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Sélection juin 2017

 


 


Sophie EMONET

 

 

Le fugitif

 

Nuit fauve, emplie de senteurs animales.

Devant moi, les champs sombres qui s’étalent.

Au loin, j’aperçois une forme noire :

Sans doute un mas isolé, mince espoir

D’un abri possible.

 

J’hésite un instant, soudain immobile,

Goûtant le silence et la paix fragile.

Tout dort. Il n’y a personne à cette heure.

Mais je pense à l’aube et alors la peur

Ressurgit, terrible.

 

Je reprends la marche, l’esprit tendu

Vers l’étrange édifice au toit pointu

Qui se dessine très bien désormais :

C’est une église en ruines.

Et ses murets

M’invitent, impassibles.

 

Tandis que la nuit déjà s’effiloche,

J’extirpe les poings du fond de mes poches,

Je pousse la porte en bois dégondée

Et pénètre dans la nef délabrée

Que je passe au crible.

 

Les bancs renversés, l’épaisse poussière,

Les vitraux brisés, les ronces outrancières,

Les nids de choucas et les tas de feuilles :

Nul autre que moi n’a franchi le seuil

De ce lieu paisible.

 

Je laisse glisser mon sac à mes pieds.

Le sol est jonché de débris variés.

Alors, c’est sur l’autel que je m’installe,

Pelotonné en position fœtale,

Dans l’ombre, invisible.

Je ferme les yeux mais reste aux aguets.

Mon cœur se calme, tout en moi se tait.

L’aube est là.

Et dans la campagne grise

Les bons chasseurs désormais s’électrisent :

Ils cherchent leur cible.

 

 

[Des fanfreluches éparpillées]

 

Des fanfreluches éparpillées dans ses sillons,

Tandis qu’elle danse à en perdre la tête

Et peut-être même la raison,

Devant les hommes et moi-même, qui la regardons

Tout en buvant nos verres de piquette.

Ici et là, des lumières, des rayons

Clignotants et la musique, reine de la fête,

Jouée par les trompettes, les accordéons,

Emportant dans un tourbillon

Cette femme oiseau qui tourne et claquette.

D’un coup elle tombe, trahie par des talons

Si hauts qu’ils transformaient ses gambettes

En pattes de moucheron.

Alors nous reprenons le cours de nos conversations

Sans plus prêter gare à ses galipettes.

 

 

Rire à la seule vue d’un saule

 

Rire à la seule vue d’un saule,

Quand dévoré par le chagrin,

Les joues mouillées, noircies de khôl,

On a pris le premier chemin,

Celui qui part vers la rivière,

Un lieu que l’on ne connaît pas.

Ici les fleurs et la bruyère

Parfument chacun de nos pas.

Alors, peu à peu, apaisé,

On oublie l’amère tristesse ;

Et les feuillages mordorés

Que le vent tendrement caresse

Balaient nos cœurs dans la lumière.

On l’aperçoit, perché plus bas,

Comme gardant la tréflière,

Ce grand arbre dont tous les bras

Pleuvent en riant sur la terre.

Sous le parapluie de ses branches,

Caché sous l’auvent débonnaire,

Rempli d’une joie pleine et franche,

On s’est assis, sans réfléchir.

Combien de minutes ont passé ?

Suffisamment pour réagir :

Il est temps pour nous de rentrer.

Alors, délaissant la musique

Du zéphyr, de l’eau, des oiseaux,

De leur effet analgésique,

On retourne sur le coteau.

 

 

Hyménée

 

Un druide patine à la lueur de la lune ;

Sa femme le poursuit, chevauchant sa panthère.

Un souffle noir les enveloppe sur la dune

Pendant que les enfants débarquent sur la terre.

Eh ! M’entends-tu, lecteur ?

Le soleil part en guerre.

Rejoins-le donc, ami, dans son combat nocturne.

Déjà notre amour est le berceau de la mer

Que balançait hier l’Étoile de Saturne.

Et nos baisers, bulles d’huile dans l’eau salée,

S’envolent en silence et vont rougir le lit,

Quand trois feuilles de menthe alourdies de rosée

Tentent de s’éveiller dans ce cycle de vie.

 

 

Ton visage

 

Les rides qui bordent tes yeux ―

On peut parler de rides à présent :

Nous avons vieilli.

Tes rides,

Qui chahutent quand tu souris

Ou que tu me regardes,

Les iris emplis de paillettes.

Tes narines,

Assoiffées d’air,

Ouvertes sur le monde,

Curieuses, épanouies,

Dans lesquelles les poils sagaces

Goûtent et trient les senteurs.

Tes pommettes,

Dunes souples,

Qui montent, qui descendent,

Au gré des marées

De tes humeurs.

Et la courbe de tes joues,

Jusqu’à ta mâchoire solide,

Jusqu’à ton menton,

Terrain âpre, piqué de crin,

Tel un chemin escarpé

Qu’il faut avoir la patience d’emprunter

Parce qu’il mène à la douceur des lèvres,

A la moiteur de la bouche,

 Écrin.

Plus haut, l’oreille,

Ouvrage divin,

Coquillage étiré,

Refuge des sons,

Porte qui s’ouvre à ma voix,

Creuset.

Et tout autour,

La corolle de tes cheveux,

Salves de couleurs :

Du brun au blanc

En passant par le grisonnant et le blanchissant,

Couronne de roi

Pour ce beau visage,

Ton visage paysage,

Ton visage comète,

Ton visage d’homme,

Reflet de tout ce que nous avons vécu ensemble,

De nos souvenirs, de nos attentes

De ce qui va venir.

Ton visage,

Mollement écrasé sur l’oreiller,

Éclairé par la lampe de chevet

Tout près,

Tout près du mien.

 

***

 

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Créé le 1 mars 2002

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