettent des gerbes d’artifices autour d’eux. De rétifs étalons noirs marchent solennellement, couverts de chabraques au fil d’argent. Les bardots aux pompons rouges les
suivent.

L’explosion de lumière et de couleurs s’en va. Mon oeil veut la retenir encore. En diminuant au fur et à mesure, le cortège féerique glisse vers un point obscur. Doucement, plus doucement encore, il se fond…. comme s’il n’avait pas existé

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Ainsi l’enfance merveilleuse a quitté la vie.

Un ogre envieux a essuyé la trace de son passage.

Puis, des bulldozers ont écrasé en bloc les murs et les souvenirs.

Le quartier de l’enfance, il est détruit!

Jamais plus je ne reverrai les ruelles s’assoupir sous les paupières du lierre, les maisons ciselées des lueurs parsemées par les petits fragments du bleu des liserons, les iris des jardins.

Naturellement!

Ils n’ont pas pu survivre après qu’ELLE fut partie!..

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Je me promène tout seul dans le désert en béton.

Nulle part il n’y a aucune trace……

 

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............................Motto

On ne sait que passera pendant la vie . Jusqu’elle finira,

Ne pas envier aucun ,

Quand il vive encore."

( Solon vers Cresus,le roi de la Lydie)

 

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Chapitre 1

LA SORTIE DE L’OEUF

 

Les Daces pleuraient à la naissance d’un enfant. Il étaient sages.

Si ce don, l’enfance, n’avait pas existé, alors il aurait été difficile au fils de pardonner à ses parents…..pour la vie! "L’accident" se produit à cause d’un amalgame d’instincts, passions et raisonnements que le nouvel intrus ignore complètement mais qu’il, comme une ironie du destin, va assumer.

Je reviens et je regarde derrière moi. De tous les chemins, celui de l’enfance apparaît brodé à travers un énorme désert, sans traces.

Chaque pas, vers la fata morgana de la CONNAISSANCE, ne laisse pas d’empreinte sur le sable mouvant. Tout n’est qu’une répétition inutile et violente à travers les espaces. Il n’y a qu’un seul chemin, digué d’intérêt, au bout duquel nous attend la triste vérité.

En quittant nos coquilles, nous, des ombres de la fantaisie, nous nous dirigeons vers la fin incontestable!

Parfois la VIE nous pousse….

Malheureux ou aisés nous sommes, également, enchâssés par la chaîne des clins d’oeil. Les premières, claires comme le cristal, puis d’autres de plus en plus confuses, obscures la boue de nos chaussures.

Le commencement et la fin endiguent l’étendue de
la mer, sur laquelle nous aspirons à flotter.

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J’ai vu le jour au milieu de la deuxième guerre mondiale et si jamais j’évoque mon passage dans le grand désordre des hommes, j’aurai un repère "forte" du commencement..

Le moment qui avait représenté ma transformation, apportait un alibi solide à mes parents

Avoir recours à l’éternité, cela devenait nécessaire parmi les ruines, les bombes et la cendre. La mort les suivait à tout coin de la rue, en montrant sa fauche, et eux- le signe de la vie... un bébé !

Bucarest, sous la tension de la guerre, à laquelle étaient connectés mes parents, allait me transmettre le fond d’inquiétude qui m’a entouré d’un voile épais, marquant une grande partie de mon existence.

Ma grand-mère racontait avec ironie que, pendant un bombardement abasourdi sur Calea Dudesti, l’une des propriétés de la famille, mon père, frappé d’épouvante, s’était protégé la tête avec une bassine contre les éclats d’obus qui tourbillonnaient autour de lui... Éludant l’aspect qui était digne d'un Don Quichotte de l’image, je ne sens au tréfonds de mon âme que la terreur…

Mes premiers souvenirs confus, comme aperçus par une fenêtre embuée, dessinent des ombres et des sons indéchiffrables, comme des faits arrivés à d’autres, pour lesquels j’étais un spectateur.

Papa courait avec moi au fond de la cour de Mihai Bravu et, en descendant rapidement quelques marches sous la terre, il me cachait dans notre refuge.

Le vrombissement sourd des avions tombait sur le calme épais du brouillard, en tissant des questions sans réponses claires dans ma tête d’enfant.

Je ne savais pas encore ce que c’était la mort, tout comme je ne connaissais pas le sens de la vie, cette merveille-là qui mettait au monde la pensée de la pensée, tout comme dans la sainte nuit de la Résurrection où est allumée la lumière de lumière.

Je ne savais pas que cette machine extraordinaire -l’homme- ne resterait à jamais ainsi, que le destin lui lèverait dans son chemin obstacle après obstacle et que, finalement, après une avalanche d’essais, il s’arrêterait, se fondrait dans le néant.

Je ne distinguais ni entre le bien et le mal, ni entre la beauté et la laideur, je ne savais pas quelle était ma mission dans ce pêle-mêle où j’avais été poussé sans qu'on me l'eût demandé.. Pour moi tout était un jeu….

Je jouais avec un rayon de soleil qui pénétrait par une fissure de la trappe du refuge, diluant le brouillard et dorant les brins de poussière qui erraient sur son étendue..

Je le regardais comme il glissait espiègle sur les visages contractés d’alentour, en dessinant au fil d’or et d’argent les figures pétrifiées…

Des petites mottes de sable humide, je construisais des palais destinés à résister à la terreur mieux que les bâtiments qui s’écroulaient autour de moi.

Je ne comprenais pour rien au monde pourquoi je devais me séparer de mes jouets et descendre dans l’oubliette moisie, où je ne pouvais garder que JUJUCA- cette poupée-là de chiffon, pleine d’étoupes, de laquelle je n’avais jamais accepté de me séparer.. Jujuca était devenue le symbole du refuge, depuis le moment où, l’oubliant une fois, la bombe était tombée très près de nous.

J’ai gardé longtemps cette poupée et même si le temps et mon amour l’avaient enlaidie, elle était devenue une vraie confidente.

Je ne sais pas ce qui m’a déterminé à lui montrer tant d’amour; peut-être le fait que j’ai appris à comprendre, en la voyant près de mon lit.

Toute souffrance que je lui avouais, diminuait, devenant comme un apaisement.

D’autres jouets, meilleurs et plus chers, disparaissaient sous mes mains qui cherchaient partout, brisés dans de petites pièces, jamais réunies...

 

   ( À suivre, rendez-vous dans notre édition de juin pour le Chapitre 2)

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Créé le 1 mars 2002

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