coque
bleue posée sur la grève
abandonnée
de mer verte
brisée
de goémons et de coquillages
dépareillée
d’importance
tandis
que les myosotis affirment ta solitude congratulée
par
le vide, marée basse partie si loin
qu’invisible
et muette, striée de goélands
frigorifiés,
alors certains promeneurs avancent masqués
pour
que la mortalité légiférée s’affranchisse des visages
et
que l’idéalité s’agrippe aux algues vérifiées par le ciel
extravagant
et sondable
-
une mer dévalisée de l’intérieur
s’octroie
des mots bruns et invalides, handicapés
de
nécessité rafistolée, tandis que les mouettes
réparent
les flaques salées et engourdissent
l’avril
illusoire
et
que les enfants enfouissent le sable d’évidence scarifiée
***
une
frange d’estran où la marée remonte, lançant
ses
langues d’eau à l’assaut des sables
très
vite monte la mer, s’étalant sans vergogne
et
auréolant le sol de nappes successives et vivantes
tu
marches sur le fond de la mer comme
en
terra incognita,
là l’homme s’est abstenu
seul
le vent a bâti l’espoir, et l’homme n’a
construit
aucune maison, n’a établi aucun engin
c’est
un sol vierge offert, une exception
sillonnée
de mer et de sel, plombée de vents
des
enfants jouent avec attention, la grève
se
muscle de marée montante, et tout s’accélère
les
berniques s’agrippent au granit, les îles
s’arriment
et le paysage bouge tout seul
tu
sais que le monde change, que les marées
dessinent
des hiéroglyphes dans des champs de pierres
ou
des langues de sable, entre les flaques
clarifiées
et ton incompétence humaine
à
chaque heure mer et terre se départagent
le
monde métamorphosé d’avenir, et sans toi
***
de
l’île tu n’auras pas déchiffré l’alphabet intime
certains
photographient le silence
alors
que déconstruite tu marches sans pas
juste
une douleur avançante
tu
fends le vent de mer hors temps
et
tâches d’ensevelir les derniers morts
les
hommes joyeux sont inconscients comme la mer
ils
montent et descendent les grèves caracolées de vent
et
ils pêchent l’insolite et l’arbitraire
quand
l’herbe verte sur les îles s’élève hors sel
fleurs
mauves au bord du précipice, épargnées
ce
marécage au creux des îles aux fougères
brunes,
serait-ce la stagnation des remords
qui
t’ont fait hurler dès la naissance involontaire
ou
la complète indifférence de la matière
parmi
les granits, déglutis par la mer et verticaux
sans
yeux, basculés dans les vides défaits
et
fonctionnels, sanctionnés par le sable dégrisé
quand
tu arpentes ta conscience ficelée de vent
déliée
à peine, abandonnique et déplacée
puis
la mer monte, les goémons s’allongent
et
le sel fructifie dans les flaques, plus vivant
que
le visage du vent aseptisé
***
La
glycine perdure, contre vents et marées.
La
maternité est une plénitude très provisoire.
Les
algues se laissent porter par les eaux flagrantes, ne choisissent ni chemin
ni destin.
Lors
des grandes marées, derrière l’île d’Illiec, les
blocs de pierres forment chaos cyclopéen.
Puis
des ormeaux s’enfouissent dans les failles.
Alors
les étoiles de mer, tordues et orangées, impassibles, ne nous regardent
pas.
Recroquevillées,
leur cinq branches racornies, comme mortes,
n’était la couleur.
Leurs
yeux s’additionnent sur les spectacles brassés par les mers.
Elles
amplifient la lumière, tournent le dos à l’horreur, s’arriment au granit.
Puis
se laissent tomber dans les flaques.
Les
goélands s’apprêtent à pleuvoir.
On
ne pêche toujours que son désespoir lent.
***
ta
conscience est ta douleur
puis
la mer tente de laver la pollution résultant de tes actes humains et
capitalisés
le
mois de mai est une tâche élémentaire
une
gageure allégée des fleurs vécues
la
marée te déstabilise
puis
la terre tâche de rééquilibrer les désastres
après
les galets des grèves, entre sel et exploration
des
champs, après la marche centripète
et
les oiseaux sans noms, et le lichen
la
mer relie terre et ciel de frigidité transitoire
***
l’humain
traverse les paysages des sables
tandis
que la mer roule ses goémons déracinés
avant
l’automne de la conscience
les
hommes boivent pour s’abstraire
de
la terre dissociée
et
les vents tordent les arbres défigurés d’intransigeance
© Anne
Barbusse
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