VENGEANCE
Ce
matin, de gigantesques mouettes criardes planaient, tournoyaient bas dans
le ciel, juste au-dessus de nous. Elles promenaient leurs ombres au sol et
étaient aussi nombreuses qu'assourdissantes. Elles filtraient la lumière
déjà chiche du firmament laiteux et mat, pareil à une sorte de dôme, de
cloche à fromage posée sur la ville.
Journal
en main, je me hâtai de regagner mon logis, sous leurs huées.
C'était
peu de dire que le spectacle était impressionnant, perturbant.
Une
fois calfeutrée chez moi, je laissai les fenêtres closes et, m'emparant de
boules Quiès que je me fourrai dans les conduits
auditifs sans perdre de temps, je m'assis à ma table de cuisine et, devant
ma tasse de jus noir, entrepris de déplier le papier pour en parcourir les
colonnes. Ce faisant, j'eus, plutôt vite, fait de tomber sur la rubrique Faits
divers, où je lus, les yeux soudain hors des orbites, un titre bien
détaché, en gras et en caractères passablement volumineux : « ENCORE
UN HOMME ÉTRANGLÉ A PARIS PAR L'UNE DE SES PLANTES. »
Je
sillonnai fiévreusement, presque en diagonale, le corps de l'article :
« Hier,
dans la matinée, un homme âgé de 71 ans et vivant seul dans la capitale a
été retrouvé par son employée de maison qui prenait son service étranglé
dans le salon de son appartement de 4 pièces par une liane qui, ayant rampé
sur le plancher depuis une de ses plantes d'appartement en pot, s'est
enroulée autour de son cou dans un mouvement de constriction alors qu'il se
trouvait assis, peut-être assoupi dans son fauteuil tout proche, face à son
poste de télévision, lequel était demeuré allumé.
C'est
maintenant la quatrième fois que ce type d'événement se produit dans le
périmètre de Paris intra-muros.
Dans
les autres cas comme dans celui-ci, la (présumée) "coupable" est
une plante grimpante et rampante appelée Hoya carnosa
qui s'était développée, aux dires des proches des victimes,
particulièrement vite, au point que les trois premières plantes en question
font actuellement l'objet d'une analyse génétique qui n'est, à ce jour, pas
encore terminée. S'agirait-il d'une mutation ? »
©Patricia
Laranco
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