Sélection
d’auteurs
Vos textes soumis au comité de lecture poésie |
Sélection juin 2017 |
Le fugitif
Nuit fauve, emplie de senteurs animales. Devant moi, les champs sombres qui s’étalent. Au loin, j’aperçois une forme noire : Sans doute un mas isolé, mince espoir D’un abri
possible. J’hésite un instant, soudain immobile, Goûtant le
silence et la paix fragile. Tout dort. Il n’y a personne à cette heure. Mais je pense à l’aube et alors la peur Ressurgit, terrible. Je reprends la marche, l’esprit tendu Vers l’étrange édifice au toit pointu Qui se dessine très bien désormais : C’est une église en ruines. Et ses murets M’invitent,
impassibles. Tandis que la
nuit déjà s’effiloche, J’extirpe les
poings du fond de mes poches, Je pousse la porte en bois dégondée Et pénètre dans la nef délabrée Que je passe au
crible. Les bancs renversés, l’épaisse poussière, Les vitraux brisés, les ronces outrancières, Les nids de choucas et les tas de feuilles : Nul autre que moi n’a franchi le seuil De ce lieu
paisible. Je laisse
glisser mon sac à mes pieds. Le sol est
jonché de débris variés. Alors, c’est sur l’autel que je m’installe, Pelotonné en position fœtale, Dans l’ombre,
invisible. Je ferme les yeux mais reste aux aguets. Mon cœur se
calme, tout en moi se tait. L’aube est là. Et dans la campagne grise Les bons
chasseurs désormais s’électrisent : Ils cherchent
leur cible. [Des fanfreluches éparpillées]
Des
fanfreluches éparpillées dans ses sillons, Tandis qu’elle
danse à en perdre la tête Et peut-être
même la raison, Devant les hommes et moi-même, qui la regardons Tout en buvant
nos verres de piquette. Ici et là, des
lumières, des rayons Clignotants et
la musique, reine de la fête, Jouée par les
trompettes, les accordéons, Emportant dans
un tourbillon Cette femme
oiseau qui tourne et claquette. D’un coup elle tombe, trahie par des talons Si hauts qu’ils transformaient ses gambettes En pattes de
moucheron. Alors nous reprenons le cours de nos conversations Sans plus
prêter gare à ses galipettes. Rire à la seule vue d’un saule
Rire à la seule
vue d’un saule, Quand dévoré
par le chagrin, Les joues
mouillées, noircies de khôl, On a pris le
premier chemin, Celui qui part vers la rivière, Un lieu que
l’on ne connaît pas. Ici les fleurs
et la bruyère Parfument
chacun de nos pas. Alors, peu à
peu, apaisé, On oublie
l’amère tristesse ; Et les feuillages mordorés Que le vent tendrement caresse Balaient nos
cœurs dans la lumière. On l’aperçoit,
perché plus bas, Comme gardant
la tréflière, Ce grand arbre dont tous les bras Pleuvent en
riant sur la terre. Sous le
parapluie de ses branches, Caché sous l’auvent débonnaire, Rempli d’une joie pleine et franche, On s’est assis,
sans réfléchir. Combien de
minutes ont passé ? Suffisamment
pour réagir : Il est temps
pour nous de rentrer. Alors,
délaissant la musique Du zéphyr, de l’eau, des oiseaux, De leur effet
analgésique, On retourne sur
le coteau. Hyménée
Un druide
patine à la lueur de la lune ; Sa femme le poursuit, chevauchant sa panthère. Un souffle noir les enveloppe sur la dune Pendant que les
enfants débarquent sur la terre. Eh ! M’entends-tu, lecteur ? Le soleil part
en guerre. Rejoins-le donc, ami, dans son combat nocturne. Déjà notre amour est le berceau de la mer Que balançait
hier l’Étoile de Saturne. Et nos baisers,
bulles d’huile dans l’eau salée, S’envolent en
silence et vont rougir le lit, Quand trois feuilles de menthe alourdies de rosée Tentent de
s’éveiller dans ce cycle de vie. Ton visage
Les rides qui bordent tes yeux ― On peut parler de rides à présent : Nous avons
vieilli. Tes rides, Qui chahutent quand tu souris Ou que tu me
regardes, Les iris emplis
de paillettes. Tes narines, Assoiffées
d’air, Ouvertes sur le
monde, Curieuses, épanouies, Dans lesquelles les poils sagaces Goûtent et
trient les senteurs. Tes pommettes, Dunes souples, Qui montent, qui descendent, Au gré des marées De tes humeurs. Et la courbe de
tes joues, Jusqu’à ta
mâchoire solide, Jusqu’à ton
menton, Terrain âpre,
piqué de crin, Tel un chemin
escarpé Qu’il faut
avoir la patience d’emprunter Parce qu’il mène à la douceur des lèvres, A la moiteur de la bouche, Écrin. Plus haut,
l’oreille, Ouvrage divin, Coquillage
étiré, Refuge des sons, Porte qui s’ouvre à ma voix, Creuset. Et tout autour, La corolle de tes cheveux, Salves de
couleurs : Du brun au
blanc En passant par
le grisonnant et le blanchissant, Couronne de roi Pour ce beau
visage, Ton visage
paysage, Ton visage
comète, Ton visage
d’homme, Reflet de tout ce que nous avons vécu ensemble, De nos souvenirs, de nos attentes De ce qui va
venir. Ton visage, Mollement
écrasé sur l’oreiller, Éclairé par la lampe de chevet Tout près, Tout près du
mien. *** Retour
à la sélection de juin
2017 |
Créé le 1 mars 2002
A visionner avec Internet
Explorer
</div><
/body>< /html>